Mis à jour le 29 mai 2023 à 14h56 - Durée de lecture : 6 minutes - Politique
Édito — Politique
L’emploi de concepts d’extrême droite par M. Macron et ses ministres révèle le vacillement du pouvoir qu’ils représentent. C’est la tentative de reprise en main d’une civilisation mortifère qui sent sa fin venir.
Emmanuel Macron et son gouvernement sont-ils en train de reprendre sans scrupule les éléments de langage de l’extrême droite ? Après une série de faits divers et la mort de plusieurs agents publics, voilà que la France plongerait selon eux, dans « un processus de décivilisation » contraire « au sens de l’histoire ».
... ce concept est également le titre d’un livre écrit en 2011 par Renaud Camus ... Il y a quelques mois, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, parlait de « l’ensauvagement » des quartiers populaires — autre terme repris à l’extrême-droite. L’usage de ces mots est un choix prémédité. Une stratégie du choc et de la sidération dans une bataille culturelle, de plus en plus acérée.
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l’ordre établi défend son modèle de société à tout prix. D’un côté, le gouvernement traite les chercheurs qui remettent en cause son hégémonie de « terroristes intellectuels », de l’autre, il vante de manière réactionnaire la civilisation occidentale et les valeurs qu’elle charrie, le progrès technique, l’individualisme ou encore la soi-disant prospérité économique.
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Aujourd’hui, les bouleversements écologiques sont tels qu’ils font voler en éclat nos certitudes et nos représentations ethnocentrées. La Terre se dérobe sous nos pieds et la Civilisation et le Progrès que l’on érigeait en emblème s’écroulent. C’est une remise en cause profonde de notre monde. Une décivilisation nécessaire. À l’ombre des catastrophes, des vérités nouvelles éclatent au grand jour. C’est notre société toxique, dans son rapport à la nature et à l’Autre, qui est profondément et imminemment violente.
On dépense des sommes gigantesques pour tuer les sols, empoisonner les gens, appauvrir les pays du Sud, abattre des milliards d’animaux ou repousser des migrants à la mer. L’historien camerounais Achille Mbembe parle de « nécropolitique » pour évoquer cette civilisation moderne jonchée de cadavres où « l’administration méthodique de la mort » mobilise la science, l’armée, l’industrie et la technique.
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« La nature selon l’homme blanc est quelque chose de dangereux, de violent, un état d’avant la société, un état que la civilisation vient recouvrir et remplacer, décrit le philosophe Baptiste Lanaspeze
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Il y a 50 ans, Claude Levi-Strauss pourfendait « les tenants de l’évolutionnisme culturel » dans Race et histoire. Toutes les sociétés ne suivent pas la même trajectoire linéaire. Il n’y a pas de fin de l’histoire ou d’aboutissement logique qui nous entraînerait inévitablement vers la démocratie libérale. Après lui, son disciple Philippe Descola faisait voler en éclat la séparation entre nature et culture, cette frontière hermétique érigée par la civilisation moderne, qui nous a coupé du reste du vivant.
L’anthropologie anarchiste n’est pas non plus en reste. Dans Archéologie de la violence, Pierre Clastres relativise l’idée que les sociétés autochtones, dites proches de la nature seraient sans foi ni loi, brutales ou barbares — une manière pour les colonisateurs d’asseoir et de justifier symboliquement leur domination. Dans Homo Domesticus, James C. Scott, montre, au contraire, que c’est l’avènement des grandes civilisations qui a entraîné une régression massive de la qualité de vie, avec une montée de l’esclavage et de la faim.
David Graeber, dans son livre posthume Au commencement était… révèle que l’époque des Lumières, dont on se targue tant, n’est en rien une invention occidentale. Ses théories sur l’Égalité et la Liberté ont été nourries par le contact avec des peuples indigènes, et notamment les communautés iroquoises ou Algonquins
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Nous devons apprendre à « Rester barbare » (Louisa Yousfi) pour ne pas être écrasés par le rouleau compresseur de l’uniformité ... La décivilisation est une chance, elle nous ouvre aux autres, humains et non-humains. « Le monde que nous voulons est fait de beaucoup de mondes », affirment les zapatistes. À la Civilisation, préférons donc le « Plurivers » !
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Jean Gautier a partagé 6 h redfrog@mamot.fr Neoresistant@mamot.fr redfrog @redfrog@mamot.fr
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