Multinationales (1/2) : comment sont-elles devenues si puissantes ? - Publié le mardi 18 février 2025 / La terre au carré
Le siège historique de la Standard Oil, fondée par John D. Rockefeller ©Getty - George Rinhart/Corbis
Dans un ouvrage collectif, des chercheurs retracent l'histoire des multinationales et leur influence grandissante sur nos sociétés depuis le 19ᵉ siècle. Comment se sont-elles structurées dans le temps ? Les premières méthodes d'influence qui sont-elles encore à l'œuvre aujourd'hui ?
Avec Aurore Gorius Journaliste française
À l'occasion de la parution de l'ouvrage collectif Multinationales, une histoire du monde contemporain (La Découverte), la journaliste d'investigation Aurore Gorius revient sur l'ascension de ces grandes entreprises qui ont modelé notre économie et nos modes de vie, et sur les mécanismes qui leur ont permis de devenir des acteurs majeurs de la mondialisation.
Les pionnières
La première multinationale au sens moderne apparaît avec le fabricant de machines à coudre Singer, qui révolutionne le secteur textile dans les années 1850. "Grâce à des nouvelles techniques, qui rendent l'appareil beaucoup plus léger et maniable, Singer va sortir des usines et rentrer dans les appartements, raconte Aurore Gorius. Les multinationales vont ainsi accompagner l'émergence de la société de consommation, façonner notre mode de vie et parfois notre façon de penser, nos représentations."
Autre multinationale emblématique de la fin du 19ᵉ et du début du 20ᵉ siècle : l'empire de John D. Rockefeller, surnommé "le baron voleur", qui structure le marché de "l'or noir" avec sa compagnie, la Standard Oil. "Il va constituer un cartel, rassembler plusieurs raffineurs, négocier des prix avec les entreprises ferroviaires pour essayer de faire baisser le coût de transport du pétrole. Et puis il va absorber, contrôler une grande partie du marché, en quasi-monopole. Il s'impose en tuant la concurrence : soit il les étouffe, soit il les rachète, il les filialise. C'est le premier à avoir inventé la formule du trust, de la holding. Il prend des participations dans des filiales qu'il va implanter un peu partout dans le monde, et au fur et à mesure, il va énormément grossir." Le groupe Rockefeller est aussi le premier à penser son image et ses relations publiques, ajoute Aurore Gorius.
À écouter
Rockefeller, JP Morgan, Carnegie… Les pionniers
En 6 dates clés - 15 min - L'invention du marketing
En 1928, dans son livre Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie, Edward Bernays, le neveu de Sigmund Freud, pose les bases du marketing. Selon lui, les relations publiques reposent sur "la fabrication du consentement". "Il utilise la psychanalyse, il dit qu'on peut jouer sur l'inconscient des masses pour les manipuler, explique Aurore Gorius L'avantage de cette technique, c'est que ça reste invisible, donc on va jouer sur les désirs des consommateurs, les façonner, ce qui est en fait l'invention du marketing moderne."
L'influence des lobbys sur les politiques publiques
Aujourd'hui, les multinationales exercent une influence considérable sur les décisions politiques, notamment à Bruxelles. "Elles ont vraiment été associées à la construction européenne dès la création du marché commun en 1986, poursuit la journaliste. Donc, elles sont installées dans le jeu institutionnel européen. Elles agissent avec des lobbyistes chargés d'aller défendre leurs intérêts auprès des fonctionnaires de la Commission européenne, qui décident et qui fabriquent les directives, et aussi auprès des députés européens."
Face aux pouvoirs publics, le rapport de force est essentiellement financier. Que ce soit dans le secteur des hydrocarbures, des pesticides comme le glyphosate, de l'amiante ou des laboratoires pharmaceutiques, les multinationales tentent d'imposer leurs règles du jeu et de limiter les contrôles qui peuvent entraver leur activité. "Les entreprises de la chimie ou les GAFAM dépensent des millions d'euros chaque année pour influencer, souligne Aurore Gorius. Face à elles, elles ont une puissance publique qui manque d'argent… Donc, effectivement, il y a une prise de pouvoir."
- Olivier Petitjean et Ivan du Roy, Multinationales. Une histoire du monde contemporain, La Découverte, février 2025
À écouter Les multinationales qui brûlent notre planète La Terre au carré 53 min
Tr.: ... la fabrique du doute, c'est du mensonge ... PFAS ... Réformer REACH ... besoin de régulation ... /effets de l'amiante ... étouffer, échapper aux sanctions ... les ONG, les politiques ... GAFAM même mécanisme de concentration ... encadrer l'IA, renforcer nos données privées.
20 098 ont signé
collectif bas les masques a lancé cette pétition adressée à ministère de l'économie, et à 4 autres
« Notre savoir-faire, notre temps, notre travail ne valent-ils PLUS RIEN ?? »
Le 28/04/2020_ Nous sommes un regroupement de couturier.ère.s et costumier.ère.s professionnel.le.s sur le territoire français ; indépendant.e.s, artisan.e.s, intermittent.e.s, atelier.ère.s, salariées et nous participons depuis un mois au mouvement bénévole et solidaire de la confection de milliers de masques et blouses en tissus.
Alors que nous sommes nombreux.ses à être sans travail, souvent sans aides ou revenus, nous avons déjà passé des centaines d’heures à travailler gratuitement en puisant dans nos stocks ou achetant de la matière première à nos frais afin de répondre aux nombreux appels à l’aide.
D’abord fustigé, le masque en tissu est devenu une nécessité, surtout pour le personnel médical, et notre métier est devenu indispensable. Devant l’urgence et la pénurie de masques et blouses et la carence du gouvernement, les soignant.e.s, les hôpitaux, puis l’ensemble des catégories de la population ont fait directement appel à nous.
LES PROBLEMES PRINCIPAUX ACTUELS LIES A CE MOUVEMENT BENEVOLE :
Le mouvement a dépassé, de loin, le cadre normal du bénévolat et en vient à concurrencer, voire remplacer une industrie existante qui devrait être plutôt soutenue par le gouvernement,
- Les centres de soins, hôpitaux, commerces, administrations et collectivités locales lancent des appels aux bénévoles pour la confection de masques et de blouses ainsi que des appels aux dons de tissus ;
- Des compensations financières dérisoires sont proposées par certaines personnes morales ;
- Des usines utilisent la main d’œuvre carcérale rémunérée à moindre coûts ;
- Des professionnels de la couture au chômage confectionnent bénévolement des masques et blouses de leur propre chef ;
- L’État paye des commandes passées à la Chine ou à la Turquie, mais n’hésite pas à exploiter la main-d’œuvre locale.
Parallèlement, des normes et un process complexe d’homologation sont instaurés pour pouvoir vendre les masques, favorisant les grandes entreprises au détriment des nombreuses petites entreprises et des indépendants ; d’autant qu’aucun encadrement des prix n’est prévu.
LES RISQUES LIES A CE MOUVEMENT BENEVOLE :
Nous attirons l’attention des pouvoirs publics sur l’urgence d’une régulation au vu des écueils constatés et des risques suivants, non exhaustifs :
- dévalorisation d’un métier et d’une profession,
- exploitation par l’état du travail gratuit au lieu d’embaucher et de promouvoir une main-d’œuvre et un savoir-faire réels,
- perte de droits sociaux et revenus des indépendant.e.s et intermittent.e.s,
- travail dissimulé et prêt illicite de main d’œuvre,
- manquement aux obligations de sécurité et hygiène au travail,
- défaut d’assurance,
- concurrence déloyale,
- trafic de masques…
LES PROPOSITIONS D’ACTIONS A ENVISAGER :
De nombreuses solutions peuvent être envisagées pour répondre à cette crise en valorisant un secteur d’activité et une population et en répartissant les richesses financières et humaines ; le but étant de prioriser l’emploi des professionnelles de la couture et utiliser les caisses de l’état :
- Réquisitionner les ateliers et les fonctionnaires d’état qui sont au chômage technique; opéras, théâtres nationaux…,
- Réquisitionner les ateliers et usines des grands groupes de fabrication textile et de luxe pour la confection exclusive des masques et blouses et de leurs employés au chômage ; certains grands groupes en fabriquant déjà sans bénéfice pour l’ARS,
- Employer les ateliers et indépendant(e)s de la couture et du costume,
- Proposer aux bénévoles qui le souhaitent un accompagnent par des associations et des structures, leur donner les moyens techniques et matériels d’agir et ainsi valoriser des centres, actions sociales ou culturelles ,
- Proposer aux non-professionnelles des revalorisations du temps effectué en CPF,
- Proposer des services civiques ou de volontariat avec indemnités et sécurité sociale aux non-professionnels,
- Prendre en compte les heures de travail effectuées par les professionnel.les. de la couture pour les hôpitaux et centre de soins par une rémunération (sur justificatif),
- Rembourser les investissements financiers avancés pour le travail envers les hôpitaux et centre de soins (sur justificatif).
Nous souhaitons, par ce communiqué, interpeller les syndicats, journalistes et tous autres acteurs médiatiques afin de nous aider à porter au-devant de la scène notre cause. Le mouvement solidaire et bénévole s’est répandu à une vitesse fulgurante dans une population animée par la bienveillance et soucieuse de pallier les manquements gouvernementaux, mais cet élan a pour conséquence désastreuse le dépouillement de toute une profession pourtant emblématique de l’identité et du savoir-faire français, profession à 95% composée de femmes, ce qui suscite également des questionnements quant à la valeur accordée dans notre pays au travail des femmes.
Nous espérons que le gouvernement sera attentif à nos qualités et l’engagement dont nous avons fait preuve depuis le début de la crise, indépendamment de nos intérêts personnels, et qu’il entendra nos revendications sans nous obliger à recourir à la voie judiciaire pour faire valoir nos droits.
Collectif « Bas les masques ! » Union.Baslesmasques@gmail.com