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Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Fabien Roussel affichent des scores très faibles. Jean-Luc Mélenchon, lui, fait mieux qu’en 2017. Analyse de l’état des forces à gauche après ce premier tour.
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Florent Gougou, maître de conférence Sciences Po Grenoble ... Manuel Cervera_Marza, sociologue université de Liège ... Émilien Houard-Vial, enseignant à Sciences Po Paris ...
18 novembre 2021 à 09h43 Mis à jour le 19 novembre 2021 à 09h45 - Lorène Lavocat (Reporterre)
Présidentielle
Bifurcation écologique, VIe République, partage des richesses... L’Avenir en commun, le nouveau programme de la France insoumise pour la présidentielle, est sorti. Comme en 2017, il prend une orientation écologiste.
« Construire une société d’entraide ayant pour but l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. » Voilà comment le candidat Jean-Luc Mélenchon résume la « vision du monde pour le futur » portée par l’Union populaire, nouvelle mouture de la France insoumise pour la présidentielle de 2022. Jeudi 18 novembre, elle a lancé son livre-programme : 60 000 exemplaires parus aux éditions du Seuil, imprimés en France sous le label écolo Imprim’vert — « éco-responsabilité » oblige — et vendus 3 euros en librairie.
Au premier abord, L’Avenir en commun — c’est son nom, le même qu’en 2017 — s’inscrit dans la droite ligne de ce dernier : on retrouve le même cépage insoumis et la même vinification, en mode coopérative. Tous les ingrédients de base du « populisme de gauche », comme le décrit le sociologue Manuel Cervera Marzal, sont réunis. « Il se décline dans les mots du programme, explique le chercheur, qui a récemment publié une sociologie de la France insoumise. Les références de gauche ont presque complètement disparu — le terme “gauche” est lui-même absent — alors que les termes liés au “peuple” se sont multipliés. Le populisme cherche en effet à retraduire le clivage droite gauche dans une grammaire “peuple versus oligarchie”. »
Danièle Obono, Mathilde Panot, Manon Aubry et Caroline Fiat lors d’un meeting des Insoumis en octobre. © Moran Kerinec/Reporterre
« Il ne s’agissait pas de repartir d’une page blanche », confirme Clémence Guetté, qui a coordonné le travail programmatique, à Reporterre. Les fondamentaux de 2017 — VIe République [1], planification écologique et partage des richesses — sont toujours présents. Le programme a cependant été largement « réactualisé », à travers des contributions de militants, des auditions avec des associations, des syndicats, des intellectuels…
Nouveauté : la défense des biens communs — eau, air — contre la privatisation
À l’arrivée, le cru 2022 se révèle donc plus charpenté, aux arômes plus complexes que le précédent : 160 pages, 14 chapitres et quelque 600 propositions, soit le double du programme antérieur. « Nous avons voulu prendre en compte tout ce qui s’est passé durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, explique Clémence Guetté. Nous avons des mesures visant à abroger certaines lois macronistes — sur l’état d’urgence, sur la réforme de l’assurance chômage — mais aussi des propositions reprises des mobilisations sociales des Gilets jaunes, de #MeToo, de la Convention climat. » Principale revendication du mouvement des ronds-points, le RIC (référendum d’initiative citoyenne) figure ainsi en bonne place dans la section dédiée à la démocratie. Un chapitre entier est également consacré aux leçons à tirer de la pandémie.
Côté écologie, la transition s’est mutée en « bifurcation », signe de la radicalité du tournant à entreprendre selon les mélenchonistes. La méthode, en revanche reste la même qu’il y a cinq ans : la planification écologique. « Nous avons renforcé notre travail à ce sujet, en réfléchissant à sa mise en œuvre concrète », précise Mme Guetté. Elle passerait ainsi par une ré-organisation du territoire, autour des communes. Une forme de décentralisation, chère à Europe Écologie-Les Verts (EELV) ? « L’État reste le stratège, et fixe les objectifs, répond Mme Guetté. Mais nous voulons redonner plus de poids et de moyens aux communes, en supprimant les mégarégions et les métropoles technocratiques. »
Nadine, Gilet jaune, à Montpon-Ménestérol (Dordogne), en 2019. Les Insoumis ont repris des propositions de cette mobilisation sociale, comme le RIC. © Émilie Massemin/Reporterre
Autre nouveauté, la défense des biens communs — eau, air — contre la privatisation. L’Avenir en commun s’appuie ainsi largement sur le travail des vingt-trois parlementaires insoumis, reprenant par exemple les préconisations de la commission d’enquête sur l’eau ou la proposition de loi sur la forêt menées par Mathilde Panot.
Les Insoumis ont également revu leur position sur l’Europe, sous l’impulsion entre autres des eurodéputés Manon Aubry et Manuel Bompard. Plus question de sortir immédiatement des traités européens, l’heure est à la désobéissance : « Il existe de nombreux mécanismes, aujourd’hui utilisés par des gouvernements de droite, pour désobéir aux institutions européennes, précise Mme Guetté. Il faut trouver une voie entre le Frexit et la soumission aveugle aux traités néolibéraux. » Le programme propose ainsi de « conditionner la contribution française au budget de l’UE », ou d’« utiliser le droit de veto de la France, par exemple pour refuser tout nouvel accord de libre-échange ».
Mélenchon relance sa campagne dans un grand bain populaire
Déjà bien fourni, L’Avenir en commun devrait s’enrichir, dans les mois à venir, de « plans d’action » détaillés sur plusieurs thématiques — l’Europe, la lutte contre les féminicides et les relocalisations — et d’un chiffrage budgétaire précis. Le but, affiché par M. Mélenchon dans sa préface du livre : disposer d’un programme « prêt à l’emploi ». Pour Mme Guetté, c’est aussi un gage de confiance : « Nous ne mentons pas à nos électeurs, nous leur expliquons précisément ce que nous allons faire une fois élus. » La publication relativement précoce de ce programme — les autres partis en sont encore à l’étape d’élaboration — doit également permettre à Jean-Luc Mélenchon de prendre une longueur d’avance sur ses concurrents à gauche.
La volonté des Insoumis est de « remettre les idées en avant »
« Le programme de la France insoumise, en 2017 et certainement en 2022, est celui qui est le plus fouillé, le plus chiffré de tous les partis, constate pour sa part M. Cervera Marzal. Il renoue ainsi avec une tradition de la gauche du XXe siècle — celle du programme commun ou du Front populaire — qui s’est progressivement érodée. Ces trente dernières années, les partis ont plutôt eu tendance à avoir des programmes de plus en plus légers, en se concentrant plutôt sur la communication et la personnalisation autour du candidat. » De moins en moins de votants s’intéressent de près aux programmes. Pour le chercheur, cette volonté des Insoumis de « remettre les idées en avant » vise un double objectif : « Ils font le constat d’une impasse à gauche, et de la nécessité de refonder un projet politique, notamment à travers un programme », estime-t-il. D’autre part, ce programme collaboratif doit permettre de « contre-balancer l’hyperpersonalisation autour de Mélenchon ». En d’autres termes, les militants peuvent ainsi soutenir à celles et ceux que la personnalité du leader hérisse qu’il ne s’agit pas de voter pour un homme, mais pour des idées.
C’est maintenant que tout se joue…
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Notes
[1] Une Assemblée constituante serait convoquée et chargée de rédiger une nouvelle Constitution.
Clés : Présidentielle Politique