Clés : Environnement Interviews Mode de vie Ressources naturelles
Publication : 23/08/2023 - Mis à jour : 04/01/2024
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Dans La ville stationnaire, un livre clair, bien illustré et abordable, Sophie Jeantet, Clémence De Selva et Philippe Bihouix passent au peigne fin la croissance des villes qui est devenue insoutenable. Au menu : étalement urbain, déconstruction de la smart city, la Zéro Artificialisation Nette, et une tonne de solutions.
L’étalement urbain accélère l’érosion de la biodiversité et contribue au changement climatique. Votre ouvrage rappelle que la définition d’un sol artificialisé n’est pas aussi simple que nous pourrions le penser…
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Parmi les solutions, vous proposez de passer de la Zéro Artificialisation Nette à la Zéro Artificialisation Brute…
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promesse de la smart city ... vole en éclats ... L’abandon par SidewalkLabs (filiale du groupe Alphabet, la maison-mère de Google) du projet de la friche Quayside à Toronto au printemps 2020 a fait l’effet d’une douche froide (officiellement, le projet, qui avait provoqué l’enthousiasme à son lancement, a été abandonné pour des raisons financières, mais de vraies difficultés avaient surgi sur la possible marchandisation des données personnelles des futurs habitants). Il y a des effets de mode, comme partout : en ce moment, c’est l’IA qui tient la dragée haute, après le long-feu du métavers de Zuckerberg… Mais l’idée reste très implantée en Asie et au Moyen-Orient ; les projets délirants comme The Line, en Arabie Saoudite, sont obligatoirement smart, cela va sans dire (et forcément green, bien évidemment).
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matériaux biosourcés, qui représentent une belle opportunité pour décarboner nos bâtiments ... des limites dans l’application de passage à l’échelle
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l’inversion de la tendance de la décohabitation ... divorce ... c’est multi factoriel, que les luttes féministes, l’émancipation des femmes ... la taille moyenne des foyers français est passée de 3,1 personnes dans les années 1960 à 2,2 personnes aujourd’hui ... La séparation des conjoints n’est qu’un facteur de décohabitation parmi d’autres, aux côtés du vieillissement de la population ou de bonnes nouvelles comme l’augmentation du nombre d’étudiants ... le parc de logements vacants augmente – aujourd’hui plus de 8% du parc total, soit 3 millions de logements, dont 1,1 million depuis plus de deux ans. On « fabrique » des dizaines de milliers de logements vacants par an, parce qu’ils sont situés dans des régions ou des zones moins attractives, que leur taille, leur prix, leur localisation, leur contexte urbain, leur ancienneté (voire leur état d’insalubrité nécessitant des travaux que le propriétaire ne peut ou ne souhaite pas prendre en charge) ne conviennent pas aux ménages qui veulent s’installer ... la métropolisation participe à ce phénomène. 15% des communes françaises n’ont jamais été aussi peu peuplées ... depuis 1876.
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pour contrer l’étalement urbain est ce que cela voudrait dire « concrètement, vieillir à plusieurs, garder ses enfants ou parents à la maison » ... On voit apparaître de très belles innovations, tout un continuum de “solutions” qui s’expérimentent ou se développent, qui demandent plus ou moins d’engagement personnel et de socialisation : le béguinage, la cohabitation intergénérationnelle, l’accueil d’étudiants dans les familles ou chez les retraités, les programmes d’habitat partagé dans le petit collectif, qui permettent de mutualiser des pièces comme la buanderie, une salle de jeux pour les enfants, une chambre supplémentaire pour accueillir les visiteurs, les espaces extérieurs…
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Vous rappelez en citant Sophie Divry que le rêve de la maison individuelle et du grand jardin est avant tout une construction sociale ... sujets délicats ... Ce n’est pas tant les maisons individuelles qui posent problème, que le fait que beaucoup d’entre elles sont sous-occupées, qu’on ne sait pas les adapter aux situations familiales évolutives, que les « parcours résidentiels », comme on dit, sont très peu fluides, dans le parc privé comme dans le parc social.
L’une des propositions centrales de votre livre est que « pour construire mieux, nous n’aurons d’autres choix que de construire moins » ... Construire moins (de neuf) permettrait en outre de mobiliser les moyens humains, organisationnels et financiers sur la rénovation thermique, la réhabilitation et la transformation du parc existant.Nous sommes pour le moment très, très loin du rythme de croisière à atteindre: pour « tenir » la trajectoire de neutralité carbone, selon les scénarios, il faudrait rénover 800 000 à 1 million de logements par an, parallèlement à 3% du parc tertiaire et de bâtiments publics, sans fléchir pendant une trentaine d’années. Cela signifie au bas mot une multiplication par vingt du rythme actuel.
Plus d’un tiers de votre livre offre des solutions concrètes. Comme les synthèses du rapport du GIEC, nous avons déjà les solutions ... mieux utiliser, intensifier l’usage du bâti existant, on l’a évoqué avec les logements vacants ou sous-occupés. Mais c’est vrai aussi des bâtiments publics, des bureaux, des locaux commerciaux ou d’activité : on peut agir sur la multifonctionnalité, l’usage en fonction des horaires ou des périodes (le gymnase qui sert aussi de marché couvert, l’école de lieu d’accueil des clubs et associations le soir et le week-end, la salle de classe qui se transforme l’été en logement touristique – il y a déjà des exemples ! – etc.), la mutualisation (particulièrement pertinente dans les zones d’activités qui ont été construites à une époque où le foncier n’était pas un sujet de préoccupation). ... mener des projets urbains, faire de la densification « douce » dans le tissu pavillonnaire et les centres-villes, transformer intelligemment les formes bâties (élévations sur l’existant, découpage de logements…). Comparées à la production « classique », c’est évidemment de l’épicerie fine, de la haute-couture, plus complexe à mettre en œuvre… ... la métropolisation, la concentration des populations autour de « locomotives économiques » a été favorisée, amplifiée, accompagnée par les politiques publiques ... Mais la croissance des grandes villes révèle désormais sa face sombre : effets contre-productifs d’une croissance trop rapide, saturation des équipements et des infrastructures de transport, relégation des plus modestes à la périphérie avec l’augmentation du prix du foncier, perte d’identité progressive avec une « standardisation » des constructions neuves et des offres adaptées aux visiteurs touristiques… et une plus grande vulnérabilité aux crises potentielles et aux effets de changement climatique (îlots de chaleur urbain, etc.).
Si nous voulons gagner en résilience, les métropoles ne doivent plus grandir, mais essaimer
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ces nouvelles orientations d’aménagement du territoire ne doivent pas être perçues comme une difficulté supplémentaire, qui viendrait s’empiler sur toutes les autres « transitions » à mener dans les décennies qui viennent, mais comme une « pièce du puzzle », car elles pourraient particulièrement bien s’articuler avec d’autres enjeux de la transition énergétique et environnementale, comme celui d’une nécessaire démobilité, en diminuant nos besoins de déplacements quotidiens, en rapprochant les zones d’emploi et d’activité des logements, en favorisant le maillage pour les mobilités actives ou celui de la mutation du système agricole vers des pratiques respectueuses du sol et du vivant, forcément plus intensives en travail humain. Les villes « idéales » sont déjà là, ce sont celles que nous avons sous les yeux, qu’il faut « réparer », entretenir, réinvestir, adapter aux enjeux futurs.
Connu / https://mamot.fr/@bonpoteofficiel/113412925266068037
Ndlr : terminer d'indexer, valoriser ACT