Mégabassines, la guerre de l’eau Enquête - 142 commentaires
Mediapart a enquêté sur les douze agriculteurs directement raccordés à la mégabassine de Sainte-Soline. Ces exploitants, qui possèdent de grandes surfaces, veulent coûte que coûte maintenir leurs rendements, en répondant aux exigences de l’agro-industrie.
Vue aérienne de la mégabassine en cours de construction à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 11 avril 2023. © Photo Damien Meyer / AFP
« Nous faisons face à une opacité totale quant au projet », se désole Julien Le Guet, figure de la contestation antibassine. Membre du comité scientifique qui accompagne le suivi du protocole scellant la création de la retenue de Sainte-Soline, le chercheur Vincent Bretagnolle confirme : « Concernant les exploitants connectés à cette bassine, un diagnostic a été réalisé, mais il n’a pas été communiqué au comité scientifique. Nous ne savons pas ce que cultivent aujourd’hui ces irrigants. Seule la Coop de l’eau 79 a ces données… »
...
Des exploitations sous perfusion d’argent public
...
les douze agriculteurs connectés à la mégabassine ont une exploitation qui mesure en moyenne 147 hectares. Des tailles d’exploitation plus grandes que la moyenne française, estimée à 69 hectares, et à la moyenne du département, qui est de 89 hectares.
...
Sept des douze agriculteurs investis dans la mégabassine de Sainte-Soline sont des céréaliers. Les cinq autres sont éleveurs bovins, caprins ou ovins.
... Aucune en agriculture biologique ... l’objectif de réduction de 50 % des pesticides ne sera pas tenu ... Seuls quatre agriculteurs sur douze, à l’instar de Jany Bordevaire, éleveur de vaches à viande, se sont exprimés dans les médias ... le bénéficiaire du projet Emmanuel Villeneuve
...
Aucune mention n’est faite durant ces interventions médiatiques que Jany Bordevaire est le deuxième adjoint au maire de Sainte-Soline. Ou qu’Emmanuel Villeneuve est élu à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, mais aussi administrateur à la fois d’Océalia, un géant agro-industriel de l’ouest de la France qui a en 2022 engrangé plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, et d’une de ses filiales, Alicoop, importante coopérative de nutrition animale.
De l’eau pour maintenir les rendements
...
irriguer une surface totale de 847 hectares – l’équivalent de 1 186 terrains de football.
En croisant les futurs points de livraison d’eau connectés à la mégabassine et des bases de données géographiques agricoles de 2020 et 2021, Mediapart a estimé, sur les parcelles dotées prochainement d’une pompe à eau, qu’environ 30 % d’entre elles comportaient du maïs et que deux tiers des parcelles étaient occupées par du blé tendre d’hiver, en rotation avec d’autres cultures notamment du pois et de l’orge – sachant que de ces points de livraison d’eau pourront être tirés des tuyaux pour irriguer d’autres parcelles.
...
Porte-parole de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres, l’éleveur Benoît Jaumet explique pourquoi ce blé tendre pourrait être irrigué à Saint-Soline. Il précise que l’agro-industrie impose pour ce type de blé une haute teneur en protéines pour être vendu au meilleur prix sur les marchés français et internationaux ... épandent du nitrate ... le blé peut mourir d’overdose d’engrais ... l’eau stockée par la mégabassine de Sainte-Soline servira à répondre aux exigences du marché.
La rentabilité comme boussole
... ils nourrissent avant tout leur portefeuille ...
Connu / TG le 12/04/23 à 19:27
Agriculteur au Pays Basque, Félix Noblia expérimente une agriculture ambitieuse, celle de la conservation des sols en bio, depuis deux ans. Discussion avec ce paysan-chercheur sur cette révolution en cours.
...
malgré l’apport d’engrais minéraux, certaines plantes ne poussaient plus sur mes parcelles. Je me suis alors progressivement intéressé à mes sols au gré de rencontres et de discussions avec des collègues agriculteurs, comme Frédéric Thomas, ou des chercheurs comme Lucien Séguy. J’ai alors compris l’importance de restaurer la vie biologique des sols pour construire des systèmes agronomiques durablement productifs.
... abandonner le labour notamment parce que j’avais des terrains très en pente et donc fortement sensibles à l’érosion ... ne pas travailler le sol et réussir la gestion de ces « mauvaises herbes ». La réalité est qu’il y a encore eu très peu de recherche et d’expérimentations sur la conciliation entre l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation. Il est en effet très compliqué pour les agriculteurs d’assumer économiquement les risques associés à l’expérimentation de l’agriculture biologique de conservation des sols, qui est une technique incroyablement complexe
...
En agriculture de conservation bio, il faut que le sol soit au maximum occupé par des plantes que l’on a choisies, sinon ce seront d’autres, indésirables, qui prendront la place. On va par exemple compter sur le paillage, c’est-à-dire la couverture du sol par les résidus de plantes. Ce paillage va jouer un effet écran et empêcher la germination des graines de plantes indésirées présentes dans le sol. Autre technique : le « relay-cropping ». Cela consiste à insérer dans une culture, avant même sa récolte, celle qui lui succèdera. ... semer des cultures en association, par exemple un blé et un trèfle ... présence d’un élevage grâce auquel je suis sûr de valoriser économiquement ma récolte
...
le glyphosate rentre essentiellement dans notre alimentation non pas par les agriculteurs, qui, faut-il le rappeler, ne l’épandent jamais sur les cultures récoltées en France, mais par l’importation d’OGM. Ces OGM, venus notamment d’Amérique du Sud, vont ensuite nourrir une grande partie du bétail français ... utilisé avec parcimonie dans des systèmes d’agriculture de conservation des sols contribue à la construction d’un système d’avenir qui permettra de s’en passer un jour. Il est plus important de basculer la ferme France en agriculture de conservation des sols qu’en système « zéro-glypho » ... on pourrait multiplier son prix par dix et utiliser l’argent ainsi récolté pour la recherche et le développement d’alternatives.
... comment pourrait-on accompagner ... ?
lever les freins matériels et psychologiques ... aider massivement les exploitations à investir dans le matériel adapté ... travailler sur la sélection de plantes de couverture des sols qui sont capables de séquestrer de grandes quantités de carbone afin de les stocker durablement dans le sol et non dans l’atmosphère ... orienter davantage les élevages vers le pâturage ... inciter les consommateurs à manger moins de viande, mais de meilleure qualité à des prix plus élevés ... développer considérablement les réseaux de partages d’informations entre agriculteurs ...
Aller plus loin
- Frédéric Thomas : « Pour la première fois dans l’humanité, on peut produire de manière conséquente en régénérant les sols » https://grainesdemane.fr/frederic-thomas-pour-la-premiere-fois-dans-lhumanite-on-peut-produire-de-maniere-consequente-en-regenerant-les-sols/
- Sarah Singla : « Développons des sols fertiles en remplaçant le métal par le végétal » https://grainesdemane.fr/sarah-singla/
- « Agriculture du vivant » : il se passe quelque chose ! https://grainesdemane.fr/agriculture-du-vivant-il-se-passe-quelque-chose/
Auteur Mathieu Marguerie
Ingénieur agronome spécialisé en productions végétales, je m’intéresse à la diversité de l’agriculture sous toutes ses formes. Je travaille actuellement au développement de l’agriculture biologique.
Connu / https://twitter.com/cashinvestigati/status/1141086324960747520
"
CASH INVESTIGATION
Compte certifié @cashinvestigati 2 hil y a 2 heures
.#Cashinvestigation, La fondation pour la recherche sur la biodiversité, la @FRBiodiv a étudié la disparition de la diversité des variétés de blé au cours du XXème siècle
3 réponses 18 Retweets 29 j'aime
"