ESSAIS - Entretien
Mots-clés acceleration Coronavirus décélération Hartmut Rosa résonance Sociologie
Pour le sociologue et philosophe allemand, la brèche ouverte par le coronavirus, après des siècles d’accélération de nos vies et des décennies de sentiment d’impuissance politique, peut laisser espérer une véritable bifurcation.
...
Pourquoi alors aller jusqu’à décrire ce moment comme un « miracle sociologique » ?
https://aoc.media/analyse/2020/04/07/le-miracle-et-le-monstre-un-regard-sociologique-sur-le-coronavirus/
...
S’il est évident qu’une vie bonne suppose de rompre avec le « toujours plus vite », cela ne signifie pas qu’aller toujours plus lentement est le meilleur chemin vers une vie meilleure. Le burn out et le bore out sont deux figures symétriques de l’aliénation contemporaine. Il n’y a pas, pour autant, de vitesse optimale à trouver. Je pense qu’on peut être en harmonie avec des éléments qui vont plus vite aujourd’hui que dans le passé.
acce-le-ration-et-alie-nation
Mais la pression du temps est bien le premier ennemi de la résonance, un terme que j’oppose à l’aliénation contemporaine, liée notamment à l’accélération. Si je sais que j’ai un avion qui décolle dans quelques heures, avant de devoir en attraper un autre le lendemain, je n’ai aucune chance de pouvoir entrer en résonance avec qui que ce soit ou quoi que ce soit. La résonance avec notre environnement, on ne peut pas savoir quand cela commence, combien de temps cela dure, quand cela se finit, où cela nous nous amène.
...
Une part de notre problème moderne est qu’on ne réussit à se considérer que comme des acteurs ou des victimes. Soit je fais quelque chose, soit on me fait quelque chose. On donne des signaux ou on en reçoit. Il me semble pourtant que le bonheur et la bonne vie se situent souvent quelque part entre ces deux attitudes. Le tango est un bon exemple : c’est lorsqu’on oublie qui guide et qui est guidé que l’on atteint quelque chose de fort. On peut également penser aux improvisations des musiciens de jazz : le moment parfait se situe lorsqu’on ne sait plus qui envoie le signal et qui le reçoit. Mais c’est le cas aussi dans une discussion ou un dialogue, lorsqu’on ne peut pas vraiment dire à qui appartient l’idée qui a surgi à un moment, parce qu’elle est le produit de l’échange. Il me semble qu’on pourrait rechercher cette approche aussi dans notre relation à la nature ou à l’Histoire par exemple.