Laids, inutiles, ruineux, toxiques pour l'environnement, les oreilles, les neurones et la dignité humaine, les produits dits "high-tech" sont de plus en plus souvent critiqués. D'où le louable projet de les remplacer par les mêmes en durables, sobres, inoffensifs… Le "low-tech" est-il une alternative plausible aux déviances de la vie moderne ?
Publié début mai, le rapport du « Giec de la diversité » (IPBES) a fait grand bruit*. De belles âmes ont poussé un cri de détresse : environ 1 million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction, beaucoup d'autres pourraient à leur tour disparaître à plus ou moins long terme. Bon élève écologique, d'autant plus réceptif aux injonctions à la sobriété qu'il est soucieux de sa santé et de son tour de taille, le bobo des villes a déjà commencé à consommer plus local et plus bio, manger moins de viande et rouler à trottinette. Mais la cohérence n'est pas son fort. Sa consommation de produits high-tech a, en parallèle, explosé, trahissant son engouement infantile pour des jouets toujours plus connectés, énergivores, polluants et peu recyclables.
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Le chef deux-étoiles propose des solutions actuelles pour améliorer la gastronomie de demain. Interview.
... pose avant tout la question de l’eau ... la première problématique est l’élevage intensif ... règle de conduite simple : consommer 80% de produits d’origine végétale et seulement 20% de protéines animales ... il faut vraiment réduire les intrants chimiques qui appauvrissent nettement les sols. Par exemple, la terre de la Beauce est passée de 2 tonnes de lombrics par hectare en 1955, à moins de 200 kg aujourd’hui ! Avec des sols vivants, la production est vivante ; alors qu’avec trop de la chimie lourde, les risques à long terme pour la santé augmentent.
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Le développement durable ne peut pas reposer sur une logique de prix. Il faut arrêter de voir la théorie du low cost comme une logique sociale : cela n’a jamais profité aux pauvres, mais uniquement à quelques riches.
On est tous acteurs de la consommation mondiale, et cette échelle de valeurs nous aiderait à mieux comprendre ce que nous consommons. Par exemple, une baguette de pain à 80 centimes n’a pas de sens : cela ne protège pas la santé du client, cela ne protège pas la filière agricole, et cela ne protège pas la filière artisanale. Mieux vaut consentir une baguette à 1,20 euro pour préserver tout le monde.
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Le prix n’est pas l’important en gastronomie, c’est plutôt l’impact social et environnemental. Il est essentiel pour protéger les producteurs, l’environnement et la santé. En ce sens, il y a beaucoup de choses à changer. Par exemple, il faut arrêter la déforestation en Amazonie juste pour produire plus d’avocats moins chers.
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La gastronomie a toujours d’abord été un plaisir alliant le bon goût et les bienfaits pour la santé. ... on va très certainement vers plus de flexitariens, qui sont déjà dans cette prise de conscience environnementale et sociétale. ... on va vers la fin de grandes chaînes de fast food comme KFC, basées sur une surexploitation de bétail, particulièrement polluante, avec des produits de piètre qualité. ... réinventer les circuits pour une économie courte, avec de moins en moins de distance entre la production et la consommation.
Le réchauffement est non négociable et va faire évoluer la production. Déjà là, j’ai pu acheter des fraises jusqu’à la mi-octobre et, la semaine dernière, des tomates de Marmande. Le climat bouscule nos modèles. ... à terme, on pourra développer une véritable production, capable de nourrir tout un immeuble.
Et en plus, cela a une vertu pédagogique énorme pour redonner le cycle des saisons aux consommateurs. ... les jeunes ... l’enjeu n’est pas de gauche ou de droite, mais bien de comment vivre sur cette planète. ... on ira de plus en plus dans des food halls, qui peuvent être portés par des marques de qualité comme Eataly. En parallèle, les formules de snacking et de livraison vont continuer à se développer. ... qu’à des agriculteurs bio dans un rayon de 250 kilomètres
Interview de Thierry Marx, chef multi-étoilé et directeur de la restauration du Mandarin Oriental, réalisée en novembre 2018 par Boris Manenti
Ndlr : TM n'a-t-il pas une vision élitiste de l'alimentation ? Aucune allusion au pouvoir d'achat, n'élude-t-il pas la lutte des classes ?