Ces gilets jaunes qui se trompent de populisme - 1 janv. 2019 Par Gwenn Rigal | Le Club de Mediapart
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Si les mouvements sociaux qui secouent la France depuis plusieurs semaines montrent une déconnexion de plus en plus nette entre le pays et ses élites, tous les partis populistes n'en profitent pas dans les mêmes proportions. Car les élites sont coupables, c'est entendu. Mais de quels maux au juste ?
Etre populiste, c'est reconnaître l'existence d'antagonismes irréductibles dans la société, reconnaître que pour que certains gagnent, il faut que d'autres perdent. D'où la mise en évidence d'un "nous" (le peuple) contre "eux" (les élites, l'adversaire qu'il s'agit de faire reculer).
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Dans le cadre d'une stratégie politique assumée visant à mobiliser un électorat plus large que la gauche traditionnelle, les populistes de gauche ont donc pensé que nommer cet adversaire pourrait servir de catalyseur à l'expression démocratique d'une colère populaire. Or, une grande partie des revendications entendues ces dernières semaines sur les ronds-points tournent justement autour de ce thème des élites prédatrices et du creusement des inégalités. Le populisme de gauche théorisé par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, puis notamment mis en pratique par Podemos en Espagne, par le Labour au Royaume-Uni et par la France Insoumise dans notre pays, constitue donc une réponse politique déjà disponible au mouvement transnational des gilets jaunes.
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les gens comprennent que les règles de la mondialisation limitent nos choix et souhaitent en conséquence retrouver une plus grande autonomie politique dans un cadre national. Ce thème de la Nation étant pour l'heure préempté par la droite, la gauche serait bien avisée de se le réapproprier et de l'amender dans un sens plus inclusif. Certains gilets jaunes faiblement politisés sont sans doute aussi en quête de bouc-émissaires d'autant plus facilement identifiables que la pensée unique les leur sert sur un plateau, si bien qu'ils en arrivent à confondre immigration et mondialisation. Pourtant, qui a jeté les peuples les uns contre les autres sur le grand marché européen sans les protéger du dumping, sans leur permettre de dévaluer et en imposant partout la diète allemande en matière de politique budgétaire ? Les promoteurs du plombier polonais ont sans doute plus à y voir que le malheureux réfugié malien.
Au-delà de la chute de Mélenchon ... les partis populistes totaliseraient, si les gens étaient appelés à voter aujourd'hui, une majorité des suffrages. Pour l'heure, ces partis se trouvent sur les deux bords de l'échiquier politique, sans aucune possibilité d'alliance, ce qui accorde un léger répit aux partisans de la mondialisation heureuse. Mais la marée monte, prête à déborder. Et c'est bien l'extrême-droite qui risque de tirer les marrons du feu.
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L'auteur Gwenn Rigal Journaliste, Auteur - Montignac - France 14 billets 1 favori 25 contacts
Ndlr : l'oligarchie, ce n'est pas l'ensemble des élites !