Assoc crée par Rokhaya Diallo
Les élus locaux sont divisés, souvent réservés, mais aussi extrêmement prudents
Connu / TG 12/9/22 À 23:53
Émissions Géopolitique 3 minutes
Les violents affrontements entre juifs et arabes dans les villes mixtes d’Israël ont fait ressurgir de vieux réflexes hérités de blessures historiques profondes de part et d’autre. Mais chacun ignore les traumatismes de l’autre.
Les forces de sécurité israéliennes sur le qui-vive dans la ville de Lod, soumise au couvre-feu après de violents affrontements entre juifs et arabes depuis trois jours. © AFP / AHMAD GHARABLI / AFP
Le conflit entre Israéliens et Palestiniens a des causes bien connues et identifiées : territoriales, historiques ou religieuses. Mais il en existe d’autres plus souterraines, plus inconscientes, qui remontent à la surface lorsque se produisent des événements dramatiques.
C’est ce qui se passe avec les scènes très violentes qui se sont déroulées ces derniers jours dans les villes mixtes d’Israël, Lod, Ramleh ou Acre. Elles font remonter de chaque côté des traumatismes historiques profonds.
Lorsqu’une synagogue et des commerces juifs ont été incendiés à Lod, le maire de la ville a immédiatement fait la comparaison avec la nuit de Cristal, en 1938, lorsque les nazis ont brûlé des synagogues, saccagé les commerces juifs, et fait plus de cent morts.
Lorsque des juifs d’extrême droite s’en sont pris, dans la même ville, aux commerces arabes et ont lynché un homme sorti de sa voiture en direct à la télévision, les Palestiniens ont aussitôt évoqué 1948, ce qu’ils appellent la « Nakba », la « catastrophe » ; l’expulsion ou le départ de centaines de milliers de Palestiniens lors de la création d’Israël.
Ces deux références historiques sont devenues constitutives des identités de chaque peuple. Chaque Israélien et chaque Palestinien grandit dans l’ombre de la grande histoire. Le calendrier est rythmé par ces références : en Israël, le « jour de la Shoah » perpétue le souvenir de la destruction des juifs pendant la guerre et le serment « plus jamais ça » ; les Palestiniens ont leur « Journée de la Nakba », journée du souvenir qui tombe justement demain, le 15 mai, jour de tension prévisible.
Il ne s’agit pas ici de comparer ces deux événements, ou de procéder à une quelconque concurrence victimaire ; il s’agit de comprendre les réflexes que déclenchent ces traumatismes historiques distincts.
Un souvenir personnel : après les Accords de paix d’Oslo, en 1993, alors que j’étais correspondant à Jérusalem, j’avais réuni deux intellectuels, l’un Israélien, l’autre Palestinien. Le Palestinien avait suggéré que chacun reconnaisse le traumatisme de l’autre, pour les dépasser afin de vivre en paix, évoquant justement la Shoah et la Nakba, en prenant bien soin de ne pas les comparer. C’était un geste de bonne volonté, mais qui ne fut pas compris, la discussion tourna court. Un quart de siècle plus tard, on retrouve cette problématique dans les affrontements de Lod.
Le poids de l’histoire peut être étouffant, surtout quand celle-ci n’est pas partagée. Rien n’effacera la réaction d’un juif face à ce qu’il vit comme la répétition de l’innommable ; mais quand les jeunes Palestiniens se mobilisent pour empêcher des expulsions de résidents dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, le même réflexe est à l’œuvre.
Ignorer l’histoire de l’autre et ses traumatismes, c’est garantir de ne jamais se comprendre ; c’est rendre la cohabitation plus difficile encore. Dans la crise actuelle, ce sont ces affrontements entre citoyens Israéliens, juifs et arabes, qui constituent la dimension la plus dangereuse pour l’avenir, plus encore que les roquettes du Hamas.
Pour surmonter ce fossé qui s’est creusé, et dont le ministre israélien de la défense, Benny Gantz, a redouté hier qu’il n’entraîne une « guerre civile », peut-être faut-il commencer par comprendre ce qu’il y a dans la tête de l’autre, ses rêves et ses cauchemars.
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"thomas legrand a retweeté pierre haski @pierrehaski · 21h - 19 - 122- 217"
Début janvier, on découvrait que certains domaines de la stratégie vaccinale mise en place par le gouvernement avaient été confiés à des cabinets de conseil. Depuis mars, le Ministère de la santé a donc signé 28 contrats avec une demi-douzaine de cabinets privés, pour le conseiller sur la gestion des masques, la logistique, les tests, les vaccins - soit un budget de plus de 11 millions d'euros dont 4 millions pour les seuls américains de McKinsey. Appréciez la balance coût / efficacité...
Les oppositions ne décolèrent pas, pointant perte de souveraineté, incompétence du gouvernement, faillite de nos administrations, etc. Est-il exceptionnel que l'Etat sous-traite des missions à ces cabinets de conseil, qui ont surtout pour clients des entreprises privées ?
En fait ce n’est pas une nouveauté, notamment dans le domaine de la santé. Selon le site Politico, l’administration française a rendu publics au moins 575 contrats passés avec des cabinets de conseil depuis octobre 2018 : aide à la lutte contre l’épidémie, élaboration de plans de relance économique ou recommandations sur la loi climat.
La France recourt au consulting depuis la fin des années 80 ; mais sous Sarkozy ce recours sera massif, notamment pour organiser la réforme de l’Etat (pour l’anecdote, le directeur général de la Modernisation de l’État à l’époque de la RGPP, François-Daniel Migeon, venait lui-même de chez McKinsey).
Pour un cabinet comme McKinsey, les marchés avec des insitutions publiques ou des organismes internationaux représentent tout de même 1/5 de ses activités. Les domaines comme l'éducation et la santé sont vus comme des opportunités de business à exploiter. Ainsi les cabinets de conseil, à commencer par BCG (Boston Consulting Group) et McKinsey, ont joué un rôle considérable ces 15 dernières années dans la restructuration des hôpitaux et leur adaptation aux normes financières et gestionnaires néolibérales.
Résumons : les firmes qui ont accompagné les politiques d’austérité, de suppressions d’emplois dans la fonction publique, de liquidation des services publics, se voient aujourd’hui confier la mission de pallier les défaillances qui en résultent. Le tout pour des tarifs exorbitants et des résultats pas forcément meilleurs que ceux qu'un bon vieux haut fonctionnaire énarque aurait pu obtenir.
Surnommé “la firme”, McKinsey, est le plus gros, le plus cher, le plus réputé de ces cabinets de conseil en stratégie. Ses consultants interviennent auprès des directions des plus grandes entreprises pour changer leur stratégie de management, réussir une acquisition, ou restructurer une branche. Il recrute les meilleurs, diplômés des universités américaines les plus prestigieuses, ou repérés dans d’autres multinationales. Inversement, sortent de McKinsey un nombre considérable de grands dirigeants. On parle de la Firme comme d’une “usine à PDG”.
Ses consultants sont tellement bien intégrés aux réseaux de top managers et de hauts-fonctionnaires qu’on se demande parfois où sont les frontières entre les entités et entre les missions (lire l’enquête récente du Monde sur les liens serrés entre McKinsey et la macronie). Pour un cabinet de conseil en stratégie, collaborer avec un Etat, même gratuitement ou "pro bono", est un investissement. C'est pour le cabinet d'abord un “enjeu réputationnel”, et surtout bien sûr un moyen de cultiver un réseau et de préparer les futurs pantouflages et retro pantouflage, toute cette circulation d'élites privé/public.
Rien d'étonnant, donc, à ce que comme l'affirme le gouvernement, ils soient "venus proposer leurs services” : profiter des crises, s’engouffrer dans des transformations juridiques, etc. fait partie de l’ADN de McKinsey. Lorsqu'en 1933 aux USA le Glass-Steagall Act interdit aux banquiers d’affaires finançant une entreprise d’en conseiller les dirigeants, Marvin Bower (futur directeur de McKinsey) a l'idée d'assurer cette fonction. Il transforme McKinsey, alors modeste société de conseil en management fondée en 1926 en un cabinet de conseil en stratégie qui deviendra "La Firme", le numéro 1 du secteur.
L’industrie du conseil va non seulement acquérir une importance capitale aux USA, mais aussi s’exporter à partir des années 60. Ces firmes collectent ici ou là les bonnes pratiques, les formalisent puis exportent ces nouvelles doctrines, jouant un rôle moteur dans la mondialisation. McKinsey a par exemple largement contribué à la diffusion aux entreprises européennes du standard d’organisation "M-form", ou forme multidivisionnelle.
Comme l'explique la chercheuse Marie-Laure Djelic dans son article "L'arbre banian de la mondialisation. McKinsey et l'ascension de l'industrie du conseil", McKinsey revendique très tôt une démarche scientifique :
“En effet, si le management est une science, il en devient universel – et donc global. McKinsey peut donc revendiquer en toute légitimité un rôle d’expert aussi bien au musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg ou auprès du World Wildlife Fund (deux clients « pro-bono » de McKinsey) que dans une entreprise privée de l’Illinois. En ce sens, et de manière très profonde, l’industrie du conseil est un vecteur de la globalisation, qui est d’une certaine manière inscrite dans la nature même de sa stratégie savante”
McKinsey est-il le cabinet qui contrôle le monde, comme le titrait Marianne ? Officiellement les cabinets de conseil n’interviennent pas sur les choix de politique publiques. Ils fournissent plutôt une expertise en matière de logistique, de gestion des données, et de comparatifs internationaux. Une hypothèse est que recourir à un cabinet extérieur permet à la direction d'une entreprise de court-circuiter sa propre bureaucratie et de démanteler les pratiques établies. De même pour un gouvernement qui voudrait faire des réformes en contournant une partie de sa haute fonction publique.
Les réseaux de la Firme semblent tentaculaires. On est tenté de la comparer à une pieuvre, comme dans les schémas complotistes ou les caricatures de propagande. Mais l'image n'est pas adaptée car elle laisse croire qu'une seule une tête pensante contrôle tout. Une meilleure métaphore serait celle du figuier des banians. Et c'est l'ancien directeur de McKinsey, Rajat Gupta, qui y a recourt. Les branches de cet arbre replongent dans le sol, font des racines, qui donnent de nouveaux troncs, augmentant la superficie de l'arbre. Le plus grand, situé en Inde, couvre à lui seul une surface de 19 000 m2.
McKinsey ouvre des bureaux dans le monde entier, qui comme les branches du banian, vont devenir des troncs qui diffusent cette culture néolibérale : soit directement, par les conseils aux entreprises, soit indirectement, en essaimant leurs employés qui vont occuper des postes de direction privés ou publics. Ces nouvelles branches donnant de nouveaux troncs, et ainsi de suite...
Connu / https://twitter.com/LeMediaTV/status/1362114596467843072
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Le Média @LeMediaTV 8:00 PM · 17 févr. 2021·58 Retweets 6 Tweets cités 80 J'aime
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