/ Laurent Mucchielli Directeur de recherche au CNRS (Laboratoire méditerranéen de sociologie), Aix-Marseille Université
À la différence de la plupart des commentateurs que l’on peut entendre tous les jours donner leurs avis dans les médias, il est difficile pour un chercheur de s’exprimer sur un sujet sur lequel il n’a pas enquêté. L’enquête en sciences sociales n’a en effet pas grand-chose à voir avec les reportages télévisés que l’on peut voir ou revoir en quelques clics sur Internet, ni avec les verbatim rapportés ici et là par les journalistes et dont on ne peut pas présumer de la représentativité à l’échelle nationale, ni même à l’échelle locale d’ailleurs.
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Surpolitisation, un premier écueil qui empêche de penser
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Second écueil à éviter : la dépolitisation
Après la surpolitisation, la dépolitisation. C’est sans doute une variante du même mépris de classe (en tous cas de la même distance sociale) qui fait dire à certains commentateurs que les gilets jaunes n’ont, au contraire, aucune conscience politique et rien d’autre à dire que « l’essence est devenue trop chère » (voir en ce sens la première étude des contenus électroniques des sites des gilets jaunes).
https://www.franceculture.fr/sociologie/la-feuille-dimpot-le-rond-point-et-facebook-huit-sociologues-decryptent-les-gilets-jaunes
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Les enquêtes d’opinion indiquent régulièrement que le problème n’est pas l’absence d’idées politiques de nos concitoyens mais le décalage grandissant – pour ne pas dire le gouffre béant – qui sépare ces idées de la compétition électorale et de la gouvernance politique qui en résulte, donnant ainsi l’impression à la majorité de ces mêmes citoyens que les responsables politiques se moquent d’eux et que la démocratie ne fonctionne pas.
Le fait que les commentateurs du débat public – élus, journalistes de plateaux, chroniqueurs, « experts » invités – soient presque tous parisiens n’est pas insignifiant. Il contribue à expliquer la mésestimation du rôle global et du budget de la voiture dont on vient de parler. Mais il explique sans doute aussi la mésestimation du soutien que reçoit le mouvement des gilets jaunes dans la population. Les sondages sont certes clairs à ce sujet, mais le résultat d’un sondage reste une information en soi abstraite.
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Prendre les citoyens au sérieux, replacer l’événement dans les structures
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L’absence d’interlocuteurs organisés ne peut pas être un prétexte et l’annonce de concertations à venir ne peut qu’être inaudible. Emmanuel Macron a sciemment personnalisé son pouvoir, il est peut-être temps pour lui de l’assumer jusqu’au bout en faisant un vrai mea culpa sur sa politique économique et sociale.
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ndlr :
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