Les renoncements de Bardella sur le programme social à l’approche des législatives, le procès des assistants parlementaires européens, un Rassemblement nationale qui joue la béquille du gouvernement. Et pourtant les sondages, comme les élections, sourient au Rassemblement national. D’où vient cette puissance d’attraction ? Plutôt que de chercher pourquoi ses propositions sont convaincantes, on attribue souvent ses succès à des circonstances extérieures (conjoncture économique, incompétence de ses rivaux, complicité d’autres acteurs politiques, le travail des faiseurs d’opinion). Les électeurs du RN seraient naïfs, ou manipulés, ou incapables de comprendre la véritable nature de ce parti. Aveuglés par leur colère, leur vote est souvent réduit à un vote de dépit, de protestatation ou d’exutoire.
Le dernier livre du philosophe Michel Feher, “Producteurs et parasites. L’imaginaire si désirable du Rassemblement national” fait au contraire l’hypothèse d’une adhésion franche. Il décrit comment l’idéologie du RN parvient à séduire ses sympathisants, et la nomme le “producérisme racialisé”.
Par Le Stagirite
Tr.: ... distinction entre productifs et improductifs ... distinction entre parasites d'en haut et parasites d'en bas (assistés) ... dimension ethnique ou culturelle ... on est dans le ressentiment ... épuration ... le RN, parti du juste milieu ... formulé en terme moraux ...
Le gendre idéal peut-il être noir ? Ou comment un trio de monstres sacrés (Sidney Poitier face à Katharine Hepburn et Spencer Tracy) parvint à faire applaudir le mariage mixte par toute l'Amérique blanche... ARTE rend hommage à Sidney Poitier, qui vient de nous quitter à l'âge de 94 ans.
John Prentice et Joana Drayton débarquent à San Francisco de l’avion de Hawaii, main dans la main. Ils viennent de se rencontrer, ils s’aiment et veulent se marier. Joana a décidé de présenter son fiancé à ses parents, un couple d’intellectuels progressistes dont elle est très proche. Brillantissime médecin de renommée internationale, John redoute leur réaction : le gendre idéal peut-il être noir ?
Comédie amère
Alors que la Columbia avait freiné des quatre fers pour tourner un scénario dangereusement sulfureux selon les critères hollywoodiens, cette “comédie de salon” fut un énorme succès. Au sein du public blanc, tout au moins, car les partisans du Black Power accusèrent Sidney Poitier, oscarisé quatre ans plus tôt pour Le lys des champs, d’avoir cautionné une image de Noir “acceptable”, voire d’oncle Tom, notant avec rage que son personnage devait afficher une liste de diplômes longue comme le bras pour pouvoir convoler avec une jeune Blanche. Plus de cinquante ans après, si le sexisme du film (les femmes ont-elles besoin de travailler ?) a pris un coup de vieux, le thème de la séparation entre les races reste, lui, d’une cruelle actualité. Même si le contexte a radicalement changé : des lois proscrivaient encore les mariages interraciaux dans certains États, qui ne furent abolies par la Cour suprême qu’au moment de la sortie du film. Tout en retenue, le grand Sidney Poitier, qui vient de disparaître, tient tête à l’un des plus beaux couples de l’histoire du cinéma, dont ce fut la dernière apparition à l’écran : gravement malade, Spencer Tracy mourut dix-sept jours après la fin du tournage.
Réalisation : Stanley Kramer Scénario : William Rose Production : Columbia Pictures
Producteur/-trice : Stanley Kramer Image : Sam Leavitt Montage : Robert C. Jones Musique : Frank De Vol
Avec : Spencer Tracy (Matt Drayton) Sidney Poitier (Dr. John Prentice) Katharine Hepburn (Christina Drayton) Katharine Houghton (Joey Drayton) Cecil Kellaway (Monsignor Ryan)
Beah Richards (Mrs. Prentice) Roy E. Glenn (Mr. Prentice) Isabel Sanford (Tillie) Virginia Christine (Hilary St. George)
Pays : Etats-Unis Année : 1967
Ndlr: ce film ne serait-il pas un modèle de médiation ? Dans ce cas, qui serait le médiateur ? la libération de la parole ? ACT
Mr - Mme - leurs père/mère - mère/père - Révérent blanc - Bonne noire
Préjugés, amour, qu'en dira-t-on ? Rôles sociaux Rationnalité/Affectivité-Sentiments Rigidité/Souplesse Passé/Présent/futur
Humeurs
Guylain Chevrier, docteur en histoire, formateur, enseignant, consultant et ancien membre de la mission laïcité du Haut conseil à l'intégration, revient sur les propos racistes dont a été victime Rokhaya Diallo et sur sa responsabilité concernant la racialisation du débat public.
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Madame Rokhaya Diallo est l’une des chefs de file d’un retour de la « race » dans le débat public, que l’on croyait rayé de l’histoire depuis la victoire sur le nazisme. Elle participe d’un courant qui entend rabattre sur la question des discriminations toute analyse, traitant comme des races les couleurs de la peau, la différence des sexes, l’orientation sexuelle, l’origine géographique, telle ou telle filiation culturelle… C’est le propre d’un discours indigéniste, racialiste ou décolonial, qui s’est imposé à la faveur de médias complaisants et mêmes d’institutions officielles, mettant en accusation la France comme raciste. On justifie cette accusation par le fait qu’être « blanc » serait être l’héritier d’une domination coloniale qui perdurerait dans les rapports sociaux par des privilèges, ayant pour pendant la discrimination des autres. Les blancs seraient ainsi consciemment ou inconsciemment des racistes. Certains opposent ainsi aujourd’hui à la « lutte des classes » ce qui serait le seul vrai combat, celui de la lutte des « races ».
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cette généralisation d’un « privilège blanc » n’a aucun fondement, à moins de tirer un trait sur l’existence de classes sociales qui reste la réalité structurante des inégalités dans les sociétés développées, dont la France. Rappelons ici que selon l’Observatoire des inégalités, à classe sociale égale les enfants d’immigrés et de non-immigrés réussissent aussi bien. Ceci indiquant combien ce sont les classes sociales qui demeurent le critère essentiel en matière d’inégalités.
On peut être discriminé pour sa condition sociale, son sexe, le fait d’être en surpoids, d’être handicapé, d’être âgé, d’être syndicaliste, et qu’on soit « blanc » ou pas, il n’y a là à attendre aucun privilège.
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En montant les uns contre les autres, on cherche à instaurer des fractures poussant au renoncement à l’égalité républicaine, pour justifier le passage au multiculturalisme et à la discrimination positive !
L’essentialisation du blanc, un renversement de l’antiracisme en son contraire
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La communauté scientifique s’accorde sur le fait qu’il n’y a qu’une race humaine, tous les êtres humains appartenant à une seule et même espèce, tous naissant égaux car avec les mêmes propriétés. Les sociétés ensuite leurs donnent des destins différents susceptibles d’évolutions. On voit ce que représente de recul le racialisme, au regard de cette vision universelle de l’Homme, au sens de ses droits naturels, affirmés par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, repris dans les principes et valeurs fondamentaux de la République. C’est une voie sans issue, incendiaire et fratricide.
rac(i)(a)(l)(i)(s)(é)(m)(t)(e)(s)(ux)
25 minutes
Léonora Miano, auteure d'"Afropea" (Grasset), est l'invitée du Grand entretien de France Inter.
... n’est pas une Afropéenne (afro-européenne). Ceux qui se définissent ainsi ont grandi en Europe. Ceux qui se sont donnés un nom – Afropéens – dans lequel Afrique et Europe fusionnent, s’ils sont fidèles aux implications de cette association plus qu’à leur amertume, peuvent incarner un projet de société fraternel, anti-impérialiste et anti-raciste.
A l'origine, le terme "Afropea" a été créé pour définir des musiques qui refléteraient l'influence de l'Afrique sur les sensibilités européennes. C'est devenu l’appellation d'un maillage humain pour parler de cette population européenne avec une ascendance africaine.
Dans une France en proie aux crispations identitaires, la perspective afropéenne apparaît encore comme une utopie. De part et d’autre, la tentation du rejet est puissante.
Pour l'autrice, "le français n'est pas une langue coloniale. Le français a précédé la colonisation, il peut donc lui survivre".
"La racialisation des corps n'est pas quelque chose d'amical, on a incarcéré les personnes noires dans quelque chose de négatif, il faut construire autre chose"
Léonora Miano explique qu'elle regarde attentivement la société française, et dit-elle, "je n’ai pas l’impression qu’on veuille débattre, j’ai le sentiment qu’on veut faire mordre la poussière celui d’en face".
Le "racisme cordial", c'est un racisme de l'intimité, explique-t-elle : "on peut coucher ensemble, on peut être "amis", mais on ne sera pas ensemble dans les espaces de pouvoir."
Concernant les défis actuels qui se posent aux sociétés occidentales, comme celles des migrations, elle estime que "dans les décennies à venir, il y aura des déplacements de population, il faut se préparer à accueillir et à fraterniser. On ne fraternise pas en soumettant les autres".
Sur la polémique sur le déboulonnage de statues en France, elle prend l'exemple de celle de Colbert, "cette demande est faite par des descendants d’esclaves, ce n’est pas n’importe qui, ce sont des personnes qui existent car ces populations ont été construites par le crime contre l'humanité, on leur doit quelque chose de particulier, il faut comprendre que ce sont des frères qui demandent à leur frères de les apaiser. Alors Colbert c’est le sacrifice, il ne faut pas juste dire non, ni dire qu'on va donner des compensations à la place d’un sacrifice".
Réagissant au discours d'Emmanuel Macron, elle dit : "j’ai trouvé cela irresponsable, on n’oppose pas une fin de non recevoir à des gens issus d’un crime contre l’humanité. C’est faux, en plus, [que la République ne déboulonne pas], car il n'y a pas de statue de Pétain nulle part, car il y a eu crime contre l’humanité. Ce n’est pas juste, ce n’est pas très correct".
Pour l'écrivaine, le fait de mettre une statue dans l’espace public, "c’est commenter l’histoire, et c’est célébrer ces figures-là. Je comprends l’importance de Colbert dans l’histoire de France, mais est-ce que le crime contre l’humanité ne mérite pas un sacrifice".
À la place de Colbert, elle verrait mieux la statue de Louis Delgrès, colonel guadeloupéen de l’armée française. Il s’est opposé au rétablissement de l’esclavage en 1802 par Napoléon.
Légende du visuel principal: Leonora Miano © Radio France / Anne Audigier