Entreprises & Finance Transitions Écologiques
La très probable inclusion de l’atome civil dans la liste des investissements « verts » de l’Union européenne, une victoire pour l’industrie nucléaire ? Si la filière s’en réjouit, il faut cependant nuancer l’étendue de cette reconnaissance. Car le texte provisoire prévoit d'y assortir de nombreuses conditions, destinées à encadrer une source d’énergie considérée par la Commission comme « transitoire » plutôt que « durable ». Explications.
9 mn (Crédits : Frederic Paulussen)
« Oui, mais ». Ainsi pourrait-on résumer la proposition de la Commission européenne d'intégrer le nucléaire dans sa classification des activités bénéfiques pour le climat, sous la pression de certains Etats membres (la France en tête). Car, pour ces derniers, la victoire reste en demi-teinte : s'il accède à la précieuse liste, l'atome civil ne sera a priori pas labellisé « durable », aux côté des énergies renouvelables. Mais accèdera à un rang intermédiaire, moins vertueux : celui d' « activité de transition » dans la lutte contre le dérèglement climatique, au même titre que le gaz fossile pourtant émetteur de gaz à effet de serre. Un verre à moitié plein, ou à moitié vide c'est selon, résultat de compromis sur un texte devenu éminemment politique.
Et pour cause, l'inclusion du nucléaire dans cette taxonomie bruxelloise est loin d'être seulement symbolique. Elle pèsera sur la santé de la filière, dont l'avenir sur le sol européen déchire les Vingt Sept. La décision aura en effet un impact direct sur « la profondeur des financements disponibles, et le coût des financements », affirmait la semaine dernière Jean-Bernard Lévy, le PDG d'EDF, qui devrait prochainement lancer la construction de nouveaux réacteurs en France et lorgne de nouveaux contrats à l'étranger. Alors que le sujet divise, le texte provisoire (que les Etats pourront modifier jusqu'à vendredi prochain), contient donc de nombreuses contreparties à l'acceptation de l'atome. Tour d'horizon.
Signe que la technologie serait vue comme transitoire, le texte fixe d'abord des conditions de date : seuls les projets ayant obtenu un permis de construire avant 2045 seraient concernés. Quant aux centrales existantes, leur prolongation devra avoir été autorisée d'ici à 2040. « Même si ça parait lointain, à l'échelle du nucléaire, ça ne l'est pas tant que ça. Aujourd'hui, on voit qu'on ne peut pas construire un réacteur en moins de 7-8 ans, voire même plutôt 10-12 ans », commente Jérémie Haddad, associé EY chargé du secteur énergie. Et les déboires accumulés sur le chantier du premier EPR français (un réacteur de troisième génération) à Flamanville (Manche) assombrissent encore ces prévisions, puisque la mise en service enregistre dix ans de retard.
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