Mégabassines, liberté de tuer et fétichisme de la marchandise.
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La dernière manifestation à Sainte-Soline, à l’inverse, a démontré par les faits que l’État est prêt à repousser tout assaut contre les marchandises au prix potentiel de vies humaines. La forme qu’y a pris la répression n’est pas un accident mais une volonté planifiée, assurée et menée jusqu’à son terme. Voilà son importance historique. La puissance des images qui en sont issues n’est pas seulement symbolique : elles apportent également une clarification éloquente de ce qu’est réellement la société marchande.
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que le vieux Marx avait appelé fétichisme de la marchandise
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les marchandises ne dominent pas directement : elles ont besoin d’intermédiaires. La bourgeoisie est à leur service, elle est la classe qui doit répondre dans la réalité sociale à leur besoin de croissance. De là l’État bourgeois, sa police, bras armé de la marchandise, militia christi des temps modernes, comme il y a eu des ordres militaires, des moines-soldats, autant d’armées au service d’une idole.
Ainsi les mégabassines peuvent engloutir des vies. Comme au temps du fétichisme religieux, des choses inanimées continuent d’opprimer des individus vivants. Ce n’est bien sûr pas la bassine en elle-même qui est l’objet d’un culte, mais son rôle dans l’économie, celle de support d’une agriculture intensive dédiée à l’exportation. Et c’est elle qui explique un tel déploiement policier.
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L’État bourgeois, dans le langage des philosophes, « réalise son concept », lui qui a pu s’en éloigner plus ou moins dans l’histoire, au gré de la lutte des classes, mais qui ne peut évidemment pas s’en détacher. Il n’y a pas de radicalisation de l’État : seulement un retour à ses fondamentaux.
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La plus immédiate des batailles est celle de ces deux blessés contre la mort, puis, il faut l’espérer, celle de leur convalescence
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Pour protéger des marchandises, l’État est encore prêt à tuer
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Notes
[1] « Art, technique d’assiéger les villes. » (CNTRL)
[2] « Ligne de défense matérialisée par une tranchée avec palissades ou parapets, établie par l’assiégeant d’une place pour se protéger contre les attaques extérieures et couper à la place assiégée toute communication. » (CNTRL)
Mots-clefs : répression | violence révolutionnaire - émeute
Connu / TG le 02/04/23 à 11:17
LE TEXTE :
... La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’Hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »
Don Helder Camara (7 février 1909 – 27 août 1999)
Connu / TG le 18/01/23 à 20:21
Le premier ministre a annoncé, lundi 7 janvier, une aggravation de l’arsenal sécuritaire avec notamment une loi contre les casseurs et les manifestations non déclarées, ainsi qu’un ciblage préventif de manifestants supposés violents. Sans un mot sur les violences policières, ce choix répressif tourne le dos aux exigences démocratiques confusément portées par les gilets jaunes.
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Profondément pacifiste, un évêque catholique brésilien, Hélder Câmara, auteur d’un essai qui fit date au début des années 1970, Spirale de la violence, sut parfaitement résumer cette bien-pensance destinée à immobiliser le présent en fermant la porte du futur.
« ...trois sortes de violence... La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième, qui la tue. »
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cette revendication d’un monopole étatique de la violence n’est défendable qu’à condition qu’elle soit accompagnée d’une défense intraitable de l’État de droit, c’est-à-dire de droits individuels et collectifs, notamment la liberté d’expression et le droit de manifestation, opposables par les citoyen·ne·s à l’État qui les bafoue, les piétine ou les réprime. De ce point de vue, la pédagogie de ce pouvoir est totalement déséquilibrée, assumant une radicalisation sans précédent du maintien de l’ordre sans, jamais, l’accompagner d’un seul mot pour en condamner les excès, sans une seule consigne pour la réfréner, sans une seule précaution pour la modérer.
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« l’ampleur considérable » de l’action répressive contre les gilets jaunes : « Les interventions policières ont entraîné en maintes occasions des dommages considérables : mains arrachées par les grenades, défigurations ou énucléations par des tirs de balles de défense, décès à Marseille : le bilan dépasse tout ce que l’on a pu connaître en métropole depuis Mai 68, lorsque le niveau de violence et l’armement des manifestants étaient autrement plus élevés, et le niveau de protection des policiers, au regard de ce qu’il est aujourd’hui, tout simplement ridicule. »
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On ne trouve pas en Europe, en tout cas ni en Allemagne ni en Grande-Bretagne, d’équipements tels que les grenades explosives et les lanceurs de balles de défense, qui sont des armes qui mutilent ou provoquent des blessures irréversibles. Engager ces armes face à des protestataires inexpérimentés, qui, pour beaucoup (on l’a vu lors des audiences de comparution immédiate), se trouvaient pour la première fois à Paris, amène une dynamique de radicalisation qui entraîne les deux camps dans une escalade très dangereuse : les uns sont convaincus qu’ils répondent à une violence excessive, donc illégitime, et les policiers, se voyant agressés, usent de tous les moyens à leur disposition.
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le préfet de police de Paris, Maurice Grimaud, le 29 mai 1968 ... toutes les fois qu'une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n'a pas de limites. »
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l’affaire Benalla... Faisant semblant d’ignorer les circonstances de son élection à la présidence – face à l’extrême droite avec un socle de seulement 18 % des électeurs inscrits au premier tour – qui aurait dû l’obliger à prendre en compte la diversité politique et sociale des attentes dont il était le dépositaire, Emmanuel Macron se comporte comme s’il avait obtenu un chèque en blanc pour cinq ans.
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grand débat national... avec humour le député socialiste Boris Vallaud : « Débattons tous ensemble de la ligne que j’ai décidé tout seul de ne pas changer. »... ruiner le crédit de la Commission nationale du débat public, autorité administrative indépendante
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pour la première fois de notre histoire, un mouvement social s’empare de la question d’ordinaire réservée à des spécialistes de la Constitution ou tenue en marge du débat politique, celle de notre vitalité démocratique si longtemps étouffée par le système présidentiel.
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(Macron) symbolise la persistance du déni des élites dirigeantes face à cette urgence : réinventer une démocratie vivante, délibérative et participative, avec des contre-pouvoirs forts, une justice vraiment indépendante, un Parlement contrôlant l’exécutif, une presse réellement libre, etc.
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Un avertissement que les pacifiques activistes de « Partager c’est sympa », par la voix du vidéaste Vincent Verzat, avaient déjà énoncé lors de leurs vœux pour 2019 sur Mediapart : « Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable. »