Attachements
Enquête sur nos liens au-delà de l'humain / Charles Stépanoff
Comment nous relions-nous à notre environnement et comment nous en détachons-nous ? Comment en sommes-nous arrivés à vivre dans des sociétés dont les rapports au milieu vivant se sont appauvris au point de menacer notre monde de devenir inhabitable ?
On a longtemps défini les humains par les liens les unissant les uns aux autres. Or ils se distinguent aussi par les relations singulières qu'ils établissent au-delà d'eux-mêmes, avec les animaux, les plantes, le cosmos. Sur tous les continents, chasseurs-cueilleurs, horticulteurs ou pasteurs nomades interagissent de mille manières avec une multitude d'autres êtres. Partout, les groupes humains s'attachent affectivement à des animaux qu'ils apprivoisent et avec lesquels ils partagent habitat, socialité et émotions. Notre ouverture à l'altérité va même plus loin. Nous établissons des relations fortes avec les esprits des montagnes et des fleuves, avec des dieux ou des ancêtres. Nous sommes étonnamment polyglottes, capables d'échanger avec un oiseau, une étoile, un esprit. Longtemps ignorée, cette disposition apparaît fondamentale dans le rapport singulier que nous avons construit avec notre environnement au fil des millénaires.
En s'appuyant sur l'anthropologie évolutionnaire, l'archéologie, l'histoire, l'ethnographie et ses propres enquêtes de terrain menées en Sibérie et en France, Charles Stépanoff compare différents contextes anciens et actuels, proches et lointains, où les humains s'attachent d'autres espèces. Au fil d'un parcours captivant qui l'amène à repenser intégralement des phénomènes fondamentaux comme le processus de domestication, la genèse des hiérarchies ou la construction des États prémodernes, il explore cette question inédite : comment les attachements au milieu vivant transforment-ils les organisations sociales ?
Version numérique : 19.99 €
Charles Stépanoff est anthropologue, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et membre du Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France. Il a notamment publié Voyager dans l'invisible (2019, 2022), Techniques chamaniques de l'imagination (2019, 2022) et L'Animal et la Mort (2021).
Comité du Film Ethnographique - Festival Jean Rouch
Allemagne (2022) - 72 min. Marie-Lou, Florian, Jérôme et Vincent sont employés par des sous-traitants
Connu / TG le 05/05/23 à 10:41
Pour ce premier épisode de d'Un monde nouveau spécial "2022, l'année de la bascule", l'anthropologue Philippe Descola nous explique comment notre perception de la crise écologique s'est radicalisée, quand Redcar fait peau neuve avec son nouvel album "Les Adorables étoiles".
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2022 : année de la bascule environnementale : analyse de Philippe Descola
2022 année de la bascule « environnementale », « écologique », « climatique » https://reporterre.net/Climat-Nous-sommes-proches-de-plusieurs-points-de-bascule ... Hausses des températures, canicules à répétition, sécheresse… 2022, c'est l'année la plus chaude jamais enregistrée en France ? Comment pourrait-on la nommer ? Après 6 rapports du GIEC et 27 COP depuis le premier Sommet de la Terre à Rio en 1992, une chose est sûre : cette année notre perception a (enfin) changé. Et si ce monde devenait inhabitable ? La question s’impose désormais au plus grand nombre. Pour analyser ce point de bascule, qui mieux que vous Philippe Descola à qui l’on doit tout simplement l’une des dernières révolutions de la pensée moderne : la fin de l’opposition entre nature et culture. Début décembre, il était présent au forum organisé par l'Ademe, l'Agence nationale pour la transition écologique et le Centre Pompidou à Paris autour de la nécessité de s'engager dans la transition écologique comme une transition culturelle est nécessaire.
Une conscience écologique à la peine
L'anthropologue est quelque eu perplexe quant à cette nouvelle conscience écologique de notre monde occidental qui peine à s'imposer selon lui puisqu'il considère que le bouleversement d'affect nécessaire à un tel changement n'est pas encore là, et correspond encore à une fraction de la population : "Cette transition écologique qualifie le passage d'un État à un autre que je ne vois pas encore, puisqu'on assiste encore à une perpétuation d'un État qui n'a pas beaucoup changé depuis la COP 21. Les résultats de la COP 27 n'ont pas apporté grand chose. Je suis plutôt inquiet, même si les chaleurs exceptionnelles de l'été de l'automne font prendre conscience qu'il y a quelque chose qui se passe, il demeure un fossé entre cette prise de conscience et les réactions véritables. Tant que les Etats auront des intérêts à défendre, notamment en termes de maintien de l'exploitation des énergies fossiles, je ne pense pas qu'on fasse des progrès considérables".
Pas de transition climatique sans transition culturelle
Selon l'anthropologue, il est plus que nécessaire de repenser notre rapport au vivant pour engager cette transition de nos rapports culturels. Alors nous pourrons enfin révolutionner notre rapport à la nature qui ne repose que sur un dogme de domination, de hiérarchisation, d'exploitation dont il nous faut nous affranchir : "Cette transition culturelle suppose que nous ayons conscience de pouvoir renouer des liens avec tout ce qui nous environne, et en particulier les humains et les non-humains de notre entourage immédiat, de façon à ne pas se situer dans une position de domination de surplomb vis-à-vis de la nature. Ne pas continuer à maintenir cette situation dans laquelle nous nous sommes engagés en Europe il y a quelques siècles, qui a été le moteur de la modernité, de se considérer comme maître et possesseur de la nature et de considérer que le vivant est une ressource pour notre satisfaction". Il faut refonder notre naturalisme, repenser notre conception de la nature, non comme une chose extérieure à nous ni domesticable tel que le monde moderne nous l'enseigne depuis les grandes explorations de la Renaissance.
Renouer avec le naturalisme et l'animisme et ne faire qu'un avec le vivant
Il est particulièrement attentif aux multiples expériences sociales et culturelles menées par de nombreux peuples autochtones qui ont évolué sans techniques, sans modèle de pensées tels que le nôtre, mais qui sont autant d'inventions originales de se lier entre humains et de se lier avec des non-humains. Il s'agit de rompre avec cette pensée linéaire qui repose depuis des siècles et des générations sur le progrès absolu et qui résonne depuis comme une sorte de résolution absolue de notre société bourgeoise s'accomplissant dans le capitalisme : "En réalité, les transformations historiques qu'a connues l'humanité ne suivent pas une ligne droite, car il y a de très nombreuses expériences, des alternatives, dont certaines se sont fermées, quand d'autres se sont ouvertes et celles-ci peuvent nous permettre de penser le futur avec plus d'optimisme. Les options qui sont devant nous sont beaucoup plus vastes que celles qu'on pourrait imaginer. Ces expériences d'autres peuples plus en symbiose avec le vivant, le milieu naturel sont autant de stimulations pour penser que notre futur n'est pas condamné à être la perpétuation du présent. On peut imaginer d'autres formules puisque l'humanité n'a cessé de faire preuve d'une capacité d'imagination considérable au fil des millénaires.
C'est ce regard neuf qu'il ramène justement d'Amazonie qui lui permet d'imaginer un autrement dès lors qu'on considère que ce n'est pas le passé de l'humanité mais son contemporain tel que le rapport qu'ont les Indiens d'Amazonie aux non-humains. C'est ce qui a inspiré sa pensée du monde à venir. Ce qu'on appelle l'animisme, le fait de prêter à des non-humains, des plantes, à des animaux, à des esprits, une intériorité, une subjectivité, une âme, de façon à pouvoir échanger avec eux, sans non plus empêcher les rapports de prédation : "Cette attitude, on peut essayer de la transposer au présent. À l'intérieur du cadre naturaliste, on peut essayer d'établir par la connaissance et l'observation et l'intimité avec d'autres espèces que la nôtre, des rapports qui ne soient plus des rapports d'exploitation, de domination. Les peuples autochtones, nous offrent la polyvalence là où nous, nous sommes entrés avec la division technique du travail dans un système où chacun accomplit une tâche à l'intérieur d'un ensemble, où les responsabilités sont partagées et définies par des maîtres-d 'œuvre. Là où dans des sociétés Amazoniennes, chacun est capable de faire la totalité des opérations nécessaires à la vie quotidienne. Lorsque des opérations complexes sont menées, chacun le fait en observant ce que font les voisins. Globalement, chacun met la main à la pâte. Il y a une circulation des savoirs et des savoirs-faire".
► Ethnographies des mondes à venir, le dernier ouvrage de Philippe Descola co-écrit avec Alessandro Pignocchi, est disponible aux éditions du Seuil.
Entretien
C'est en habits d'apparat que les peuples indigènes d'Amazonie ont assisté au Forum social mondial de Belem, au Brésil, en 2009. Reuters
Les 6 000 peuples autochtones, qui tentent de survivre et de préserver leurs cultures à travers le monde, font partie des populations les plus vulnérables de la planète. Confrontés aux menaces sanitaires et à de multiples autres pressions, ces peuples, dont les droits ont été internationalement reconnus, sont toujours marginalisés. Explications de Patrick Bernard sur ceux qu’on nomme aussi « les peuples racines ».
Patrick Bernard est ethnographe, auteur, réalisateur et conférencier engagé depuis plus de quarante ans aux côtés des ethnies minoritaires et des « peuples racines » à travers le monde. Avec Visier Sanyü, historien naga, il fonde l’Icra International http://www.icrainternational.org/, un mouvement international de solidarité avec les peuples autochtones, puis il crée le Fonds mondial pour la sauvegarde des cultures autochtones, et la Fondation Anako http://fondation-anako.org/.
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environ 200 millions de personnes, soit 4% de la population mondiale, comprenant 6 000 peuples disséminés à travers la planète. Ils sont comme des touches de couleurs rebelles à l’uniformisation du monde dont l’existence est menacée et les droits bafoués. Ils sont victimes de la colonisation des terres, de la destruction des forêts nourricières, des pollutions environnementales, de la négation des cultures, des spiritualités et des identités socio-politiques. Une multitude de peuples oubliés qui subissent aujourd’hui le prosélytisme de religions qui n’acceptent pas la différence, l’invasion de leurs territoires par des colons, des firmes exploitant or, bois, pétrole, uranium, énergies hydroélectriques, détruisant l’environnement dont ils dépendent.
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Un petit village autochtone en Amazonie péruvienne. AFP PHOTO/Ministère péruvien de la Culture
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En Guyane française, un Amérindien arawak de la communauté de Cécilia est décédé dès le début de la pandémie. Un grand nombre de cas a été également décelé chez les Wayampi du village de Camopi et chez les habitants de Saint Georges de l’Oyapock sur la frontière brésilienne. Selon Radio Canada, 40 personnes des communautés des Premières Nations, dont 4 en Saskatchewan, 11 en Ontario et 25 au Québec, ont été déclarées positives dès le 9 avril, et 5 cas sont aussi à déplorer chez les Inuits du Nunavik.
Des indiens d'Amazonie à Manaus, au Brésil, le 26 août 2009. Reuters
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les menaces qui affectent durablement leurs territoires et leurs environnements naturels avec lesquels ils vivent en harmonie depuis des temps immémoriaux. Ces écosystèmes sont garants de leur identité, de leurs croyances et de leurs modes de vie aujourd’hui marginalisés (chasseurs-cueilleurs-ramasseurs, cultivateurs sur brûlis, éleveurs transhumants). De plus, ces peuples sont particulièrement vulnérables aux maladies nouvelles, car leur isolement ne leur a pas permis de développer les résistances suffisantes aux maladies apportées de l’extérieur.
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Un chef indigène sur des terres brûlées, dans l'État du Mato Grosso, au Brésil, le 28 août 2019. (Image d'illustration) REUTERS/Amanda Perobelli
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►À lire aussi : Coronavirus : la protection des peuples d'Amazonie au programme des politiques http://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20200515-coronavirus-amazonie-protection-indiens-travail-politiques
Un Amérindien d'Amazonie. Getty Images/Luoman
Ces peuples disposent de droits reconnus sur le plan international mais souvent peu respectés. ... les droits autochtones sont reconnus par la Convention 169 de l'OIT et par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de l'ONU adoptée en 2007.
La Convention 169 a été adoptée en 1989 par l'OIT mais elle n'a été ratifiée depuis que par 23 pays, essentiellement latino-américains. Cette convention est le seul instrument juridique international contraignant relatif aux peuples indigènes et tribaux, reconnaissant notamment leurs droits collectifs à la terre et leur droit à l'autodétermination. La France ne l'a pas ratifiée, car elle ne veut pas que soit reconnue à certaines communautés la prévalence des droits collectifs sur les droits individuels. Par ailleurs, la notion de peuples autochtones est incompatible avec la Constitution française.
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L’ensemble de l’Humanité aurait beaucoup à apprendre des derniers peuples sages. Leur message aux autres hommes pourrait consister à conseiller un retour à un peu plus de modestie face au monde qui nous entoure et à reconsidérer l’indispensable respect de nos différences qui doivent être cultivées plutôt qu’effacées systématiquement car, la vraie richesse n’étant pas matérielle, ce sont de nos différences que naissent nos véritables richesses et valeurs. En guise de conclusion, je dirais que ce sont ces hommes que certains qualifient de « primitifs » qui m’ont appris le sens du mot « civilisé ». S’il faut se ressembler un peu pour se comprendre, il faut être différents pour s’aimer.
►À écouter aussi : Amazonie : les indigènes confrontés au Covid-19 et à l’invasion des orpailleurs illégaux http://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200512-amazonie-les-indig%C3%A8nes-confront%C3%A9s-covid-19-et-%C3%A0-linvasion-orpailleurs-ill%C3%A9gaux
Clés : Brésil Afrique Amazonie Droits de l’homme Société Environnement Notre sélection Coronavirus
Connu / https://twitter.com/JMJancovici/status/1269715815525482498
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Jean-Marc Jancovici @JMJancovici · 5h
Les «peuples racines» face au monde et au coronavirus
Ce sont des sociétés de l’autosuffisance dont la devise pourrait être : « puiser sans épuiser », au contraire des sociétés de l’accumulation. - 3 - 11 - 27
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Ndlr :
- Si JMJ soutien AUSSI les peuples premiers, tous les espoirs sont permis :-) => Valoriser ACT
- contribuer à faire reconnaître au plus vite les droits des peuples autochtones notamment en Guyane ACT