Analyse
- accompagnement :
p5 : Les auteurs ... Anthropologue, Karine Gatelier est engagée depuis 2010 dans l’accompagnement de personnes exilées, en tant que bénévole d’association et en partageant leurs luttes. C’est par l’immersion, en multipliant les positions auprès des exilés, qu’elle étudie les
modalités de leur présence dans la société française. Titulaire d’un doctorat en anthropologie sociale (EHESS, Paris), elle a conduit des recherches en Asie centrale sur les questions d’identités, de loyauté, de légitimité politique et sur les stratégies de légitimation des régimes autoritaires. En 2006, elle a cofondé Modus Operandi.
Motivée par la conviction qu’il n’est pas besoin de voyager loin pour s’intéresser aux conflits, Claske Dijkema s’est investie aux côtés de différentes initiatives citoyennes à Grenoble, nées à la suite de manifestations de violence. Dans la continuité de ses activités à Modus Operandi, elle réalise une thèse en géographie à l’université de Grenoble qui propose une analyse critique des violences urbaines et s’intéresse à la façon dont les événements paroxysmiques interviennent dans le quotidien du quartier. Pour cette recherche, elle bénéficie d’une subvention de la Région Rhône-Alpes à travers le dispositif ARC (allocation de recherche attribuée par l’ARC 7 « Innovations, mobilités, territoires et dynamiques urbaines »). Elle est diplômée en sociologie de l’université d’Amsterdam, et avant de cofonder Modus Operandi, elle a travaillé en Afrique du Sud pour l’African Centre for the Constructive Resolution of Disputes (ACCORD), à la Network University à Amsterdam et à l’École de la Paix à Grenoble.
p70 : ce livre nous invite à tenir compte du contexte géographique dans lequel la paix peut s’établir, comme par exemple la création d’espaces où on peut se sentir libre et en sécurité. Dans cette approche globale, deux contributions nous semblent particulièrement pertinentes : la création d’« espaces sûrs » dans un contexte de conflit violent (Ouganda) et la création d’un espace pour
la paix par l’accompagnement protecteur en Colombie. Ces deux contributions mettent en évidence le fait que l’espace peut être produit ou créé, ainsi que l’idée d’agency, ou capacité d’agir, de ceux qui vivent dans les contextes d’oppression et de violence.
p79 : L’observation effectuée sur plusieurs années permet de suivre les évolutions au rythme des différentes orientations politiques, des changements de représentations qui les accompagnent, des événements de l’actualité, etc ... Les analyses de ce chapitre reposent à la fois sur l’accompagnement de demandeurs d’asile depuis 2010, sur le partage de luttes à leurs côtés et sur une observation menée à la préfecture de l’Isère entre septembre 2012 et avril 2013 1.
p94 : La réalité dénoncée était en effet spectaculaire : une quarantaine de personnes de tous âges et dans toutes les conditions imaginables (malades, handicapées, femmes enceintes ou accompagnées de nourrissons...) dans une file d’attente, coincées derrière des barrières métalliques de jour ; et de nuit, en nombre moins important certes, des silhouettes allongées et emmitouflées. Pourtant, et alors que ce spectacle s’offrait à toute personne se rendant à la préfecture, il a fallu sept mois pour que la situation change. Et ce changement est né de la média-
tisation, et donc de la visibilisation de la situation.
p95 : Pendant l’hiver 2015-2016, les « centres de répit » isolés dans les campagnes françaises, sans accompagnement social adapté bien souvent, ont été rapidement abandonnés par les exilés qui ont repris la route de Calais (ce cas est étudié au chapitre 10).
p112 : des hommes et des femmes se battent au quotidien afin de maintenir le lien social », écrivent-ils dans le dossier de presse qui accompagne le dépôt de plainte contre France 2 à la suite du reportage.
p113 : ne se sentant plus en sécurité, faisait accompagner ses filles de son domicile à l’arrêt de tram. Pour lui, personne ne semblait prendre au sérieux ce problème et ne venait faire appliquer la loi : « Si un groupe de jeunes squattait un couloir dans un immeuble au centre-ville en dégradant l’intérieur, en cassant des portes et en faisant du bruit au milieu de la nuit, une intervention de la police ne tarderait pas. Que veut dire la loi dans ce quartier si on ne la fait pas respecter ?
p114 : De son témoignage, on doit retenir le sentiment d’abandon et le manque d’accompagnement par les forces de l’ordre dans la gestion de conflits d’espace au quotidien. Il se démarque des images de policiers ultra-présents et agissant avec leurs chiens pour discipliner les jeunes, que nous a montrées l’émission Envoyé spécial. C’est un début de complexification des questions de violences dans le quartier.
p129 : « La capacité de générer, de mobiliser et de construire l’imaginaire moral fait progresser vers l’objectif de transcender la violence. » Les métaphores évoquées par les parents et par une personne de l’équipe de Modus Operandi qui a accompagné les familles et les amis dès la marche blanche – nous l’appellerons désormais l’accompagnateur – ont motivé le groupe de jeunes en deuil pour aller au-delà des images de rage, de mépris et de punition en enfer afin de trouver de nouveaux mots dans leur propre imaginaire. Quand l’accompagnateur leur a demandé de nommer
les valeurs qu’ils associaient à leurs amis, ils ont trouvé des images de médiation, de courage, de justice et de raison. Ensuite ils ont travaillé la notion de transcendance ... L’accompagnateur a poursuivi en faisant partager sa vision d’un canal de communication imaginaire entre les vivants et ceux qui étaient au paradis
p130 : Pour la première, il s’agit de l’accompagnement protecteur en Colombie qui permet l’aména -
gement d’un espace pour la paix10. Pour la seconde, c’est la création d’espaces sécurisés au cœur des violents conflits au Nord-Ouganda.
p132 : une description de la façon dont les individus les plus touchés par la violence se sont fait accompagner par un réseau plus large d’alliés pour rompre ce cycle destructeur. La mise en place de ce cadre a été marquée par une habileté à faire conjuguer les différents intérêts personnels des proches des victimes en un projet collectif.
Le conflit est un phénomène sociétal normal dans la mesure où il résulte de la rencontre d’opinions et de positions opposées et incompatibles. Il devient problématique quand il génère de la violence mais sans cela, il a tout intérêt à émerger et à s’exprimer pour réclamer d’être traité. À ce titre, cet ouvrage se propose de décrire le conflit comme un fait social porteur d’opportunités. Il s’appuie sur une approche, théorisée dans la littérature anglo-saxonne sous le nom de Conflict transformation, qui vise à transformer les relations et les structures à la base du conflit. Elle est ici étudiée et mise en pratique par les auteurs sur différents terrains : les violences dans la ville, les violences produites par les politiques publiques sur l’asile et les migrations ou encore les réponses politiques aux menaces du terrorisme.
Ecrit en collaboration avec Nathalie Cooren et Cyril Musila.
Mots-clés : Immigration, Médiation, Non-violence, Paix, Violence
Prix : 19 € Date de parution : 2017 Nombre de pages : 204 Partenaires de diffusion Modus Operandi
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