Connu / https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?1lMvQA
... une des caractéristiques du Fédiverse tient aux différentes couches logicielles et applications qui la constituent et qui peuvent virtuellement être utilisées par n’importe qui et dans n’importe quel but. Cela signifie qu’il est possible de créer une communauté en ligne qui peut se connecter au reste du Fédiverse mais qui opère selon ses propres règles, sa propre ligne de conduite, son propre mode d’organisation et sa propre idéologie
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chaque communauté est capable de se définir elle-même non plus uniquement par un langage mémétique, un intérêt, une perspective commune, mais aussi par ses relations aux autres, en se différenciant. Une telle spécificité peut faire ressembler le Fédiverse à un assemblage d’infrastructures qui suivrait les principes du pluralisme agonistique. Le pluralisme agonistique, ou agonisme, a d’abord été conçu par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, qui l’ont par la suite développé en une théorie politique. Pour Mouffe, à l’intérieur d’un ordre hégémonique unique, le consensus politique est impossible. Une négativité radicale est inévitable dans un système où la diversité se limite à des groupes antagonistes14.
La thèse de Mouffe s’attaque aux systèmes démocratiques où les politiques qui seraient en dehors de ce que le consensus libéral juge acceptable sont systématiquement exclues.
Le pari fait par l’agonisme est qu’en créant un système dans lequel un pluralisme d’hégémonies est permis, il devienne possible de passer d’une conception de l’autre en tant qu’ennemi à une conception de l’autre en tant qu’adversaire politique. Pour que cela se produise, il faut permettre à différentes idéologies de se matérialiser par le biais de différents canaux et plateformes. Une condition préalable importante est que l’objectif du consensus politique doit être abandonné et remplacé par un consensus conflictuel, dans lequel la reconnaissance de l’autre devient l’élément de base des nouvelles relations, même si cela signifie, par exemple, accepter des points de vue non occidentaux sur la démocratie, la laïcité, les communautés et l’individu.
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avec la présence apparemment irréconciliable de factions d’extrême gauche et d’extrême droite dans l’univers de la fédération, les réalités de l’antagonisme seront très difficiles à résoudre ... Mastodon a été confronté à la neutralité des licences FLOSS. D’autres projets du Fédiverse, tels que les clients de téléphonie mobile FediLab et Tusky, ont également été confrontés au même problème, peut-être même plus, car la motivation directe des développeurs de Gab pour passer aux logiciels du Fédiverse était de contourner leur interdiction des app stores d’Apple et de Google pour violation de leurs conditions de service. En s’appuyant sur les clients génériques de logiciels libres du Fédiverse, Gab pourrait échapper à de telles interdictions à l’avenir, et aussi forger des alliances avec d’autres instances idéologiquement compatibles sur le Fédiverse15.
Dans le cadre d’une stratégie antifasciste plus large visant à dé-plateformer et à bloquer Gab sur le Fédiverse, des appels ont été lancés aux développeurs de logiciels pour qu’ils ajoutent du code qui empêcherait d’utiliser leurs clients pour se connecter aux serveurs Gab. Cela a donné lieu à des débats approfondis sur la nature des logiciels libres et open source, sur l’efficacité de telles mesures quant aux modifications du code source public, étant donné qu’elles peuvent être facilement annulées, et sur le positionnement politique des développeurs et mainteneurs de logiciels.
Au cœur de ce conflit se trouve la question de la neutralité du code, du réseau et des protocoles. Un client doit-il – ou même peut-il – être neutre ? Le fait de redoubler de neutralité signifie-t-il que les mainteneurs tolèrent l’idéologie d’extrême-droite ? Que signifie bloquer ou ne pas bloquer une autre instance ?
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La tolérance et la liberté d’expression sont devenues des sujets explosifs après près de deux décennies de manipulation politique et de filtrage au sein des médias sociaux des grandes entreprises ; quand on voit que les plateformes et autres forums de discussion populaires n’ont pas réussi à résoudre ces problèmes, on n’est guère enclin à espérer en des expérimentations futures.
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il se pourrait que le Fédiverse crée au mieux une forme d’agonisme bâtard par le biais de la pilarisation. En d’autres termes, nous pourrions assister à une situation dans laquelle des instances ne formeraient de grandes agrégations agonistes-sans-agonisme qu’entre des communautés et des logiciels compatibles tant sur le plan idéologique que technique, seule une minorité d’entre elles étant capable et désireuse de faire le pont avec des systèmes radicalement opposés. Quelle que soit l’issue, cette question de l’agonisme et de la politique en général est cruciale pour la culture du réseau et de l’informatique. Dans le contexte des systèmes post-politiques occidentaux et de la manière dont ils prennent forme sur le net, un sentiment de déclin de l’esprit partisan et de l’action militante politique a donné l’illusion, ou plutôt la désillusion, qu’il n’y a plus de boussole politique. Si le Fédiverse nous apprend quelque chose, c’est que le réseau et les composants de logiciel libres de son infrastructure n’ont jamais été aussi politisés qu’aujourd’hui. Les positions politiques qui sont générées et hébergées sur le Fédiverse ne sont pas insignifiantes, mais sont clairement articulées. De plus, comme le montre la prolifération de célébrités politiques et de politiciens utilisant activement les médias sociaux, une nouvelle forme de démocratie représentative émerge, dans laquelle le langage mémétique des cultures post-numériques se déplace effectivement dans le monde de la politique électorale et inversement16.
Le Fediverse est un réseau social multiforme qui repose sur une fédération de serveurs interconnectés. C’est un phénomène assez jeune encore, mais dont la croissance suscite déjà l’intérêt et des questionnements. Parmi les travaux d’analyse qui s’efforcent de prendre une distance critique, nous vous proposons « Sept thèses sur le Fediverse et le devenir du logiciel libre ».
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traduction de Seven Theses on the Fediverse and the becoming of FLOSS https://monoskop.org/images/c/cc/Mansoux_Aymeric_Abbing_Roel_Roscam_2020_Seven_Theses_on_the_Fediverse_and_the_Becoming_of_FLOSS.pdf
Référence : Aymeric Mansoux et Roel Roscam Abbing, « Seven Theses on the Fediverse and the becoming of FLOSS », dans Kristoffer Gansing et Inga Luchs (éds.), The Eternal Network. The Ends and Becomings of Network Culture, Institute of Network Cultures, Amsterdam, 2020, p. 124-140. En ligne.
Traduction Framalang : Claire, dodosan, goofy, jums, Macrico, Mannik, mo, roptat, tykayn, wisi_eu.
SOMMAIRE
Préambule – À la rencontre du Fédiverse
- Le Fédiverse, de la guerre des mèmes à celle des réseaux https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?GXR4lA
- Le Fédiverse en tant que critique permanente de l’ouverture https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?qpHg3Q
- Le Fédiverse comme lieu du pluralisme agoniste en ligne https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?ntMk-Q
- Le Fédiverse, transition entre une vision technique et une perception sociale de la protection de la vie privée https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?fi__mA
- Le Fédiverse, pour en finir avec la collecte de données et la main-d’œuvre gratuite https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?nc9N-A
- Le Fédiverse, avènement d’un nouveau type d’usage https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?Va4psA
- Le Fédiverse : la fin des logiciels libres et open source tels que nous les connaissons https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?A9aAcw
Notes à https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?2fwl4Q
Classé dans : Contributopia, Dégooglisons Internet, Fédération, Internet et société, Libres Logiciels
Clés : Abbing, Fédération, Fediverse, Framalang, Internet, Mansoux, mastodon, Traduction
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Qu’ils soient motivés par l’éthique ou l’économie, les logiciels libres et les logiciels open source partagent l’idéal selon lequel leur position est supérieure à celle des logiciels fermés et aux modes de production propriétaires. Toutefois, dans les deux cas, le moteur libéral à la base de ces perspectives éthiques et économiques est rarement remis en question. Il est profondément enraciné dans un contexte occidental qui, au cours des dernières décennies, a favorisé la liberté comme le conçoivent les libéraux et les libertariens aux dépens de l’égalité et du social.
Remettre en question ce principe est une étape cruciale, car cela ouvrirait des discussions sur d’autres façons d’aborder l’écriture, la diffusion et la disponibilité du code source. Par extension, cela mettrait fin à la prétention selon laquelle ces pratiques seraient soit apolitiques, soit universelles, soit neutres.
Malheureusement, de telles discussions ont été difficiles à faire émerger pour des raisons qui vont au-delà de la nature dogmatique des agendas des logiciels libres et open source. En fait, elles ont été inconcevables car l’un des aspects les plus importants des FLOSS est qu’ils ont été conçus comme étant de nature non discriminatoire. Par « non discriminatoire », nous entendons les licences FLOSS qui permettent à quiconque d’utiliser le code source des FLOSS à n’importe quelle fin.
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plus récemment, la croyance en une dépolitisation, ou sa stratégie, ont commencé à souffrir de plusieurs manières.
Tout d’abord, l’apparition de ce nouveau type d’usager a entraîné une nouvelle remise en cause des modèles archétypaux de gouvernance des projets de FLOSS, comme celui du « dictateur bienveillant ». En conséquence, plusieurs projets FLOSS de longue date ont été poussés à créer des structures de compte-rendu et à migrer vers des formes de gouvernance orientées vers la communauté, telles que les coopératives ou les associations.
Deuxièmement, les licences tendent maintenant à être combinées avec d’autres documents textuels tels que les accords de transfert de droits d’auteur, les conditions de service et les codes de conduite. Ces documents sont utilisés pour façonner la communauté, rendre leur cohérence idéologique plus claire et tenter d’empêcher manipulations et malentendus autour de notions vagues comme l’ouverture, la transparence et la liberté.
Troisièmement, la forte coloration politique du code source remet en question la conception actuelle des FLOSS. Comme indiqué précédemment, certains de ces efforts sont motivés par le désir d’éviter la censure et le contrôle des plateformes sociales des entreprises, tandis que d’autres cherchent explicitement à développer des logiciels à usage antifasciste. Ces objectifs interrogent non seulement l’universalité et l’utilité globale des grandes plateformes de médias sociaux, ils questionnent également la supposée universalité et la neutralité des logiciels
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le Fédiverse devient progressivement le système le plus pertinent pour l’articulation de nouvelles formes de la critique des FLOSS
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En l’état, la culture FLOSS ressemble à une collection rapiécée de pièces irréconciliables provenant d’un autre temps et il est urgent de réévaluer nombre de ses caractéristiques qui étaient considérées comme acquises.
Si nous pouvons accepter le sacrilège nécessaire de penser au logiciel libre sans le logiciel libre, il reste à voir ce qui pourrait combler le vide laissé par son absence.
Connu /? Retrouvé / https://framapiaf.org/@pylapp/109299546465055331
*Ndlr : cette dernière phrase m'est ~incompréhensible. Questionner, approfondir ACT
Pour visionner tous les paragraphes indexés d'un coup : https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?searchterm=le-fediverse-et-lavenir-des-reseaux-decentralises&searchtags=#A9aAcw
Dossier
Les entretiens de 2018
Entretien
Chantal Mouffe : “Il est temps de construire une nouvelle frontière politique”
Chantal Mouffe en 2018 © Édouard Caupeil
À force d’affirmer qu’“il n’y a pas d’alternative”, les peuples se fatigueront de la démocratie. C’est l’avertissement lancée par Chantal Mouffe, bien avant que n’émergent les régimes autoritaires de Trump, Poutine ou Erdogan. Et la philosophe belge, inspiratrice de Podemos et de la France insoumise, d’y opposer un “populisme de gauche” – le titre de son livre à paraître à la rentrée. Nous sommes allés nous confronter à celle qui fait du conflit l’essence même du politique.
Chantal Mouffe
Philosophe belge, elle a développé le concept de « démocratie radicale » et est l’une des inspiratrices des mouvements Syriza, Podemos et Nuit Debout. Coauteure de Hégémonie et Stratégie socialiste (Les Solitaires intempestifs, 2009), elle vient de publier L’Illusion du consensus (Albin Michel).
Publié dans
n°122
Septembre 2018
Tags
Chantal Mouffe, Populisme, Démocratie, Podemos, Agonistique
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Pour qu’il y ait une lutte agonistique, il faut qu’il y ait ce que j’appelle un « consensus conflictuel ». Tout échange implique qu’on soit d’accord sur ce sur quoi l’on va discuter. En démocratie, on reconnaît que les principes éthico-politiques sont la liberté et l’égalité pour tous. Le dissensus porte sur la définition et l’extension de ces principes. Dans le cas du Rassemblement national, c’est surtout le « pour tous » qui pose problème. Marine Le Pen prétend défendre les principes républicains, sauf qu’elle ajoute « oui, mais seulement pour les Français ». Pour autant, je ne pense pas qu’on puisse faire d’elle une antirépublicaine. Si c’était le cas, on ne devrait pas lui permettre de se présenter aux élections. En tout cas, je suis convaincue que l’on doit s’adresser à ses électeurs pour essayer de les orienter vers un projet populiste de radicalisation de la démocratie. Au lieu de considérer qu’ils sont perdus pour la gauche.
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l’agonisme – du mot agôn qui, en grec, veut dire « lutte », « compétition »…
Oui, l’agonisme confronte des opposants qui savent qu’ils ne pourront jamais se mettre d’accord et luttent pour imposer leur hégémonie. Cela dit, ils se ne considèrent pas pour autant comme des ennemis à abattre mais comme des adversaires qui se reconnaissent le droit de défendre leurs idées. Dans une démocratie vivante, il y a, par exemple, des positions irréconciliables entre défenseurs de la liberté et défenseurs de l’égalité, mais on peut mettre en forme ce conflit grâce à des institutions qui permettent l’expression du pluralisme.