ENVIRONNEMENT
Les huîtres contaminées, reflet de l'inaction climatique
Une gastro pour le Nouvel An ? Pointez du doigt l'absence d'adaptation à la crise climatique. Les pluies intenses de cet automne ont fait déborder les égouts et ont diffusé le norovirus jusqu'aux bassins d'élevage des huîtres. L'insuffisance des infrastructures est pointée du doigt alors que ces épisodes deviennent plus fréquents.
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norovirus, virus responsable d’épidémies de gastro-entérites. Le bassin d'Arcachon ... certaines zones du Calvados, de la Manche, de la Vendée et de la baie du Mont Saint-Michel, dernier lieu en date.
Dans ces lieux, le réseau d'assainissement ne suffit plus. Le tout-à-l’égout, saturé par les pluies diluviennes de l'automne, a débordé à de nombreux endroits. Or l'eau sale, qui transporte virus et bactéries, a ruisselé jusqu’aux bassins d’élevage et contaminé les coquillages. Les huîtres, qui peuvent filtrer 10 litres d’eau par heure, sont des vrais réservoirs à maladies et sont devenues impropres à la consommation.
Les pluies intenses seront plus fréquentes
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Le cumul de pluie a été une fois et demie à trois fois plus élevé que la moyenne dans une grande partie de l’hexagone.
L’Association de défense des eaux du bassin d’Arcachon (ADEBA) a porté plainte contre le Syndicat intercommunal chargé de l’assainissement (SIBA) pour plusieurs manquements ... déjà été détectée en 2021
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La préfecture de Bretagne ... a suspendu en 2022 les permis de construire dans plusieurs villes à cause de réseaux de traitement des eaux usées insuffisants ... nos biens communs que sont les rivières, les estuaires et les eaux littorales
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Pour les ostréiculteurs, le risque de contamination des huîtres s’ajoute à d’autres impacts de la crise climatique. Le virus OsHV-1 tue de plus en plus de coquillages en France, poussé par la hausse des températures de l’eau l’hiver et l’automne. Le vibrio, une bactérie mangeuse de chair, pourrait aussi toucher l'ostréiculture française. L'acidification des océans, autre conséquence du changement climatique, affaiblit aussi les huîtres. Difficile de s'adapter à cette avalanche de risques. Alors que les ostréiculteurs modifient déjà leurs calendriers ou envisagent des déménagements, il est urgent d'aller plus loin et donner un coup de neuf aux réseaux d’assainissement.
Les ostréiculteurs de l’étang de Thau ont du mal à faire le lien entre changement climatique et pollution de leur zone de travail.
D’un côté la Méditerranée, de l’autre l’étang de Thau. Au milieu, le lido reliant Sète et Marseillan, frontière naturelle entre l’eau douce et l’eau salée. Ce cordon sableux aménagé de douze kilomètres invite à s’engouffrer dans les interstices routiers pour découvrir les mas conchylicoles disséminés autour de la lagune vedette de l’Hérault. En ce mois de novembre, l’air marin souffle, les oiseaux migrateurs survolent les vignes roussies par la chaleur de l’été, particulièrement ardente. Pendant huit jours consécutifs, la température de l’eau du bassin de Thau a stagné à 29,5 °C, provoquant un épisode sévère de malaïgue, « mauvaises eaux » en occitan. Un été meurtrier pour les coquillages de Thau : 2 700 tonnes d’huîtres détruites (un tiers de la production annuelle) et 1 200 tonnes de moules (100 % de l’élevage). Aujourd’hui, 15 % de la production française d’huîtres provient de l’étang de Thau.
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La plupart des médias ont titré sur l’impact dévastateur du réchauffement climatique, mais la réalité est plus complexe que cela, à l’image de cet écosystème lagunaire aussi riche que fragile. Car la malaïgue est d’abord « une réaction chimique naturelle », s’empresse de rappeler chaque scientifique ou ostréiculteur interrogé. « Plus la température augmente, plus le métabolisme des animaux au sang froid comme les huîtres s’accélère soutenant leur croissance et induisant leur reproduction. Les huîtres consomment donc plus d’oxygène. Mais en parallèle, la lagune stocke moins ce précieux oxygène à cause de la chaleur qui diminue la solubilité des gaz dans l’eau. En l’absence de vent, cela peut provoquer un dysfonctionnement grave de lagune provoquant une anoxie (absence d’oxygène dans l’eau). Et dans ce cas le réacteur de vie s’emballe », explique Franck Lagarde, chercheur à la station sétoise de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).
Ces « mauvaises eaux », Annie Castaldo les a affrontées plusieurs fois. À quatre ans de la retraite, cette ostréicultrice est la troisième génération à élever des huîtres issues du milieu naturel dans le mas familial de Marseillan. Cet été, elle et ses proches ont « évité la catastrophe », mais ont tout de même perdu près de la moitié de leur parc. Pour elle, pourtant, « ce n’est pas symptomatique du réchauffement climatique », même si la malaïgue n’était plus apparue depuis douze ans et si elle ne peut nier la hausse de la température de l’eau. « Quand j’ai plongé en Méditerranée en octobre, l’eau était encore à 21 °C à 20 mètres ! Si elle continue de se réchauffer, les algues vont mourir, les herbiers aussi, alors que ce sont les poumons de l’étang. Mais il faut attendre de voir si le scénario se répète l’été prochain », tempère Annie, sans cesser de séparer les huîtres qui défilent sur le tapis roulant après avoir fait un tour dans la laveuse. En face d’elle, sa mère, âgée de 83 ans, acquiesce tout en remplissant les pochons d’huîtres.
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Clés : Écologie Réchauffement climatique