7 212 ont signé
M. Jean-François GRIVAUX, professeur agrégé d'espagnol depuis 2013 et en poste fixe au lycée Jean Moulin de Torcy (77200) depuis 2014.
... très vive inquiétude, partagée par de nombreux collègues de la communauté enseignante d'espagnol cosignataires de ce courrier, suite à la lecture des "recommandations" suivantes, émises dans la note officielle aux concepteurs de corpus pour l'épreuve écrite de LLCER espagnol 2023 et transmises le 9 juin 2022 par l'inspection d'espagnol de l'académie de Paris
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Jamais, de toute ma carrière d'enseignant, je n'aurais pu imaginer être amené à lire des attentes d'une telle teneur, et encore moins les savoir transmises par l'inspection d'espagnol. J'ai cru littéralement tomber de ma chaise au moment d'en prendre connaissance.
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l'histoire, contemporaine comme passée, est à mon sens notre meilleur matériau de travail, le vivier et la matrice de tout ce qui a traversé et continue de secouer nos sociétés, parfois certes sans ménagement. Prétendre ainsi l'écarter en partie ou en faire abstraction, même seulement à l'occasion d'une épreuve, c'est à mes yeux faire le choix d'un évitement périlleux -et moyennement responsable- dans un monde qui, lui, n'attend pas pour se radicaliser dangereusement et venir porter régulièrement atteinte à la démocratie. Face à des polarisations toujours plus vives et déjà particulièrement patentes en milieu scolaire, nous avons grand besoin de force de volonté, de détermination, de fermeté et non de pusillanimité. Nous avons été formés à l'école de la pensée libre, alors défendons-la.
Les soubresauts de l'Histoire sont indissociables de notre mémoire collective. Difficile dans ce cas de ne pas pouvoir librement aborder la question de la violence d'État en Amérique latine, ou encore de devoir éviter de proposer un sujet sur la guerre civile espagnole, alors que les enseignants abordent bien souvent Guernica avec leurs élèves dès le collège...Que recherche-t-on exactement par là ? À lisser la moindre aspérité, à déserter la réflexion historique, à ignorer soigneusement un devoir de mémoire pourtant mené avec une remarquable dignité ces dernières décennies ? Combien d'auteurs actuels, d'écrivains, d'essayistes, d'historiens et plus généralement de penseurs tomberaient probablement des nues devant la lecture de pareilles "recommandations" ?
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Si l’Éducation nationale se raidit de peur face au moindre risque (de recours ou d'autre nature) et que l'on antépose le principe du "pas de vague" aux bienfaits émancipateurs de la réflexion critique sur des sujets complexes ou délicats, alors oui, la bataille pour la pensée libre semble perdue d'avance. Je pense cependant avoir bien compris, étant donné le caractère explicite de certains passages de la note, qu'il s'agissait, avant même de ménager la sensibilité des élèves, de protéger prioritairement monsieur le recteur face à la responsabilité engagée par la validation des sujets.
Je m'interroge alors : de quoi sera fait l'avenir ? Comptons-nous vider progressivement les programmes de leur substance "sensible", rogner notre liberté pédagogique, faire la promotion de l'amnésie collective ou encore maquiller d'opaques stratégies évoquant lointainement la censure (le terme "recommandations" ne semblant pas le plus honnête et approprié pour s'ajuster au contenu du paragraphe de cette note) ?
Actualités, Billets, Billets d'Histoire, histoire contemporaine - 3 commentaires
Lors de l’hommage national rendu à Samuel Paty, assassiné le 16 octobre 2020, des extraits de la lettre de Jean Jaurès aux Instituteurs et Institutrices (1888) ont été lus. Nous vous proposons de retrouver ce texte dans son intégralité.
=> Lire ici le texte dans la version extraite de l’ouvrage Action socialiste (1899) https://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/3640/files/2020/10/Aux-instituteurs-et-institutrices-Action-socialiste-Jean-Jaures-Gallica-BnF.pdf
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Ses grandes thématiques futures sur la question scolaire sont déjà présentes : la lecture pour toutes et tous, clé incontournable de l’accès au savoir ; la liberté pour les enseignants de constituer leur propre bagage intellectuel ; la critique des méthodes d’enseignement par trop formatées, etc.
En juin 1892, Jaurès offre un autre grand texte à La Dépêche sur l’instruction morale à l’école dans lequel il définit la « morale laïque, c’est-à dire indépendante de toute croyance religieuse, et fondée sur la pure idée du devoir5 ».
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Pour aller plus loin :
- le dossier « la laïcité en questions » sur le portail classes.bnf
- la page « la laïcité à l’école » sur le site éduscol du ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports
- sur France Culture : « diversement interprétés, parfois difficilement appliqués, les principes de la laïcité font toujours l’objet de débats. Une sélection d’émissions pour comprendre son histoire, ses sources philosophiques et son actualité ».
- le « Gallica vous conseille » sur Jean Jaurès
Citer ce billet : Agnès Sandras, "La lettre « aux Instituteurs et Institutrices » de Jean Jaurès (1888)," in L'Histoire à la BnF, 23/10/2020, https://histoirebnf.hypotheses.org/10211, [consulté le 02/11/2020].
1- Catherine Moulin, « Repères biographiques », in De l’éducation [Anthologie]/ Jean Jaurès ; introduction de Gilles Candar ; postface de Guy Dreux et Christian Laval ; textes présentés par Gilles Candar et Catherine Moulin ; édition établie par Madeleine Rebérioux, Guy Dreux et Christian Laval. Paris, Éd. Nouveaux regards, Éd. Syllepses, impr. 2005. [↩]
2- Gilles Candar, « Le prof Jaurès », in Jean Jaurès, De l’éducation [Anthologie], op. cit. [↩]
3- Voir Jaurès : l’intégrale des articles de 1887 à 1914 publiés dans « La Dépêche » / une édition dirigée par Rémy Pech et Rémy Cazals ; avec Jean Faury, Alain Boscus, Jean Sagnes… [et al.], Toulouse, Éd. Privat, « La Dépêche du Midi », 2009. [↩]
4- De l’éducation ; anthologie, op.cit. [↩]
5- Jean Jaurès, « L’instruction morale à l’école », La Dépêche, 8 juin 1892. [↩]
6- Péguy passera de l’admiration sans bornes à la haine pour Jaurès. Voir Christophe Prochasson, « Le miroir brisé : retour sur la relation Péguy-Jaurès », Cahiers Jaurès, 2015/3 (N° 217), p. 89-115. [↩]
7- Géraldi Leroy, « Péguy-Jaurès : bref essai de synthèse », Cahiers Jaurès, 2009/2 (N° 192), p. 51-64. [↩]
8- Charles Péguy, évoquant les jeunes normaliens et leurs uniformes, parle de « hussards noirs » puis de « hussards de la République » – et non pas de « hussards noirs de la République »- dans L’Argent publié par Les Cahiers de la quinzaine en 1913. Voir ici. [↩]
Connu / https://twitter.com/alboissinot/status/1322804714405322752
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François BOCQUET a retweeté alain boissinot @alboissinot · 1 nov.
Il faut lire le texte dans sa version intégrale... 2 - 57 - 89
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