Débats Tribunes - Temps de Lecture 6 min.
A l’heure de la militarisation de l’espace, Jean-Luc Mélenchon s’est interrogé sur l’utilité de maintenir un système de défense fondé sur la dissuasion nucléaire. Dans une tribune au « Monde », Fabien Gouttefarde, député (LRM), en démontre la pertinence tant sur le plan stratégique qu’industriel.
Tribune. Sur BFM-TV, le 25 novembre, M. Mélenchon s’est interrogé. La dissuasion nucléaire a-t-elle encore un sens, se demandait-il en direct, avant de récidiver deux jours plus tard avec un texte posté sur son site de campagne. A l’approche d’une élection présidentielle, il est normal, et même sain, que ceux qui briguent les suffrages s’interrogent sur les armées dont ils peuvent devenir le chef et en particulier sur la dissuasion, dont l’élection ferait d’eux le décideur ultime… et solitaire.
Rappelons à cette occasion que si l’on ramène le coût annuel de l’agrégat nucléaire, 3,5 milliards d’euros pour le budget de l’Etat (0,15 % du PIB environ), au nombre de notre population, le coût de la dissuasion est de cinq euros par mois et par Français.
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Puisque M. Mélenchon, avec l’éloquence qui lui est coutumière, et qui fait de lui l’un des meilleurs orateurs parlementaires de la Ve République, s’étonne qu’« aucun autre candidat ni leur parti n’ait exprimé de point de vue sur le sujet », qu’il me soit permis de lui exprimer le mien, celui d’un collègue député de la majorité, qui certes n’a pas eu et n’a pas vocation à avoir le doigt posé sur le bouton nucléaire mais qui s’est attaché, ces derniers mois, à inlassablement rencontrer les hommes et les femmes qui servent sous les drapeaux.
La dissuasion c’est une capacité permanente
M. Mélenchon se veut tribun, je suis un pèlerin. Et c’est appuyé sur mon bâton que j’ai pu me forger quelques convictions, au détour des rencontres, des visites, des immersions. Qu’est-ce donc, au fond, que le sens de ce qu’on appelle la dissuasion ? La dissuasion, en France, c’est d’abord une capacité. Une capacité permanente, mise en œuvre par la marine nationale et l’armée de l’air, qui garantit, quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte, qu’un éventuel ordre présidentiel de tir nucléaire serait exécuté.
C’est une capacité dimensionnante pour nos forces : en Bretagne, la base opérationnelle de l’île Longue, voulue par le général de Gaulle, abrite les quatre sous-marins lanceurs d’engins, les Triomphant, Téméraire, Vigilant et Terrible. Quatre géants dont la présence à la pointe de la Bretagne dimensionne le format de la force d’action navale à Brest : frégates et avisos, avions de patrouille maritime et hélicoptères, vedettes de gendarmerie maritime même, partagent comme mission principale l’escorte du Léviathan jusqu’à sa dilution.
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Depuis la première prise d’alerte, celle du Redoutable de Louzeau, en 1972, il y a toujours au moins un sous-marin à la mer. Son équipage, composé d’hommes déterminés, et depuis peu de femmes tout aussi exceptionnelles, passe jusqu’à soixante-dix jours en mer. L’armée de l’air, au travers des forces aériennes stratégiques, exerce également cette mission permanente, avec des chasseurs Rafale et leur indispensable auxiliaire, le ravitailleur en vol. De jour comme de nuit, ils tiennent eux aussi l’alerte, sans discontinuer depuis 1964 et les temps héroïques des Mirage-IV.
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Débats Défense Tribune - Temps de Lecture 6 min.
Jean-Luc Mélenchon, Député (LFI) des Bouches-du-Rhône et candidat à l'élection présidentielle
Bastien Lachaud, Député (LFI) de Seine-Saint-Denis
Le candidat à la présidentielle et le député, tous deux de La France insoumise, répondent, dans une tribune au « Monde », à leur collègue de la majorité Fabien Gouttefarde, qui défendait le statu quo en matière de dissuasion nucléaire.
Tribune. Fabien Gouttefarde, député (La République en marche) de l’Eure et membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, a répondu dans une tribune à notre proposition d’ouvrir une discussion sur la dissuasion nucléaire dans le cadre de la campagne présidentielle. Nous l’en remercions. Il traite avec sérieux et respect un sujet qui engage la sécurité de la nation et la responsabilité personnelle directe du chef de l’Etat.
Lire la tribune de Fabien Gouttefarde, député LRM : Article réservé à nos abonnés « Oui, la dissuasion nucléaire a encore un sens » https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?empObw
Réagissant à des propos tenus lors d’une émission de télévision [sur BFM-TV le 25 novembre 2021] et sur le site Melenchon.fr, il écrit : « La dissuasion est ancrée dans l’avenir. L’avenir, car nul, y compris M. Mélenchon, ne saurait comment la remplacer dans son acception actuelle. » Pour autant, il ne répond pas aux questions que nous soulevons.
Commençons par le rappeler : nous adhérons au concept de dissuasion. Il s’agit pour la France de disposer à tout moment d’une arme hors de portée d’un ennemi et de nature à décourager une attaque contre elle.
La dissuasion consiste à disposer du moyen d’infliger des dégâts par la riposte, toujours supérieurs au bénéfice de l’attaque que pourrait espérer l’agresseur. La dissuasion repose aujourd’hui sur l’arme nucléaire. La France a construit sur cette stratégie son indépendance et l’autosuffisance pour sa défense. Cette stratégie fonctionne.
Mais notons aussi ses limites. Sur un territoire comme le nôtre, un seul coup bien ajusté porté par un ennemi peut nous éliminer. Ainsi, une frappe sur nos installations nucléaires civiles ou nos installations chimiques serait mortelle. La riposte serait toujours posthume. Car il n’y a pas une parfaite symétrie entre les puissances nucléaires. Pour certains pays très étendus, il faudrait en effet être capables de plusieurs frappes pour être dissuasifs.
D’autres armes que le nucléaire
A cela s’ajoutent les questions liées à l’usage d’une arme susceptible de détruire le monde lui-même. Les stocks d’armes nucléaires possédés par la Russie et les Etats-Unis suffiraient à anéantir plusieurs fois la planète. Et sinon, il y aurait quand même les pollutions radioactives irréversibles. Si une guerre nucléaire se déclenchait, elle ne pourrait pas être gagnée : elle se terminerait nécessairement par un anéantissement mutuel total. Ces faits doivent nous rappeler que le désarmement nucléaire global reste un objectif impératif. Mais aussi qu’il est souhaitable d’appuyer la dissuasion sur d’autres armes qui évitent les inconvénients du nucléaire.
Certes, pour l’instant, l’arsenal atomique reste une garantie pour la sécurité de la France. Il n’est pas question d’y renoncer sans alternative effectivement disponible. Mais le débat n’est pas clos pour autant. La garantie de la dissuasion nucléaire n’est-elle pas déjà contournée par les moyens techniques contemporains ? Cela vaut la peine de le savoir. Car la durée de conception et de vie des programmes d’armements engagent des milliards sur des décennies. Le futur président de la République a donc le devoir de préparer l’avenir en se demandant si les décisions qu’il prendra auront encore du sens en 2040.
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Jean-Luc Mélenchon @JLMelenchon
Reporter la dissuasion dans l’espace diminuerait le risque nucléaire.
Notre tribune dans @lemondefr
avec @LachaudB
8:56 AM · 11 janv. 2022·- 151 Retweets 13 Tweets cités 302 J'aime
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