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J’accuse, mais j’appartiens aussi à la société qui est condamnée dans ce livre. Je me sens à la fois responsable et élément de cette histoire, et, comme d’autres membres de ma société, je suis convaincu – mes dernières pages le montreront – que ce douloureux voyage dans le passé est le seul chemin qui peut permettre d’avancer vers un avenir meilleur pour nous tous, Palestiniens et Israéliens. Parce qu’au plus profond, c’est de cela qu’il s’agit dans ce livre.
Je ne crois pas que quiconque ait déjà tenté cette démarche. Les deux récits historiques officiels rivaux sur ce qui s’est passé en Palestine en 1948 ignorent l’un et l’autre le concept de nettoyage ethnique. Si la version sioniste/israélienne affirme que la population locale est partie « volontairement », les Palestiniens parlent de la « catastrophe », la « Nakba », qui leur est tombée dessus – ce qui est aussi, en un sens, un terme fuyant, puisqu’il renvoie au désastre lui-même sans dire qui ou ce qui l’a provoqué. Le mot Nakba a été adopté, pour des raisons
compréhensibles, afin de tenter de contrer le poids moral de la Shoah, l’Holocauste des Juifs. Mais, en se taisant sur l’acteur, il a peut-être contribué aussi à la persistance de la négation par le monde du nettoyage ethnique de la Palestine, en 1948 et depuis.
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le sionisme a laïcisé et nationalisé le judaïsme. Pour mener à bien leur projet, les penseurs sionistes ont revendiqué le territoire biblique et l’ont recréé, en fait réinventé, en berceau de leur nouveau mouvement nationaliste. De leur point de vue, la Palestine était occupée par des « étrangers », et il fallait en reprendre possession. Par « étrangers », ils entendaient tous les non-Juifs qui y avaient vécu depuis l’époque romaine28. En fait, pour de nombreux sionistes, la Palestine n’était même pas un pays « occupé » quand les premiers d’entre eux y étaient arrivés en 1882, c’était une terre « vide »
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P43 David Ben Gourion : l’architecte
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P58 En dessinant la carte comme ils l’ont fait, les membres de l’ONU qui ont voté pour la résolution de partition ont directement contribué au crime qui allait suivre.
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P65 La méthodologie du nettoyage
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P69 Cet accord tacite avec la Jordanie a constitué à bien des égards le second pas ayant permis le déroulement sans entraves du nettoyage ethnique.
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P89 Pendant ces atrocités, les Britanniques ont regardé ailleurs.
P91 l’exode, à la même époque, d’environ 15 000 membres des milieux aisés palestiniens d’Haïfa. Beaucoup étaient des négociants prospères dont le départ a ruiné l’artisanat et le commerce locaux, donc aggravé encore la situation des quartiers pauvres de la ville.
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P95 Il n’était plus nécessaire, souligna Ben Gourion, de distinguer entre l’« innocent » et le « coupable » – l’heure était venue d’infliger des dommages collatéraux. Expression dont il définit ainsi le sens, à en croire les souvenirs de Danin des années plus tard : « Toute attaque doit se terminer par l’occupation, la destruction et l’expulsion146. »
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P100 TERMINER ACT
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Connu / https://twitter.com/b_schoendorff/status/1741497745448313186
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Benji Schoendorff🪁 @b_schoendorff
Pour ceux qui désirent lire cet ouvrage essentiel ...
5:33 PM · 31 déc. 2023 · 2 707 vues
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lui-même connu / https://twitter.com/LBantigny/status/1741476701740138803
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Ludivine Bantigny @LBantigny
Comment s'est déroulé en 1948 le "nettoyage ethnique de la Palestine", un crime contre l'humanité? Puisque les éditions Fayard ont retiré de la commercialisation l'ouvrage de l'historien israélien Ilan Pappé - une censure de fait -, j'en ai fait une relecture et la partage ici⤵️
Couverture de l'ouvrage d'Ilan Pappé chez Fayard, avec l'image d'une colonne de personnes, surtout des femmes et des enfants au premier plan, qui fuient sur les routes.
4:09 PM · 31 déc. 2023 · 494,6 k vues
- Ludivine Bantigny @LBantigny · 31 déc. 2023
Il faut d'abord rappeler que le "nettoyage ethnique" est bel et bien considéré comme un crime contre l'humanité réprimé par le droit international. Il consiste en l'expulsion par la force visant à homogénéiser la population ethniquement mixte d’une région ou d’un territoire. - Le nettoyage ethnique transforme la population expulsée en réfugiés, en détruisant maisons, villages et quartiers. Il s'accompagne de massacres, même sans volonté génocidaire. Selon Ilan Pappé, poursuivre la lutte contre la négation de ce crime est un impératif moral crucial.
- Intimidation massive, siège et pilonnage des villages et quartiers, incendie des maisons, des biens, des marchandises, expulsion, démolition, pose de mines dans les décombres pour empêcher les expulsés de revenir: ces ordres ont été donnés lors d'un plan d'expulsion systématique.
- Quand tout a été fini, près de 800 000 personnes – plus de la moitié de la population autochtone de Palestine – avaient été déracinées, 531 villages détruits, 11 quartiers vidés de leurs habitants. Or Cet événement a été systématiquement nié. Cela redouble l'immense traumatisme.
- Pour les Palestiniens, la frustration la plus profonde a été de voir le comportement criminel si radicalement nié et la souffrance palestinienne si totalement ignorée. Et ce alors que les auteurs de nettoyage ethnique sont normalement traduits devant des tribunaux spéciaux.
- Poursuivant notamment le travail de l'historien palestinien Walid Khalidi et son ouvrage All That Remains, véritable almanach des villages détruits, Ilan Pappé explore le mécanisme du nettoyage ethnique de 1948 ET "le système cognitif qui a permis au monde d’oublier".
Couverture du livre de Walid Khalidi : All That Remain. The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israel in 1948. Avec la photographie d'un village détruit - Selon Pappé, quand il a créé son État-nation le mouvement sioniste n’a pas fait une guerre dont la conséquence "tragique mais inévitable" a été l’expulsion. C’est le contraire: l’objectif était le nettoyage ethnique de la Palestine que le mouvement convoitait pour son nouvel État
- Quelques semaines après le début de ce nettoyage, les États arabes voisins ont envoyé une petite armée pour essayer, en vain, de l’empêcher. La guerre avec les armées régulières arabes n’a pas interrompu les opérations de nettoyage ethnique, achevées à l’automne 1948.
- "J’accuse mais j’appartiens aussi à la société qui est condamnée dans ce livre. Je me sens à la fois responsable et élément de cette histoire. Ce douloureux voyage dans le passé est le seul chemin pour avancer vers un avenir meilleur pour nous tous, Palestiniens et Israéliens."
- Pappé rappelle quel groupe précis a forgé le plan, donné les ordres: les "héros de la guerre d’Indépendance d’Israël". À commencer par le chef incontestable du mouvement sioniste David Ben Gourion: c’est à son domicile qu’ont été finalisés tous les chapitres du nettoyage ethnique
- Ce groupe ayant préparé le nettoyage ethnique et supervisé son exécution comprenait les plus hauts gradés, "comme les légendaires Yigaël Yadin et Moshe Dayan". Aidés par des commandants régionaux: Yitzhak Rabin a opéré à Lydda, à Ramla et dans la région du grand Jérusalem.
- Il y eut aussi les officiers du renseignement. Dans les souvenirs des survivants palestiniens ce sont eux qui, après l’occupation d’un village ou d’un quartier, décidaient du sort de ses habitants, et faisaient la différence entre la prison et la liberté, entre la vie et la mort.
- En 1917 le penseur "libéral" du sionisme Leo Motzkin évoquait "la colonisation de la Palestine": "installation des Juifs en Eretz Israël, réinstallation des Arabes en dehors. Le transfert de tant d’Arabes peut paraître à 1ère vue économiquement inacceptable. Mais c’est faisable."
- Jusqu’à l’occupation britannique de la Palestine à partir de 1918, le sionisme a été un mélange d’idéologie nationaliste et de pratique colonialiste. Son rayon d’action était limité : à cette époque, les sionistes ne représentaient pas plus de 5% de la population totale du pays.
- Après la Déclaration Balfour (1917), les Britanniques ont entrepris de diviser la Palestine en deux entités. En 1936, la révolte palestinienne contre ce plan fut implacablement réprimée par l'armée britannique: beaucoup de villageois furent arrêtés, blessés ou tués.
- Parmi les grandes figures du sionisme, Y. Weitz écrivait en 1940: "C’est notre droit de transférer les Arabes". "Les Arabes devront s’en aller" écrivait Ben Gourion. Le fondateur de l’État d’Israël a aussi été selon Pappé "la tête pensante du nettoyage ethnique de la Palestine".
- Après la guerre et avec la prise de conscience du génocide des juifs d'Europe perpétré par les nazis et leurs complices, la Grande-Bretagne décida en février 1947 de se retirer de Palestine où beaucoup de Juifs persécutés s'étaient réfugiés. Elle transféra la question à l’ONU.
- En 1947, les Palestiniens autochtones représentaient les deux tiers de la population (ils étaient 90% 30 ans plus tôt). L'autre tiers était composé des nouveaux venus juifs: colons sionistes et réfugiés venus d’une Europe en proie à la guerre et aux persécutions antisémites.
- Une ONU inexpérimentée, qui n’avait que 2 ans, confia le destin du pays à une commission spéciale, l’UNSCOP. Aucun de ses membres ne connaissait grand-chose à l’histoire de la Palestine. Elle proposa sa partition. Les Palestiniens, qui souhaitaient un État commun, s'y opposaient.
- L'UNSCOP a décrété que 56% du territoire reviendrait au nouvel État juif. Depuis, "rétablir la paix en Palestine" a toujours signifié appliquer une stratégie discutée entre les États-Unis et Israël, sans consulter les Palestiniens et encore moins tenir compte de leurs intérêts.
- L’injustice était aussi flagrante à l’époque qu’aujourd’hui. Pourtant, elle a été à peine commentée par les grands journaux occidentaux. Les Juifs, qui possédaient moins de 6% de l’ensemble de la superficie foncière de la Palestine, recevaient plus de la moitié du territoire.
- La résolution de l'ONU intégrait à l’État juif 400 villages palestiniens & les terres les plus fertiles. Selon W. Khalidi c'était à la hâte "donner la moitié de la Palestine à un mouvement idéologique qui dès les années 1930 déclarait ouvertement vouloir désarabiser la Palestine"
- Cette résolution arbitraire et brutale de partition a été rejetée par le monde arabe et par la direction palestinienne, qui avaient suggéré de maintenir la Palestine en tant qu’État unitaire et entendaient aboutir à une solution par un processus de négociation bien plus prolongé.
- Dès février 1948, l’administration américaine conclut que la résolution de partition de l’ONU, loin d’être un plan de paix, alimentait l’effusion de sang. Elle proposa un projet de désescalade. Il fut rejeté par la direction sioniste qui annonça le plan Daleth d'expulsion forcée.
- La direction sioniste était très sûre de sa supériorité militaire et de sa capacité à opérer cette expulsion forcée. En décembre 1947, Ben Gourion affirmait dans une lettre: "Nous pouvons affamer les Arabes d’Haïfa et de Jaffa [si nous le souhaitons]."
- En décembre 1947, les unités de la milice Haganah commencèrent à mener des incursions dans les villages. Toute résistance se terminait en général très mal: les soldats tiraient et tuaient des villageois. Comme à Deir Ayoub où les soldats tirèrent au hasard sur les maisons.
- Ou à Khisas, village où quelques centaines de musulmans et une centaine de chrétiens vivaient paisiblement: les troupes sionistes firent sauter au hasard des maisons en pleine nuit, alors que leurs occupants dormaient encore. Quinze villageois, dont cinq enfants, furent tués.
- La tuerie de Khisas choqua le correspondant du New York Times. Il alla demander des explications à la Haganah. Elle commença par nier l’opération puis finit par la reconnaître. Quelques mois plus tard, Ben Gourion allait l'inclure dans la liste des "opérations réussies".
- À Haïfa, 75000 Palestiniens subirent une campagne de terreur. Les combattants de l'Irgoun et de la Haganah faisaient dévaler des barils bourrés d’explosifs et d’énormes boules d’acier dans les quartiers arabes, versaient un mélange d’huile et de fioul et mettaient le feu.
- À Haïfa, quand les habitants palestiniens sortaient de leurs maisons pour tenter d’éteindre ces rivières de flammes, ils étaient fauchés à la mitrailleuse. Ces tueries exacerbèrent les tensions dans l’un des principaux lieux où Juifs et Arabes travaillaient côte à côte.
- Pappé avait d'ailleurs retracé dans cet autre livre l'histoire de grèves communes aux ouvriers juifs et arabes à Haïfa dans les années 1930 notamment. Ces solidarités ouvrières furent brisées. Il y eut des représailles (la mort de 39 ouvriers juifs) et des contre-représailles.
Couverture de l'ouvrage d'Ilan Pappé, Une terre pour deux peuples. Histoire de la Palestine moderne - Le 31 décembre 1947 la Haganah décida de mettre à sac tout un village en massacrant un grand nombre de ses habitants. Ce fut Balad al-Cheikh, où reposait le cheikh Ezzedine al-Kassem, l’un des plus respectés des dirigeants palestiniens. Il y eut plus de 60 morts, dont des femmes.
- Le commandant local avait reçu l’ordre d’encercler le village et de tuer le plus d’hommes possible. À ce moment [décembre 1947], la Haganah parlait encore d'épargner les femmes et les enfants (même si des femmes furent tuées à Balad al-Cheikh). Plus tard elle en décida autrement.
- Ces opérations furent accompagnées d’actes de terrorisme de l’Irgoun & du groupe Stern. Notamment une bombe au siège du comité palestinien de Jaffa (l'immeuble s'écroula: 36 morts), l'attentat contre l’hôtel Sémiramis à Jérusalem qui fit de nombreux morts dont le consul d’Espagne
- C’est ce décès qui semble avoir incité Sir Alan Cunningham, le dernier haut-commissaire britannique, à adresser une faible plainte à Ben Gourion, lequel refusa de condamner l’action, en privé comme en public. À Haïfa, ces attentats étaient devenus quotidiens.
- À Lifta, village où vivaient musulmans et chrétiens et où une école de filles venait d'ouvrir, financée par l'association de plusieurs villages des environs, la Haganah tira à la mitrailleuse dans un café et le groupe Stern tira au hasard dans un bus. C'était le 28 décembre 1947.
- Créer des faits accomplis devint l’une des composantes de la stratégie globale. En janvier, la Haganh ordonna une autre expédition contre le même village pour achever l’expulsion. Elle fit sauter la plupart des maisons et chassa tous ceux qui se trouvaient encore sur place.
- En janvier 1948, une première unité de l'Armée de libération arabe entra en Palestine, avec un positionnement essentiellement défensif (mise en place de lignes fortifiées pour protéger la population, en coopération avec les comités palestiniens locaux et nationaux).
- Toutefois des soldats de l'Armée de libération arabe attaquèrent deux colonies juives, Kfar Sold et Kfar Etzion. 35 soldats juifs tombèrent dans une embuscade et furent tués. "35" fut le nom des opérations militaires sionistes qui suivirent, comme s'il s'agissait de représailles.
- Mais d'après Michel Bar-Zohar, ces opérations au nom de code "35" avaient déjà été prévues lors des réunions de 1947 chez Ben Gourion: ce n'étaient pas des représailles, bien qu'on les ait fait ensuite passer pour telles. La mort des 35 soldats fut un "prétexte" selon Pappé.
Couverture de l'ouvrage de Michel Bar-Zohar, Ben Gourion le prophète armé, traduit et édité chez Fayard.
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