Après le choix très critiqué des députés insoumis de s’abstenir sur une résolution reconnaissant le génocide des Ouïghours, la députée Clémentine Autain, qui défendait la ligne des Insoumis à l’Assemblée nationale, s’explique.
Asie Entretien
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Jeudi 20 janvier, La France insoumise a été le seul groupe à s’abstenir lors du vote de la résolution déposée par le groupe PS à l’Assemblée nationale
Une polémique exacerbée par les accusations réitérées à l’encontre de Jean-Luc Mélenchon de faire preuve, du fait de son anti-atlantisme, de trop de mansuétude envers le régime communiste chinois.
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Pourtant très engagée dans la cause des Ouïghour·es, la députée de Seine-Saint-Denis explique à Mediapart pourquoi elle a choisi « en conscience » de s’abstenir, à l’instar de ses trois autres collègues de banc (Ugo Bernalicis, Danièle Obono et Mathilde Panot), présent·es dans l’hémicycle
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j’ai participé à initier un collectif parlementaire en défense des Ouïghour·es dans lequel siègent huit député·es insoumis·es, j’ai manifesté, relayé des pétitions, y compris celles qui comportaient le mot « génocide », pour alerter l’opinion publique sur l’horreur vécue par les Ouïghour·es sans me dissocier du mouvement qui porte cette voix…
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Il n’y a pas de consensus parmi les scientifiques, historiens, juristes, sur ce mot. Les ONG internationales parlent de crimes contre l’humanité. La déclaration des 43 États de la commission humanitaire de l’ONU d’octobre dernier n’évoque pas le terme de génocide. Je suis historienne de formation et je pense que le choix précis des qualifications n’est pas anodin. C’est un enjeu juridique, politique, stratégique. Il ne s’agit pas de « pinailler », comme l’a suggéré une députée de droite dans l’hémicycle, comme si le travail du législateur n’était pas là pour peser les mots.
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« crime contre l’humanité », c’est que cette expression juridiquement consacrée permet de traduire la réalité des exactions et des souffrances infligées par le régime chinois.
N’est-ce pas aussi stratégique ? Du fait de la fragilité à ce jour du terme de génocide pour qualifier la situation des Ouïghour·es, la Chine trouvera davantage d’alliés pour récuser l’accusation de « génocide » que celle, irréfutable, de « crime contre l’humanité ». Peut-on discuter ce point ou faut-il se taire pour ne pas être remisé au rayon des suppôts du régime chinois ?
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Ce qu’il faut exiger aujourd’hui, c’est que l’ONU puisse mener les enquêtes pour définir la nature exacte de ce qu’il se passe.
On ne peut pas accuser des spécialistes comme Rémi Castets [maître de conférences à l’université de Bordeaux – ndlr] de légèreté ou de penchants pro-Chinois
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Je fais le pari de l’intelligence et de la rigueur intellectuelle du débat, même si je constate depuis hier que c’est un pari audacieux... Dans deux semaines, une résolution de Liberté et territoires portée par la députée Frédérique Dumas devrait être débattue sur le même sujet, texte qui me semble plus solide juridiquement, qui propose une série de mesures concrètes à mettre en œuvre et qui parle de « risque génocidaire ». Je voterai ce texte.