19 novembre 2018
Vassily Kandinsky, Cercles dans un cercle, 1923.
Il est devenu courant d’entendre de nos jours des propos sur « l’effondrement de LA société industrielle ». Mais c’est sans doute trop simpliste. Nous soutiendrons dans cet article que, en certains lieux, le capital informationnel qui caractérise cette civilisation (techniques, procédés, savoir-faire, organisations… ) continuera d’augmenter, ainsi que la résilience au réchauffement climatique et à la déplétion des ressources.
Nous partirons de la définition de l’effondrement de Joseph Tainter, un des pionniers de l’approche scientifique de cette notion. Elle tient en 3 points : 1/ Plus une société est complexe, plus elle requiert de l’énergie ; 2/ Après avoir épuisé l’énergie bon marché et la dette abordable, elle perd sa capacité à résoudre ses problèmes ; 3/ L’effondrement est la simplification rapide d’une société.
Cette définition lie l’effondrement à la notion de complexité, et celle-ci aux flux énergétiques. C’est un lien qu’étudie aussi la thermodynamique, en particulier à partir des travaux de Igor Prigogine sur les structures dissipatives1: ce sont des structures qui reçoivent un flux énergétique de l’extérieur, mais qui créent des formes d’organisation à l’intérieur via importation et mémorisation de l’information. L’eau qui bout dans une casserole est l’image classique d’une telle structure, mais c’est aussi valable pour les cellules qui mémorisent l’information dans l’ADN, et pour les sociétés humaines qui la mémorisent via la transmission culturelle.
l’évolution biologique se traduit par une augmentation de la complexité (des organismes eucaryotes aux animaux), qui a pour support une information stockée dans les gènes sous forme d’ADN. Selon la théorie darwinienne, les gènes se répliquent, évoluent par altérations et fusions, et transmettent les changements favorables à leur descendant. Ils augmentent ce faisant leur capacité à se perpétuer et à s’adapter à l’environnement, c’est-à-dire à ‘résoudre les problèmes’ selon les termes de Tainter.
L’évolution de la culture humaine est similaire. Les pratiques agricoles par exemple se transmettent de génération d’agriculteurs à la suivante, via le langage, l’imitation, les livres ou, plus récemment, Internet. Elles peuvent évoluer par le hasard ou l’adaptation de pratiques développées par ailleurs. Les pratiques les plus efficaces augmentent la résilience des sociétés qui les adoptent2, ce qui renforce leur diffusion. Il en est de même pour les pratiques militaires, les savoir-faire pour fabriquer des objets, les capacités à échanger ou à organiser une société en croissance démographique, etc3.
Ces évolutions peuvent être considérées comme l’évolution d’algorithmes.
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1 Lire François Roddier “Thermodynamique de l’évolution” pour en savoir plus
2 Lire Jarred Diamond “De l’inégalité parmi les sociétés” ; L’histoire de la Grande Peste de 1346 est aussi un bon exemple de résilience à un cataclysme permise par le progrès technologique : lire Michel Lepetit https://bit.ly/2qutedZ
3 Le concept de Mème est intéressant pour étudier ces évolutions:https://bit.ly/2FeDGRl
4 Lire Yuval Noah Harari pour de long développements de cet argument, en particulier ‘Homo Deus”
5 Nous développons cet aspect dans d’autres articles, par exemple:
http://nxu-thinktank.com/et-si-les-algorithmes-dia-evoluaient-egalement-suivant-des-lois-darwiniennes
6 Pour approfondir, lire ;http://decroissance.blog.lemonde.fr/2016/11/18/algorithmes_et_decroissance/
7 Par exemple Meadows dans:https://lemde.fr/2QqGc7O