Dimitri Rouchon-Borie, écrivain : "Je m'intéresse à la collusion entre la sauvagerie et l'ordinaire"
Une journée particulière
Dimitri Rouchon-Borie, écrivain : "Je m'intéresse à la collusion entre la sauvagerie et l'ordinaire"
Par Zoé Varier Culture Livres Justice littérature française romans
54 minutes
Pour commémorer les 150 ans de la Commune de Paris, l’historienne Ludivine Bantigny a fait paraître aux éditons La Découverte "La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps", une singulière composition épistolaire qui s’adresse aux destinataires d’aujourd’hui en faveur de l’émancipation.
Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Rouen-Normandie, Ludivine Bantigny a développé ces dernières années une pensée singulière et engagée sur les mouvements sociaux dans l’histoire.
De sa thèse sur la jeunesse en France dans les années 1950-1960 intitulée « Le plus bel âge ? : jeunes, institutions et pouvoirs en France des années 1950 au début des années 1960 » à La Commune de Paris à laquelle elle fait honneur dans son dernier ouvrage La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps, elle traverse les siècles en quête d’interactions entre les insurrections, les révoltes, les contestations.
C’est pourquoi il n'est pas étonnant de trouver parmi ses recherches et ses prises de parole des articles sur les Gilets Jaunes ou les « casseurs », le principe de désobéissance civile ou encore sur les « expériences sensibles du politique » et la valorisation des femmes dans les études de sciences humaines.
Nouer des relations à travers l'histoire
Fille de postiers, Ludivine Bantigny se forme à la politique au contact des manifestations de 1995 contre la loi instaurant le contrat première embauche (CPE) du gouvernement Dominique de Villepin. À l’époque, elle mène des études d’histoire et de lettres à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm d’où elle sort agrégée en 1998.
Une volonté de rendre l'histoire vivante : voilà ce qui caractérise la démarche que prône Ludivine Bantigny en dépit de toute neutralité habituellement exigée.
...
une manière formelle de rendre ces femmes et hommes toujours vivants : des spectres sur notre présent.
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Plus que des "communard•e•s" comme ils•elles l'étaient désigné•e•s par leurs opposant•e•s, les "communeuses" et "communeux" ont soif d'une république vraie.
Si Louise Michel incarne bien souvent la figure de la femme communeuse à l'engagement viscéral, Ludivine Bantigny fait entendre les voix d'autres acteur•rice•s de la Commune avec qui elle correspond afin d'honorer leurs actions et prises de position. Il y a :
- Maria Verdure, jeune institutrice de vingt-deux ans qui a déjà créé, non sans peine, une école sous le second empire, et qui défend une véritable éducation pour toutes et tous se basant sur l'émancipation, la confiance et la créativité des enfants (à la différence de l'école faussement égalitaire de Jules Ferry qui reproduit les violences sociales et culturelles).
- Léo Frankel, jeune hongrois qui promeut l'internationalisme du mouvement et a été un des élus de la Commune. Ouvrier autodidacte, il contribue à interdire le travail de nuit des boulangers comme ce moment historique réduit à dix heures le temps de travail, supprime les retenues sur salaire et tend vers l'égalité salariale entre hommes et femmes.
- Léon Vafflard, le fossoyeur de Paris qui alerte sur l'indécence des fosses communes et privilégie la dignité jusque dans la mort.
- Hortense Urbain, Victorine Brocher, Amélie Defontaines, et bien d'autres
Le chant du rossignol résonne toujours
... des "Échos passés du monde à venir" pour reprendre le titre d'un de ses chapitres.
L'occupation actuelle du Théâtre de l'Odéon rappelle celle de 1968, deux événements puisant dans l'imaginaire de la Commune. Les Gilets Jaunes ont repris à leur compte la célèbre formule de Victor Hugo : "Police partout, justice nulle part", lequel, sans être communeux, a défendu les intérêts du peuple et s'est indigné en alexandrins :
Qui donc a décrété ce sombre égorgement ? / Si quelque prêtre dit que Dieu le veut, il ment ! (Victor Hugo, Actes et paroles)
Le collectif "Vive la Commune" continue d'entretenir la mémoire de cet événement historique et politique.
C'est ainsi que prend forme et s'écrit une chaîne du temps avec laquelle nous renouons, comme l'a investie la "Commune des Communes de Commercy" pour développer l'idée d'un "communalisme" visant à se ré-approprier les biens et à en prendre soin dans le cadre d'une démocratie directe.
L'utopie d'aujourd'hui est la réalité de demain. (Louise Michel)
Les références
- La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps, La Découverte, 2021.
- Raphaël Meyssan et son roman graphique Les damnés de la Commune, éditions Delcourt (2017-2019) adapté en film d'animation sur Arte.
- Victor Hugo, L'Année terrible, "L'Enterrement", 1872 : ...
Ndlr : la contacter / direction de rech / TdM ACT
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