Effondrement dans les Alpes, lacs asséchés, vendanges aléatoires… Cet été, les signes du changement climatique se sont répétés et multipliés en Auvergne-Rhône-Alpes, au point que sa conscience gagne la population. Malgré cela, explique notre chroniqueuse, l’exécutif régional ne change pas d’orientation.
Corinne Morel Darleux est secrétaire nationale à l’écosocialisme du Parti de gauche et conseillère régionale Auvergne - Rhône-Alpes.
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Le lien entre ces éboulements (on parle d’écroulement au-delà de 100 m3) de plus en plus fréquents et la fonte du pergélisol, qui sert de ciment aux géants de roche, est aujourd’hui avéré.
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l’assèchement spectaculaire du lac d’Annecy. Un lac alimenté par des sources de montagne qui sert de repère, tout à la fois lieu de plaisance, de baignade, repos du regard et petit écosystème entre pression foncière et préservation du littoral montagnard. Alors que le lac était placé au premier stade de vigilance pour les crues cet hiver après des pluies importantes, son niveau est aujourd’hui tombé plus bas que durant la canicule de 2003, plus bas, en fait, que ce qu’on n’a jamais vu — et c’est un effet curieux qui vous glisse dans le dos que de voir le fond du lac mis à nu… À tel point que l’usage de l’eau a été restreint et la région d’Annecy placée en situation d’alerte renforcée.
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Pour la grêle, la calamité peut monter à 80 % de pertes
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j’adorerais vous dire que, du coup, ça a provoqué des discussions enflammées sur la manière de faire face en tant que collectivité, d’aider les agriculteurs à diversifier leurs cultures et à privilégier les moins gourmandes en eau, les plus résistantes et adaptées à un climat de plus en plus mouvant. J’aimerais tant écrire que les yeux se sont grand ouverts autour de la table et que l’exécutif a soudain réalisé que financer des canons à neige précipitait les stations dans de futurs déficits abyssaux. Que la dernière salve de subventions a été immédiatement transférée vers les programmes de tourisme estival, et la politique du tout-ski dans nos montagnes remisée. J’aurais naturellement voulu vous dire que le projet de nouvelle autoroute A45 entre Lyon et Saint-Étienne a été abandonnée, le Lyon-Turin remplacé au profit d’un report immédiat des camions sur les rails de la ligne existante, les trains de l’étoile de Veynes assurés de rouler pour les décennies qui viennent, un grand programme de rénovation thermique lancé, que les crédits affectés au développement de la résilience ont été doublés, et les subventions de santé environnement rétablies.
Las. L’effet d’inertie du système et les blocages idéologiques sont plus puissants que les montagnes qui s’effondrent et que les lacs qui s’assèchent, plus puissants que le rapport du Giec et que les milliers de personnes réunies dans les marches pour le climat ou à Alternatiba. Pour l’instant.
La croyance dans la technique semble inépuisable. Et c’est ainsi que les « solutions » qui ont été discutées en commission Montagne, c’est le remplacement des anciens canons à neige par de nouveaux, moins énergivores, donc plus « verts ». Et j’ai eu beau expliquer la gabegie d’énergie grise provoquée par le fait de produire ces canons tout neufs pour remplacer les anciens, au-delà de leur consommation quand ils fonctionnent, rien n’y a fait. Autre trouvaille, l’équipement de GPS sur les engins des stations pour sonder le manteau neigeux et déterminer où il faut aller cracher la neige artificielle, au mètre cube près. Là aussi un dispositif moderne en diable, présenté tout fièrement comme une rationalisation qui permet des économies d’énergie et d’eau. Le coût en ressources de tels équipements semble purement et simplement ne pas exister. Et évidemment, tout cela ne dit pas ce qu’on fera de ces enneigeurs quand la pression sur l’eau sera trop forte : les restrictions d’eau autour du lac d’Annecy conduiront-elles à l’arrêt des canons à neige ? Et que ferons-nous quand la température sera trop élevée pour les faire fonctionner ?
Côté agriculture, même constat : au lieu de s’attaquer aux causes du dérèglement climatique, au lieu de trouver des stratégies d’adaptation, on effleure la surface en agissant à la marge sur les premiers effets, au risque parfois d’aggraver le mal. Ainsi de l’iodure d’argent utilisé pour contrer la grêle, dont on ne connaît pas le niveau de toxicité, notamment en cas d’accumulation dans les sols. Ou encore des canons anti-grêle, qui envoient des ondes de choc telles qu’elles peuvent briser les grêlons… et les oreilles des voisins, à 130 décibels — soit l’équivalent d’une sirène de pompier, alors que la limite autorisée est fixée à 65 décibels ; et à haute dose : 4.700 tirs en une année pour le seul village de Mercurol, dans la Drôme. Tout ça génère une élévation considérable du niveau de tensions entre habitants naturellement, ce qui est aussi un des risques afférents à la pénurie d’eau et aux aléas climatiques qui vont se multiplier. Ce n’était sans doute pas nécessaire d’y ajouter le bruit des canons.
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quand un autocariste m’explique que la région a envoyé balader ses arguments de véhicules moins polluants pour le transport scolaire en zone rurale pour privilégier le « mieux-disant » en matière de coût, ça choque. Il n’est pas complètement impossible qu’on soit en train d’arriver à un point de bascule : ceux qui pensent encore que le climat est un truc d’écolos bobos urbains feraient bien d’y songer.