Société de contrôle (2) : la CAF défend son programme de chasse aux pauvres
Notre enquête sur les algorithmes de contrôle social n’en est encore qu’à son début, mais elle a déjà produit quelques effets : après notre analyse de son algorithme de notation des allocataires, la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) est bien obligée de se justifier publiquement au sujet de ses pratiques discriminatoires.
La réponse du directeur de la CNAF, entre déni et diversion, relève de la communication de crise. Mais les faits que nous constatons dans l’analyse de l’algorithme lui-même restent irréfutables. Et derrière l’autosatisfaction de l’institution, saluée aussi par les députés de la majorité présidentielle pour son efficacité dans la chasse aux pauvres, on voit un jeu de dupes : loin d’une rentabilité réelle, et à rebours de la « fraternité » républicaine de la société avec ses membres les plus précaires, le contrôle systématique par algorithme sert l’idéologie d’une efficacité gestionnaire où le recours aux outils numériques habille de modernité des choix politiques et sociaux inégalitaires. Analyse du discours de la CNAF et réponse point par point dans notre article !
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Olivier de Schutter : "Pourquoi la croissance ne vaincra pas la pauvreté" : épisode • 3/8 du podcast « Je rêvais d’un autre monde » - Lundi 18 septembre 2023 / La terre au carré
La croissance économique ©Getty - Andriy Onufriyenko
Série « « Je rêvais d’un autre monde » »
Non seulement la croissance ne résoudra en rien la question des inégalités ni celle des multiples crises environnementales, mais au contraire, elle ne fera que les aggraver. C’est ce que montre Olivier de Schutter dans son livre.
Avec Olivier De Schutter Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté
L’augmentation du PIB n’amène plus le bien-être escompté dans les pays riches, mais au contraire davantage d'inégalités, de pauvreté et d'impacts écologiques. Dans les pays riches la croissance est ainsi devenue contre-productive...
En outre, Olivier de Schutter s’attaque à la fausse croyance selon laquelle la croissance permet de réduire la pauvreté.
Dans Changer de boussole (Les liens qui libèrent), le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains et l’extrême pauvreté, plaide pour la sobriété au Nord – qui ne se confond ni avec le renoncement ni avec le sacrifice – et pour une croissance différente de celle d’aujourd’hui dans les pays à faibles revenus.
Il démontre l’urgence d’un changement d’orientation devant générer plus de justice sociale et réduire la pauvreté.
Nous produisons assez pour nourrir 12 milliards de personnes
Près d'un milliard de personnes ne mangent pas à leur faim aujourd'hui sur la planète, alors même que nous produisons dans le monde de quoi en nourrir 12 milliards. Pourtant, avec quelques décisions courageuses, par exemple dans le domaine de l'agriculture, le problème de la faim pourrait être résolu. C’est ce qu’on peut lire dans l'ouvrage d’Olivier de Schutter. Il explique pourquoi dans nos sociétés d'abondance, la recherche obsessionnelle de la croissance est aujourd'hui totalement contre-productive.
Intégrer la dimension sociale dans la transformation écologique
La question des inégalités sociales aujourd'hui et celles de la transition écologique sont étroitement imbriquées. Pour Olivier de Schutter : « Les impacts sur l'environnement de notre mode de croissance ont des impacts sur les personnes en pauvreté. Ce sont elles qui subissent la pollution de l'air, qui habitent sur les zones inondables ou sujettes à des glissements de terrain. Au niveau mondial, ce sont elles qui dépendent des ressources naturelles, qui sont les premières victimes des ruptures climatiques. On n'intègre pas la dimension sociale dans les choix que nous faisons pour décarboner l'économie. Il faut concevoir autrement la transformation écologique et en faire un levier de justice sociale. »
Une croissance contre-productive
Dans son livre, Olivier de Schutter montre que nos riches sociétés sont face à un énorme problème, celui de la croissance économique basée sur l'augmentation du PIB. Une méthode contre-productive qui est actuellement à son paroxysme : « La recherche de la croissance qui a été pendant tout le XXᵉ siècle l'obsession des gouvernements depuis que la valeur a été inventée au début des années 40, oriente des choix de politique économique d'une manière qui, aujourd'hui augmente les inégalités, l'insécurité des personnes à faible revenu et a des impacts sur l'environnement qu'on ne peut plus ignorer et qui n'était pas du tout présent à l'esprit des gouvernements dans les années 40 et 50, quand l'indicateur du PIB a commencé à les mobiliser. »
Un consensus qui émerge chez les chercheurs
Les politiques sont minoritaires à oser entrer dans ce débat sur la croissance, mais du côté des experts académiques, un consensus est en train d'émerger. Pour eux, la recherche de la croissance du PIB n'est pas un objectif souhaitable en soi, même si cette recherche a pu servir certains objectifs légitimes jusqu’à il y a une quarantaine d'années : « Il y a une véritable difficulté pour le monde politique à changer un logiciel hérité du XXᵉ siècle. Au XXᵉ siècle, on avait une droite et une gauche qui s'opposaient non pas sur le besoin de croissance, mais sur comment la réaliser, avec des recettes fondées plus la discipline fiscale et la récompense aux investisseurs de droite et à gauche, il y avait un débat sur le partage des fruits de la croissance, mais l'idée de croissance n'était pas contestée. »
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De plus en plus d’inégalités
Une partie importante de la croissance des pays en développement repose sur les exportations vers les pays riches. Quand les pays riches réduisent leur croissance, ce sont les pays en développement qui en subissent les impacts. Pour notre invitée : « Il faut aller vers une déconnexion relative pour que les pays en développement puissent continuer de se développer sans que cela ne dépende de la croissance continue des pays riches. Mais en exploitant le pétrole ou l'industrie extractive, on détruit des communautés et on augmente les inégalités. On développe une économie de rente qui profite à quelques-uns, mais pas à la grande masse. Ces pays en développement doivent se poser la question de la sélectivité dans la croissance. »
La responsabilité des grandes entreprises
Les lobbies des entreprises ont un rôle indéniable dans cette course à la croissance. Pour Olivier de Schutter, l’influence politique des entreprises ne se limite pas à quelques actes isolés de corruption ou au lobbyisme financé dont elles sont capables : « Le vrai problème, c'est que ces grandes entreprises, sont les championnes des économies d'échelle des longues chaînes mondiales d'approvisionnement qui mettent en concurrence les producteurs du monde entier pour écouler à bas prix sur les marchés des produits de masse pour une consommation de masse. Ces entreprises peuvent s'adresser aux gouvernements pour ne pas être bridées par une fiscalité trop lourde ou par une réglementation trop exigeante, en leur disant qu’elles vont délocaliser leur production, et l’on ne pourra plus satisfaire les attentes du public qui veut pouvoir consommer. Si on continue à se donner comme objectif la croissance du PIB, on continue d'être l'otage de cette espèce de chantage qu'exercent les grandes entreprises qui en sont les championnes. »
Aller vers une société apaisée
Les études actuelles montrent toutes qu'entre la croissance du PIB et l'amélioration du bien-être, le sentiment de bonheur que les gens éprouvent, ce lien est rompu depuis plus de 40 ans : « L'augmentation de la richesse monétaire ne satisfait plus les attentes des gens. Ils veulent une vie équilibrée entre la famille, les amis, les loisirs d'une part et le travail d'autre part. Ce qu'ils veulent, c'est pouvoir habiter dans les endroits qui ne sont pas pollués et avoir un lien à la nature, pouvoir développer des talents ou autres que ce qu'ils peuvent développer au travail, avec des activités auto productives qui suppose qu'on travaille moins et qu'on aille vers une société plus pacifiée, apaisée, plus conviviale aussi. Cependant, l'offre politique, aujourd'hui, n'est pas de nature à ce que ces voix puissent se faire entendre. Peut-être qu'il faut aujourd'hui un sursaut d'imagination politique pour qu'on puisse véritablement tester la popularité de ces propositions auprès du public. »
Pour en savoir plus écoutez l'émission...
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Mediapart a réalisé une cartographie des inégalités sociales face aux canicules à Lille, Paris et Marseille. Elle révèle que les espaces urbains végétalisés de ces métropoles ont été monopolisés par les plus riches au détriment des classes populaires, assignées à vivre dans des quartiers surexposés aux chaleurs extrêmes.
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Selon le dernier rapport annuel du Haut Conseil pour le climat, l’Hexagone est particulièrement exposé aux conséquences du réchauffement planétaire. La hausse du thermomètre a atteint + 1,9 °C sur la dernière décennie en France, contre près de 1,2 °C dans le monde. Comme l’a signalé l’organisme indépendant, « les deux tiers de la population française sont déjà fortement ou très fortement exposés au risque climatique ».
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Marine Le Pen prône des thèses nationalistes et xénophobes, elle cherche à séduire les classes populaires et moyennes en faisant croire que nos difficultés seraient causées par les réfugiés et les personnes de confession musulmane. Lorsque l’on se penche sur son programme économique, il est troublant, pour ne pas dire confondant, de voir la similarité des propositions avec celui d'Emmanuel Macron.
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GFLC et Nicolas Voisin ont aimé @attac_fr · 3h
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