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Né dans les années 1970, l’écoféminisme refait surface dans un contexte d’urgence climatique. On essaie de vous en présenter l’héritage et les ambiguïtés, à la suite de plusieurs conférences organisées ces dernières semaines sur le sujet.
« En France, en Europe, les jeunes, et en particulier les jeunes femmes, se lèvent pour le climat. Nous assistons aux funérailles de l’ancien modèle », jubilait, le 21 février dernier à Paris Vandana Shiva, face à l’assistance féminine, et engagée pour l’action climatique, de la conférence Women4Climate. ... deux conférences étaient organisées sur le sujet. L’une par Edeni, école de formation zerowaste, animée par sa fondatrice Hélène de Vestelle, en compagnie de Lou Howard, engagée dans la campagne On est Prêt et Jeanne Burgart Goutal, philosophe et autrice d’une thèse à paraître sur l’écoféminisme. L’autre par Causette, animée par Aurélia Blanc en compagnie de la réalisatrice Marie-Monique Robin, de la présidente de Génération Écologie Delphine Batho et de la journaliste et autrice Pascale d’Erm (Sœurs en Écologie, La Mer salée, 2017). ... Le terme naît en 1974, en France. Françoise d’Aubeonne, intellectuelle, pionnière du mouvement féministe des années 1970, mais aussi de la décroissance, introduit la première ce néologisme. Elle fonde en 1978 le mouvement de réflexion Ecologie-féminisme, qui, écrit-elle dans un livre réédité en 2018, « estimait utile de confier les soins du sauvetage planétaire au courant de libération des femmes – non en vertu de “valeurs féminines” plus ou moins imaginaires, mais de la part spécifique que la patriarcat réserve au deuxième sexe. » ... « L’écoféminisme est un mouvement activiste, radical, il a été créé par des luttes, insiste la philosophe Jeanne Burgart Goutal, qui prépare un livre sur le sujet. ... En parallèle, un mouvement écoféministe important naît en Grande-Bretagne, avec la naissance de Greeham Common, un camp féminin de protestation pacifique contre l’installation de missiles nucléaires sur la base de la Royal Air Force. Le camp s'ouvre en 1981 avec un groupe initial de 35 personnes et durera… 19 ans. Le militantisme était axé aussi bien sur le féminisme que sur l’antimilitarisme. ... Delphine Batho, qui se réfère explicitement à l’écoféminisme dans son Manifeste pour l’écologie intégrale (ed. Du Rocher, janvier 2019) s’interroge également sur la façon dont l’écoféminisme, pourtant né en France, y a ensuite été mis de côté, « peut-être à cause de faux débats sur l’essentialisme ». « Que les femmes aient davantage soit une conscience soit une pratique empirique de cette relation à la nature, ce n’est pas une question de génétique : c’est que c’est le rôle qui leur avait été assigné par un système de domination, explique-t-elle. ... Les femmes représentent par ailleurs 70 % de la population pauvre au plan mondial, et leur vulnérabilité face aux conséquences du changement climatique a été montrée par de nombreuses études ... « L’écoféminisme a un mérite : celui de sortir du dualisme, estime pour sa part Pascale d’Erm, et de nous montrer qu’on peut ne pas avoir à choisir entre écologie et féminisme, corps et esprit, nature et culture, etc. Dans une société qui aime diviser, il apporte une culture du “et” qui est puissamment émancipatrice. »