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Selon l’historien Tal Bruttmann, le regain d’antisémitisme observé en France remonte aux années 2000.
Manifestation à l’appel de l’association « jour de colère » pour protester contre le gouvernement et le président Hollande le 26 janvier 2014, à Paris. THOMAS SAMSON / AFP
Tal Bruttmann est historien, spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme en France. Il a notamment publié La Logique des bourreaux, 1943-1944 (Hachette, 2003), Au bureau des affaires juives. L’administration française et l’application de la législation antisémite, 1940-1944 (La Découverte, 2006).
Comment expliquez-vous le regain actuel d’antisémitisme ?
Ce regain n’est plus si récent que ça. Pendant les manifestations des « gilets jaunes », il y avait déjà des messages antisémites. Les références à Rothschild, qui est un marqueur caractéristique de l’antisémitisme depuis le XIXe siècle, étaient fréquentes. D’ailleurs, la pancarte de la manifestante de Metz [Cassandre Fristot, membre du groupuscule Le Parti de la France] le cite. Lors de la présidentielle de 2017, Emmanuel Macron a été décrit comme « le banquier de Rothschild » – à l’extrême gauche comme à l’extrême droite –, alors qu’il est un parfait technocrate.
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A quand faut-il remonter alors ?
Au début des années 2000. Jusque-là, lorsque vous étiez antisémite, vous étiez seul dans votre coin et ostracisé. Internet a brisé la chape de plomb qui pesait sur l’expression publique de l’antisémitisme. Les gens se sont retrouvés dans le monde virtuel. Les vecteurs de l’antisémitisme, comme Dieudonné et Soral, ont pu diffuser leur propagande d’extrême droite. Jusqu’à ce que le phénomène déborde dans la rue. La première fois depuis très longtemps qu’on a crié « mort aux juifs » dans une manifestation à Paris, c’est à l’occasion du « jour de colère » du 26 janvier 2014, avec Dieudonné et Soral.
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L’antisémitisme d’extrême droite n’a jamais cessé d’exister. Quant à l’antisémitisme de gauche, les excuses de Jaurès sur l’affaire Dreyfus l’ont désamorcé, mais en partie seulement. On le voit dans une frange de La France insoumise, comme au sein du Labour britannique.
Qu’est-ce que la pandémie de Covid-19 a changé en matière d’antisémitisme ?
En France, les accusations d’empoisonnement avaient disparu depuis le Moyen Age. On a vu ce mythe resurgir à la faveur de la pandémie. Dans les manifestations contre le passe sanitaire – surnommé le « passe nazitaire » –, vous avez deux mouvances, les antivax et les anti-passe : c’est l’occasion d’une jonction entre l’antisémitisme primaire de ceux qui pensent que le vaccin a été inventé par les juifs pour détruire les autres, et l’antisémitisme plus politique de ceux qui disent que les juifs contrôlent les médias, le pouvoir.
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Connu / https://twitter.com/ArianeChemin/status/1428029949362020360
Ndlr : dommage que je ne peux lire la suite car une partie du début me semble contestable par simplisme ? ACT