Les coûts écologiques de la technique (déchets, pollution) sont rendus invisibles par la délocalisation de la production industrielle. Ils devraient nous inciter à promouvoir une technologie sobre et résiliente.
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Il faudra enfin mener une réflexion sur nos modes de production, privilégier des ateliers réimplantés près des bassins de consommation, un peu moins productifs mais plus intensifs en travail, moins mécanisés et robotisés, mais économes en ressources et en énergie, articulés à un réseau de récupération, de réparation, de revente, de partage des objets du quotidien.
Face aux forces en présence et aux tendances de fond, cela paraît bien utopique. Mais peut-être pas plus que le statu quo, un maintien ad vitam aeternam de notre civilisation industrielle sur sa précaire trajectoire exponentielle. La robotisation et l’intelligence artificielle nous promettent un chômage de masse à des niveaux inégalés tandis que nous serons rattrapés par l’effondrement environnemental. Pourquoi ne pas tenter plutôt la voie d’une transition post-croissance vers un nouveau « contrat social et environnemental » ?
Philippe Bihouix,
ingénieur centralien.
Spécialiste de l’épuisement des ressources minérales
et promoteur des low-tech.
Il est membre du conseil d’administration de l’Institut Momentum.
Article publié dans la revue Esprit n°443, mars-avril 2017.
[1] Bjorn Lomborg, l’Écologiste sceptique, Paris, Cherche Midi, 2004.
[2] Jeremy Rifkin, la Nouvelle Société du coût marginal zéro, Paris, Les Liens qui libèrent, 2016.
[3] Henry Hobhouse, les Graines du changement. Six plantes qui ont changé l’humanité, trad. Patricia Barbe-Girault, Orléans, Regain de lecture, 2012.
[4] Karl Polanyi, la Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps [1944], trad. Catherine Malamoud et Maurice Angeno, préface de Louis Dumont, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1983.
[5] André Guillerme, les Temps de l’eau. La cité, l’eau et les techniques, Ceyzérieu, Champ Vallon, 1983.
[6] Jean-Baptiste Fressoz, l’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Seuil, 2012
[7] Georges Duhamel, Scènes de la vie future, Paris, Mercure de France, 1930, p. 135.
[8] Marc Levinson, The Box. Comment le conteneur a changé le monde, trad. Antonine Thiollier, Paris, Max Milo, 2011.
[9] Lewis Mumford, Technique et civilisation [1934], trad. Natacha Cauvin et Anne-Lise Thomasson, préface d’Antoine Picon, Marseille, Parenthèses, 2015.
[10] Voir Yves-Marie Abraham et David Murray (sous la dir. de), Creuser jusqu’où ? Extractivisme et limites à la croissance, Montréal, Écosociété, 2015 ; Alain Gras, le Choix du feu, Paris, Fayard, 2007.
[11] Baudouin de Bodinat, la Vie sur Terre. Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes, tome I (1996) et tome II (1999), suivis de deux notes additionnelles, Paris, Encyclopédie des nuisances, 2008.