Publié le mardi 31 décembre 2024 (première diffusion le vendredi 8 novembre 2024)
La terre au carré
A la tête de l'ONG Reclaim Finance, Lucie Pinson milite pour mettre la finance au service de la planète. Elle a remporté le prix Goldman considéré comme le "Nobel de l'environnement" en 2020.
Avec Lucie Pinson Fondatrice et directrice de l’ONG ‘Reclaim Finance’
Alors que les indicateurs du changement climatique atteignent des niveaux record, l’expansion pétrolière et gazière se poursuit, à travers des projets financés par de grandes banques notamment françaises…La finance dominante aujourd'hui demeure en effet aux antipodes des objectifs de justice sociale et climatique.
Avec son ONG Reclaim Finance Lucie Pinson œuvre à convaincre les institutions financières de cesser leurs investissements à certains projets. Et ça marche ! Grâce à sa mobilisation plusieurs groupes financiers français ont décidé de sortir du charbon. Après le charbon, elle voudrait faire sortir les banques du gaz et du pétrole... Quelle est sa stratégie ? Comment s'y prend-elle pour échanger avec les géants de la finance ? Quels sont ses prochains combats ?
Elle revient pour nous sur son parcours, ses victoires et son engagement pour la lutte climatique, un combat qu'elle ne considère jamais perdu à l'avance tant qu'on continue à se battre.
De l'Afrique du Sud aux Amis de la Terre : la naissance d'une vocation
Issue d'un milieu ancré à gauche et rétive au patronat, Lucie Pinson a toujours été prédisposée à l'engagement associatif et militant. Son expérience en Afrique du Sud, confrontée à l'injustice sociale, l'a confortée dans ses convictions. De retour en France, elle rejoint le mouvement altermondialiste et réalise un stage au sein de l'AITEC, où elle découvre l'importance des questions financières dans les problèmes de développement : "Je me rends compte que ça ne va pas du tout m'aller, que je n'ai pas envie de tomber dans le stéréotype de l'expatriée qui habite en Afrique complètement déconnectée des réalités locales et qui fait à la place des habitants."
C'est ainsi qu'elle intègre Les Amis de la Terre et se focalise sur le financement des énergies fossiles, un levier d'action sous-exploité.
À écouter
Banques et financement des énergies fossiles : est-ce que ça bouge ?
La Terre au carré - 55 min
Alpha Coal : une bataille initiatique et une victoire significative
En 2013, Lucie Pinson s'attaque au projet Alpha Coal, une mine de charbon en Australie soutenue par Société Générale. "C'est un peu ma bataille initiatique." Elle dénonce l'impact environnemental désastreux du projet et la responsabilité de la banque française. Elle revient notamment sur son combat, mené en collaboration avec l'association basque Bizi, car elle raconte : "le défi est majeur parce que le climat à ce moment-là, c'est un non-sujet. Le charbon, également."
Après un an et demi de mobilisation, Société Générale se retire du projet, une première victoire importante pour Lucie Pinson.
Toujours en recherche de victoires concrètes
En effet, l'activiste ne cesse de le répéter : "Je suis obsédée par l'efficacité. Il faut mener des batailles qui soient efficaces". Sa stratégie repose sur l'identification d'objectifs atteignables à court terme et sur une intensification progressive du rapport de force. Elle obtient des engagements de banques françaises à ne plus financer des projets charbonniers en Australie, une avancée significative dans la lutte contre le financement des énergies fossiles.
Reclaim Finance : un nouvel outil pour cibler la finance climaticide
Forte de ses succès, Lucie Pinson crée en 2020 l'ONG Reclaim Finance, qui se concentre sur les acteurs de la finance, "l'angle mort de la lutte pour contre le réchauffement climatique". Son action lui vaut de remporter le prix Goldman pour l'environnement en 2020, reconnaissant son engagement sans faille et ses victoires face aux puissances financières qui alimentent la crise climatique.
Car "Nous pouvons gagner la guerre climatique", assure Lucie Pinson.
► En apprendre plus sur son parcours et ses convictions, ainsi que son approche déterminée de la lutte contre le réchauffement climatique, en écoutant l'intégralité de son intervention au micro de Mathieu Vidard.
À lire
Les banques françaises en première ligne du financement des nouveaux projets fossiles, dénoncent des ONG
Chroniques Le bateau IMOCA DeVenir de Violette Dorange, à quelques heures du départ pour le Vendée Globe
Nouveau rapport sur l'expansion en Afrique d'une trentaine d'ONGs, avec Total en premier développeur, et ses soutiens financiers. (BNP, SoGé, Crédit Agricole et BPCE en tête)
Communiqué de presse
Paris, le 23 février 2022 - Alors que les grandes entreprises pétrolières
...
Connu / tg 23/2/22 11:04
Dans un rapport publié ce mercredi, les Amis de la Terre France et Reclaim Finance mettent à l’index la place financière parisienne, qui investit toujours massivement dans le pétrole et le gaz de schiste nord-américains. Alors que le cours du pétrole est au plus bas et le climat au plus mal, cette stratégie relève d’un « pari » très risqué.
...
intitulé « La Place financière de Paris au fond du puits : le pari perdant des banques et investisseurs français sur le pétrole et gaz de schiste ». Les deux ONG appellent à l’arrêt des soutiens financiers publics et privés à ce secteur.
...
D’après le rapport « La Place financière de Paris au fond du puits », les quatre principales banques françaises, Société générale (10,9Milliars$), Crédit agricole (6 Milliars$), BNP Paribas (3,6Milliars$) et le groupe Banque populaire-Caisse d’épargne (BPCE) (3,3Milliars$), ont financé l’industrie du schiste nord-américaine à hauteur de plus de 24 milliards de dollars depuis l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat, en décembre 2015 [1] .
« L’année 2019 a même été marquée par un rebond de ces financements, avec 8,7 milliards de dollars accordés durant cette seule année », précisent les ONG. « Nous avons regardé l’ensemble de la chaîne : les banques françaises financent massivement les infrastructures dédiées aux énergies fossiles. Des puits [2], en passant par les pipelines [3], jusqu’aux terminaux d’exportation [4] », résume Lorette Philippot, chargée de campagne « finance privée » aux Amis de la Terre France.
Société générale a financé, à elle seule, le secteur du pétrole pour près de 11 milliards de dollars depuis 2016. La banque française a notamment soutenu des projets d’infrastructures de transport et d’exportation de gaz de schiste en Amérique du Nord, en accordant des financements directs à hauteur de 3,9 milliards de dollars à des projets de gazoducs et de terminaux de gaz liquéfié (GNL) aux États-Unis et au Canada. « C’est plus que toutes ses concurrentes françaises réunies », dit Lorette Philippot et, « plus inquiétant encore, ses soutiens ont augmenté chaque année depuis la COP21, atteignant 1,3 milliard de dollars » en 2019, souligne le rapport.
Les acteurs financiers français misent gros
... BPCE (4,4Milliars$), Crédit agricole (3,6Milliars$), BNP Paribas, AXA, Société générale et Rothschild & Co, qui sont les six plus gros investisseurs français dans le secteur du gaz et du pétrole de schiste.
...
le gouvernement devra les contraindre à mettre un terme à leurs soutiens à ce secteur, affirme Lucie Pinson. L’État doit aussi refuser de soutenir les entreprises françaises actives dans cette industrie, en l’absence de plan de transformation de leurs activités pour sortir des énergies fossiles. »
...
Lire aussi : Marre que votre argent pollue ? Changez de banque ! https://reporterre.net/Marre-que-votre-argent-pollue