... remettre en chantier toutes les règles de fonctionnement de l’économie pour qu’elle devienne soutenable.
L’année 2019 a été marquée par une aggravation des effets tangibles du réchauffement climatique (canicules, inondations…), qui n’est sans doute pas pour rien dans l’accélération de la prise de conscience écologique. En France, l’un des signes les plus nets de l’évolution des esprits est la place prise par les thèmes écologiques et climatiques dans les médias. Le score des écologistes aux élections européennes est également significatif, même s’il n’est pas inédit, et l’on n’oubliera pas la Convention citoyenne pour le climat, dont on attend avec intérêt les suites concrètes. Au niveau européen également, les choses bougent : mille milliards d’euros sur dix ans annoncés par la Commission pour financer la « transition juste », déclarations de Christine Lagarde sur la nécessité d’intégrer le sujet climat dans la stratégie de la Banque centrale européenne, vote du Parlement sur l’« urgence climatique ». Et l’on pourrait aussi parler du rapport alarmiste publié en ouverture du forum de Davos, du phénomène de Greta Thunberg et de la mobilisation des jeunes (y compris l’émergence d’une nouvelle génération de militants avec le groupe Extinction Rebellion), etc. Reste que ces signaux insistants n’ont pas l’air d’ébranler Trump, ni Bolsonaro, sans parler du Premier ministre australien Scott Morrison, pourtant confronté au désastre que l’on sait.
... dynamique endogène de l’économie de marché ... bâtir un cadre social pour l’action rationnelle qui intègre pleinement la finitude du monde et des ressources exploitables, les phénomènes irréversibles et la dépendance de l’être humain à la nature.
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très en deçà de ce que demande ici Gaël Giraud, pour qui le besoin urgent de financer un plan massif d’investissements verts exige une mobilisation du secteur bancaire.
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contester l’impératif productiviste, c’est s’obliger à remettre en chantier l’ensemble des règles de fonctionnement de l’économie, à commencer par le fondement et le rôle de la monnaie. Dans cette perspective, Dominique Dron et ses coauteurs tracent la voie d’une resocialisation des institutions monétaires. Pour eux, « la transition écologique exige bien plus que des investissements décarbonés », d’où la nécessité d’explorer des scénarios plus disruptifs pour mettre la monnaie au service d’une économie centrée sur les besoins et la gestion des communs environnementaux.
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Le cas des mathématiques financières illustre le dévoiement d’une discipline enfermée dans un cadre épistémologique autoréférentiel, qui ignore l’encastrement social et environnemental de l’économie monétaire. J’essaie dans mon propre texte d’identifier les présupposés et les biais méthodologiques qui rendent la théorie économique peu utile pour penser le monde qui vient. L’entretien avec Robert Boyer complète cette réflexion, par une analyse de l’intérieur des dérives de l’économie académique. Pour lui, la « perte de qualité de l’offre politique » n’est pas sans rapport avec la balkanisation des savoirs et l’excès de confiance des décideurs dans une discipline supposée scientifique qui a renoncé à s’interroger sur ses propres limites.
Bernard Perret
est haut fonctionnaire ; il a longtemps travaillé pour l'INSEE, pour ensuite se tourner vers les questions écologiques et de développement durable au sein de différentes instances (dont le Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie). Il est l'auteur de nombreux essais sur les politiques publiques, les liens entre économie et société, le développement durable (…