Mis à jour le 08/09/2023 à 17:26
Quasiment toutes les eaux distribuées dans la Vienne ont des concentrations en chlorothalonil R471811 supérieures à 0,1 µg/L. © (Photo d'illustration NR-CP, Xavier Benoit)
Encouragés par les autorités sanitaires, Eaux de Vienne et Grand Poitiers ont demandé une dérogation pour distribuer l’eau potable malgré les métabolites du fongicide chlorothalonil.
Tout le monde le sait : les taux des métabolites de dégradation du fongicide chlorothalonil (R471811 et R417888) dépassent les seuils de qualité et parfois les seuils sanitaires dans l’eau potable distribuée (1) depuis la découverte dans plusieurs points de captages au printemps 2023 (2). La Vienne est le premier département de France à être confronté à une contamination quasiment globale de cette ampleur. Et les distributeurs d’eau ont des sueurs froides.
« Tout le monde ne fait pas correctement son travail »
Une dérogation aux limites de qualité des eaux destinées à la consommation humaine a été demandée pour une durée de trois ans concernant 61 unités de distribution d’eau et 220.000 habitants par Eaux de Vienne. Grand Poitiers (13 communes) a fait la même demande de son côté. La question a été abordée dans le cadre du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (3), jeudi 7 septembre 2023. Cette demande est légalement possible, en s’appuyant sur les articles R 1321-31 à 36 du Code de la santé publique. Contacté dans la journée, le préfet de la Vienne, Jean-Marie Girier, a confirmé : « Ces demandes de dérogations sont une demande réglementaire souhaitée par les autorités sanitaires. »
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« La limite de qualité dépassée de longue date »
Les autorités sanitaires, en l’occurrence, sont la direction générale de la santé (DGS) et son émanation régionale, l’Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine (ARB-NA). Olivier Serre, directeur de cabinet, éclaire d’un jour nouveau une problématique propre à la Vienne. Selon lui, « tout le monde ne fait pas correctement son travail, cette demande de dérogation doit permettre aux distributeurs d’eau de s’organiser mieux, notamment dans le cadre de l’interconnexion des réseaux. On ne retrouve pas ce même niveau de difficulté dans d’autres départements ».
L’interconnexion entre différentes sources destinée à diluer les teneurs ne fera pas disparaître les métabolites de chlorothalonil. Mais elle pourrait permettre de continuer à distribuer de l’eau dans des valeurs sanitaires acceptables. Une situation justifiant aussi cette demande de dérogation, au moins pour Eaux de Vienne, distributeur le plus concerné actuellement.
« Totalement illusoire de considérer que la conformité de l’eau sera rétablie »
Selon un document du syndicat, datant de juillet 2023 et que nous avons pu consulter, la dérogation résonne comme un aveu d’impuissance à résoudre une problématique qui dépasse dans l’immédiat ses capacités techniques et financières (lire par ailleurs) : « La contamination généralisée d’une grande partie des ressources d’Eaux de Vienne, l’absence ou l’insuffisance des interconnexions entre unités de distribution voisines […], l’absence de traitements des pesticides ou l’inefficacité des traitements existants ne permettent pas, à ce jour, de distribuer à de très nombreux abonnés une eau respectant les limites de qualité des eaux destinées à la consommation humaine. »
Et même en dérogeant aux limites de qualité, Eaux de Vienne ne semble pas optimiste : « Il paraît totalement illusoire de considérer que la conformité de l’eau sera totalement rétablie à l’échéance de cette dérogation (2026). Il est même illusoire, en l’état de nos connaissances, de pouvoir s’engager sur une remise en conformité à l’échéance d’une seconde dérogation (mai 2029). »
(1) Le seuil de qualité est fixé à 0,1 µg/L et le seuil sanitaire à 3 µg/L pour les eaux mises en distribution. La valeur de 3 µg/L est fixée comme valeur transitoire dans l’attente de définition d’une valeur maximale sanitaire d’exposition par l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) « courant 2024. »
(2) Dans les eaux brutes de sept forages à Cuhon, Saint-Genest-d’Ambière et Mirebeau (plus de 16.000 habitants concernés), les eaux concentrent plus de 2 et jusqu’à plus de 5 µg/L de métabolite du chlorothalonil. Les analyses ont même ponctuellement détecté jusqu’à 7,5 µg/L.
(3) Le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CoDERST) est notamment chargé d’émettre un avis sur les projets d’actes réglementaires en matière d’installations classées, de déchets, protection de la qualité de l’air, d’eaux destinées à la consommation humaine et de police de l’eau et des milieux aquatiques. Présidé par le préfet, il comprend des représentants des services de l’État, de l’Agence régionale de santé (ARS), de collectivités territoriales, d’associations agréées de consommateurs, de pêche et de protection de l’environnement.
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Clés : A la Une local Vienne Poitiers Santé Environnement
Connu / TG le 12/09/23 à 19:35
Interconnecter des réseaux d’eau potable pour diluer les pesticides ou les traiter ? Dans les deux cas, selon un document d’Eaux ...
Connu / TG le 12/09/23 à 14:27
Complété de
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https://www.lanouvellerepublique.fr/poitiers/pesticides-dans-l-eau-potable-de-la-vienne-l-autorisation-de-depasser-les-normes
Pesticides dans l’eau potable de la Vienne : l’autorisation de dépasser les normes
Encouragés par les autorités sanitaires, Eaux de Vienne et Grand Poitiers ont demandé une dérogation pour distribuer l’eau potable
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