Pour la deuxième fois en un an, le gouvernement a recours à d’intenses restrictions de libertés pour juguler l’épidémie de Covid 19. Depuis le mois de mars, nous sommes passé d’un état d’urgence sanitaire à un régime transitoire sans retour à la normalité démocratique puis de nouveau en état d’urgence. L’accoutumance de notre société aux états d’exception permanents semble progresser à l’ombre de justifications évidentes : le terrorisme et la menace sanitaire. Ni l’un ni l’autre ne sont pourtant des fatalités qu’on ne pourrait maîtriser d’une autre façon plus rationnelle et démocratique.
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La France insoumise avait proposé une stratégie de déconfinement planifiée basée sur l’investissement dans la santé publique, la gratuité des protections et la planification de la production de médicaments et de matériel sanitaire.
Toutes ces propositions étaient disponibles dans 11 propositions de loi et un plan de déconfinement publié le 27 avril 2020. Mais Emmanuel Macron et son gouvernement ont fait le choix délibéré de traiter la situation sanitaire sous l’angle unique de la réduction des libertés. Une telle inclinaison vient de loin. Elle est en œuvre constante depuis 3 ans. C’est la plus forte période de réduction des libertés depuis…bien longtemps. Elle n’est pourtant pas non plus imputable à la seule personne du président Macron qui en est, il est vrai, un adepte enthousiaste. C’est en fait le coeur du libéralisme économique qui se laisse voir, politique fondamentalement limitée à la seule valorisation de la circulation des marchandises et de l’argent. Les êtres humains, comme les cochons, les vaches et les poules ne valent à ses yeux qu’en batteries exclusivement occupés à produire et consommer. C’est la société humaine qui est mise en cause par ses propres créations. Du coup, quelques refrains doivent être mis en cause.
Jean-Luc Mélenchon
SOMMAIRE
INTRODUCTION : LIBÉRAL AUTORITAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
I. LE PARLEMENT ÉCRASÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
A) Le Parlement sous état d’urgence sanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
B) Le coup de tonnerre du Conseil constitutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
II. HUIT LOIS LIBERTICIDES EN TROIS ANS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
A/ 30 OCTOBRE 2017
Loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. . . . . . . . . . . . . . 16
B/ 30 JUILLET 2018
Loi relative à la protection du secret des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
C/ 10 SEPTEMBRE 2018
Loi asile et immigration. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
D/ 22 DÉCEMBRE 2018.
Lois ordinaire et organique relatives à la manipulation de l’information. . . 20
E/ 23 MARS 2019
Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice . . . . . . . . . . . 21
F/ 10 AVRIL 2019
Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public
lors des manifestations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
G/ 24 JUIN 2020
Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. . . . . . . . . . . . . . 23
H/ 10 AOÛT 2020
Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs
d’infractions terroristes à l’issue de leur peine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
III. TOUS ET TOUT EN FICHES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
A/ La plateforme des données de santé (le Health Data Hub) . . . . . . . . . . . . . . . . 26
B/ Fichier de la gendarmerie GendNotes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
C/ Surveillance des réseaux sociaux par l’administration. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
D/ L‘application StopCovid. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
IV. RÉDUCTION DES LIBERTÉS EN PÉRIODE D’ÉPIDÉMIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
A/ Confinement et nouveau délit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
B/ Des contrôles discriminants, voire violents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
C/ Des ordonnances scélérates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
D/ Que se passe-t-il au Conseil d’État ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
E/ Le conseil de défense . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
F/ Le risque de la pérennisation des dispositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
V. LA POLICE À LA DÉRIVE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
A/ La nouvelle doctrine de maintien de l’ordre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
B/ L’usage des armes mutilantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
C/ L’impunité policière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
D/ L’autonomisation factieuse d’une partie de la police . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
E/ La judiciarisation de la répression. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
ÉPILOGUE :
L’EFFONDREMENT DE L’AUTORITÉ RÉPUBLICAINE DE L’ÉTAT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
« Il se trouva même des enragés pour rêver à un virus vengeur qui bloquerait tout, réussissant là où ils ont toujours échoué... »
Quelles seront les conséquences à moyen et long terme de cette « crise » du Coronavirus sur nos vies ? Personne ne le sait pour l’instant. Pourtant deux grandes tendances semblent se dessiner, l’une que l’on pourrait qualifier d’« optimiste » est convaincue (ou s’auto-convainc) que plus rien ne pourra être comme avant et qu’une reconfiguration de l’organisation sociale est inévitable. L’autre plus « pessimiste », perçoit tous les signes d’une mise au pas sans précédent et d’une recomposition brutale du capital. Ce dont nous sommes convaincus, pour notre part, c’est que la situation est extrêmement ouverte, qu’il n’y aura pas de retour à la normale mais une lutte entre deux états d’exception : celui du gouvernement et de l’économie d’un côté, celui de la plèbe et du commun de l’autre. Ce texte que nous avons reçu nous a néanmoins beaucoup plu, comme son auteur nous l’indique « dans mon esprit, la forme-de-vie-vaincue est celle qui pourra reprendre le combat d’aussi bas qu’elle se trouve, Si souvent dans l’histoire des mondes les humbles furent vaincus sans que jamais pourtant le pouvoir parvienne à dormir en paix. ».
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Petit détail sémantique à l’adresse d’aucun, être vaincu ne suppose pas que l’on aurait pu faire mieux, c’est même un peu le contraire…
Pascal Mathis, un vieil homme dont la forme-de-vie se réduisait à travailler, aller voir la mer, traîner dans les musées de sa région, ballade en voiture et prendre un verre… et aussi à rêver un peu aux fabuleuses formes-de-vie dont il entendait la geste portée par l’air du temps, un vieil homme qui n’accepte pas la vie-nue et lui préfère encore la forme-de-vie-vaincue.
Positions
Connu / https://my.framasoft.org/u/ind1ju/?n00QZg
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P26 "Ceux qui parlent d’écologie sans aborder frontalement la question de la vie quotidienne sous tous ses aspects, ceux qui n’ont à la bouche que les mots « compensation », « bilan carbone », « développement durable », « green tech », « transition », « empreinte écologique », ceux-là parlent une langue morte, celle de la comptabilité du désastre.
Pour esquisser les fondements d’une écologie communale et révolutionnaire, ancrée dans la vie quotidienne, peut être faudrait-il repartir de la notion d’écosophie de Félix Guattari. Pour lui, la question écologique se situe à la lisière de trois registres : « celui de l’environnement, celui des rapports sociaux, et celui de la subjectivité humaine ». Dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes s’expérimentent des formes de vie commune à même de tenir inséparés ces trois registres de l’écologie, comme en témoigne notre relation à la forêt."
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un bien commun dont les habitants jouissent simultanément, apprenant laborieusement à concilier, à superposer et à ménager leurs multiples usages, apprenant aussi à prendre soin du bocage comme s’ils prenaient soin d’eux mêmes, à réparer le monde pour les prochaines générations d’habitants. Cette expérience
vécue est à rapprocher de la définition du communisme que donnait Karl Marx dans « l’idéologie allemande » comme le dépassement « de l’antagonisme entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’homme. »
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p30 ... seule une forme de propriété collective peut garantir une dimension intergénérationnelle qui dépasse l’espérance de vie des usagers actuels. Tant que nous n’aurons pas renversé la propriété privée de la terre et des moyens de productions pour y substituer une propriété d’usage ... C’est dans cette tentative d’invention coutumière, plus que les stratégies de détournement d’outils juridiques existants (bail de fermage, fonds de dotation) que réside tout l’intérêt de ce qui se vit dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes ... Pour que l’absence de l’État ne reconduise ni le règne libéral du chacun fait ce qu’il veut, ni la loi du plus fort, ni la guerre de tous contre tous, encore faut-il constituer les germes d’une autonomie communale ... L’État se pose comme le garant de l’absence de guerre civile tout en s’adonnant bel et bien à des formes plus ou moins euphémisées de guerre civile contre sa population. La dimension la plus explicitement visible de ce double-jeu est la militarisation du maintien de l’ordre. Aurait-on seulement imaginé il y quelques années, qu’un tank puisse faire face à des manifestants sur lesquels il est devenu banal de tirer avec des armes de guerre ?
Jusqu’où nous mènera l’extension illimitée de l’état d’exception dans les démocraties occidentales ? ... Renverser le pouvoir en place est absolument nécessaire mais notoirement insuffisant. Pour que la destitution signifie plus qu’un simple renversement du régime, voire même pour qu’un tel renversement soit possible, encore faut-il constituer, ou plutôt faire consister autre chose localement.
La ZAD nous a confronté de plein fouet à l’extrême difficulté de retisser de la communauté politique, de réinventer des us et coutumes, de substituer à la loi républicaine des règles communes élaborées par et pour une communauté d’habitants suffisamment soudée, solide et puissante pour les faire appliquer.
Pendant cinq années entre 2013 et 2018, l’apparente absence du pouvoir institué nous a cruellement mis face à tout ce qu’il reste en nous de pouvoir incorporé : libéralisme existentiel, individualisme, recroquevillement dans les identités et les idéologies, incapacité à faire communauté sans tradition. ... Ou pour le dire plus subtilement : d’une communauté d’abord fondée sur un refus (même si elle portait en elle une positivité), à une communauté avant tout soudée autour d’une affirmation, d’un devenir ... L’une de nos erreurs, c’est d’avoir laissé dire que la diversité de la communauté négative était une force en soi et pour soi. C’est aussi d’avoir eu besoin du mythe de l’unité dans la diversité au point de faire passer les six points pour l’avenir de la ZAD comme la position du mouvement anti-aéroport. Or si toutes les composantes du mouvement ont validé le texte, c’est au forceps. En réalité, les six points incarnaient plutôt la position d’une frange active de chaque composante.
Trop longtemps, nous avons occulté les violents conflits qui ont toujours traversé le mouvement afin de donner à l’ennemi l’apparence d’une indéfectible unité. Nous nous sommes efforcés de ne rien laisser transparaître des batailles internes qui nous ont traversées entre 2013 et l’abandon du projet. Celles-ci venaient toucher des questions extrêmement sensibles : les conséquences pratiques de la vie sans police; l’accès aux champs et aux parcelles agricoles; l’usage des routes, chemins et sentiers; la cohabitation de rapports antagonistes à la nature et à l’agriculture; certains comportements individualistes et actes de malveillance envers nos voisins des bourgs alentours ou envers d’autres habitants de la ZAD, etc ... Ce que nous apprend l’expérience de la ZAD, c’est que si la communauté négative recèle une considérable puissance de destitution, construire une commune depuis une simple juxtaposition de différences, une addition d’identités antagonistes est en revanche impossible. La commune exige un liant bien plus consistant que la diversité tactique face à l’ennemi commun. ... En l’absence de tradition séculaire comme au Chiapas, c’est dans l’avènement de nouvelles formes contemporaines de créolisation que se situe l’assise culturelle des nouvelles communalités à venir. ... Ce que la créolisation recèle de magique et de sublime, c’est qu’elle relie ensemble des identités absolument hétérogènes. Elle leur offre un langage commun, sans pour autant les fondre et les confondre. ... une forme de créolisation politique qui reste à inventer.
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XI COMMUNISATION ? ... la communisation des terres ne peut être octroyée par l’État. La communisation est un processus. Elle ne se décrète pas. C’est une mise en partage en acte par et pour les habitants de chaque localité. La communisation se construit. ... Le temps que l’inconséquence libérale-libertaire ne fragmente absolument tous les liens. ... Que l’on se penche par contraste sur les communes rurales aragonaises de 1936, ou sur le mouvement révolutionnaire zapatiste, alors on découvrira des tentatives de communisation des terres. Un processus qui commence par une prise et répartition des terres à l’échelle de chaque localité, et qui ménage toujours de l’espace pour une multiplicité d’usages collectifs, individuels et familiaux. Le commun ne s’impose pas mais s’appose à des expériences et des solidarités qui se tissent au long cours. On pourrait même dire qu’il s’apprend. ... nous avons la naïveté de nous réjouir que le bocage de Notre-Dame-des-Landes abrite de telles expériences de communisation des terres plutôt que des parkings, une tour de contrôle et un duty-free. Là réside notre victoire. ... souligner comment la ZAD, du 22 Février 2014 aux émeutes de 2016 contre la loi travail en passant par celles pour Rémi Fraisse, a contribué à sa mesure au retour de l’offensivité dans les rues de Nantes. Elle a apporté une pierre à l’émergence du contexte politique agité que nous connaissons aujourd’hui, comme en témoignent les cabanes de palettes qui ont fleuri l’année dernière sur tous les ronds-points de France. ... situation insurrectionnelle » une situation dans laquelle il y a une vacance du pouvoir en un lieu et un temps donné ... Depuis le mouvement contre la loi travail jusqu’au surgissement des gilets jaunes, la combativité dans la rue est remontée d’un cran, renouant avec des formes de conflictualité dont tout laissait à croire qu’elles appartenaient à un passé historique révolu.
Mais si nous ne voulons pas que ces insurrections en puissance continuent de « s’étrangler au stade de l’émeute », si nous désirons qu’elles accouchent d’un moment révolutionnaire, il s’agit de commencer partout à préfigurer localement le monde que nous voulons voir advenir. Nul besoin d’attendre le renversement total de l’économie ou la destitution de l’État républicain pour s’auto-organiser dans et contre le monde capitaliste. ... Aucun village, aucune ville moyenne n’a été épargné par la fièvre jaune ... stratégie d’encerclement qui débute aux portes des hypercentres métropolitains. ... Si notre époque n’est pas pré-révolutionnaire, alors elle est sans avenir.
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Prendre de la hauteur, du recul. Sortir de la médiocrité sentencieuse du commentaire