Entretien
Floriane Zaslavsky, Journaliste
Travailler trois heures par jour pour enfin pouvoir se reposer, voici le programme d’Emilien Long pour les élections présidentielles. Dans son roman, Hadrien Klent imagine l’aventure de ce candidat de la paresse.
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un candidat à la présidence de la République, Nobel d’économie, place au cœur de son programme une idée originale : « le droit à la paresse » pour tous, rendu possible par l’abaissement du temps de travail à 3h/jour. Cette proposition est réduite par ses opposants politiques à de la « flemme ».
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reprise en main de la vie : ne plus subir (tant les injonctions productives que les assauts de la consommation passive), décider de ce qu’on fait de son temps. La « paresse » pour Émilien Long, c’est prendre enfin le temps de vivre : ne plus être rivé à son travail, à ses écrans, à la consommation. Une forme de temps libre où l’on est obligés de s’interroger sur ce qu’on a envie de faire, ce qu’on aime, ceux qu’on peut aider, et ainsi de suite — tout simplement parce que tous les jours, après trois heures du travail, on est libre ! Cette liberté oblige à se reposer : se reposer la question de ce qui est bon pour nous.
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cette histoire de « monde d’après », c’est de l’esbroufe. Et ça sera toujours de l’esbroufe tant qu’on ne s’interrogera pas sur la toute-puissance de la société de consommation dans nos vies quotidiennes, depuis maintenant quelques décennies. Car il faut être clair : alors que la productivité a énormément augmenté depuis un siècle et demi, le temps de travail ne diminue plus, ou presque plus, depuis près d’un siècle. Pourquoi ? Tout simplement parce que le capitalisme a su inventer des nouveaux « besoins » que le consommateur va ensuite chercher à combler (et donc a besoin de travailler plus pour gagner de quoi s’acheter ce « plus »). Et la spirale ne s’arrête jamais
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tout un programme ... agglomérer, l’air de rien, pas mal de petites luttes qui peuvent se mener de manière quotidienne, ... connues par beaucoup de gens qui ne veulent pas subir le capitalisme triomphant ... :
— utiliser son vélo plutôt que n’importe quel véhicule motorisé dès qu’on fait des trajets de moins de 8 kilomètres, et ce quel que soit le climat ou la saison : c’est bon pour le corps, c’est bon pour l’esprit, et c’est bon pour la planète ! Et ça donne le juste rapport au temps : certes c’est un peu plus long, mais on perçoit mieux le trajet qu’on fait. Pareil à pied évidemment !
— refuser d’utiliser au maximum les outils numériques des GAFAM, soit en s’en passant purement et simplement (posologie idéale) soit en les remplaçant par des équivalents ouverts (ordinateurs sous Linux, logiciels libres, téléphones Android « dé-googlisés », applications de communications ouvertes, adresses email surtout pas chez gmail, etc.).
— faire, dès que l’on peut, ses propres productions vivrières : soit sur balcon, soit si l’on a chance d’avoir un jardin en pleine terre. Soit si c’est possible (et c’est souvent possible au moins de s’inscrire sur une liste d’attente) dans un jardin partagé pas loin de chez soi.
— évidemment acheter des produits bio, locaux, etc. Moins de viande (ou pas du tout !).
— refuser de parvenir : ne pas s’obliger à devenir ce que les autres ou la « société » voudraient qu’on soit (réussite sociale, matérielle). Considérer, comme Albert Thierry en son temps, qu’on est plus utile à une place qui nous semble juste qu’à une place qui « leur » semble bonne.
— ne pas accepter un boulot « qu’on n’aime pas mais qui est bien payé », ni « participer un système qu’on déteste », ni encore « bien savoir qu’on n’est pas cohérent là-dessus mais que veux-tu ? », et ainsi de suite. En gros, cesser au maximum d’être complice ; se rappeler que le monde aura du mal à aller mieux si soi-même on l’aide à aller mal.
— et enfin, cerise sur le gâteau, défendre un modèle de société qui diminuerait fortement le temps de travail : et pour cela, voter pour Émilien Long à la prochaine élection présidentielle !
"Et si les morts pouvaient aider les vivants à transformer le monde ?", nous invite à penser Vinciane Desprets, dans son nouveau livre, "Les Morts à l'oeuvre". Revivre en travaillant moins, c'est l'utopie réaliste à laquelle nous convie Hadrien Klent, puisque "La vie est à nous"...
Avec
- Vinciane Despret Philosophe, professeure à l’université de Liège
- Hadrien Klent Écrivain
Vinciane Despret
Et s’ils étaient toujours là ? Dans les notes d’une musique, un jardin perpétuellement fleuri, une sculpture ? Et si nos morts, à travers la médiation d’une œuvre d’art créée en leur souvenir, avaient le pouvoir de nous faire bouger, nous transformer, nous augmenter, peut-être, même de changer le monde ? C’est la thèse de notre première invitée ce soir : la philosophe Vincianne Despret, dans son dernier ouvrage, Les morts à l’œuvre (La Découverte, 2023).
Hadrien Klent
Libérer les humains du travail, c’est la proposition d’Emilien Lelong, économiste fictif imaginé par Hadrien Klent dans son roman, Paresse pour tous (2021). Après le succès de ce premier tome, l’auteur revient avec La vie est à nous (2023) pour appliquer le programme de son héros devenu Président de la République. Il imagine un monde nouveau dans lequel la notion de « coliberté » remplace celle de « paresse », un monde où la durée légale de travail est passée à quinze heures hebdomadaires…sans que le pays ne s'effondre ! Convaincu qu'un modèle alternatif est possible, Hadrien Klent affirme qu’une utopie politique peut bel et bien être réaliste et nous explique pourquoi.
Chroniques
- Pierre Schneidermann de chez KONBINI nous emmène faire un tour sur Youtube, où se déroule une petite révolution quant au doublage automatique des vidéos... Fini les sous-titres ?
- Et Emmanuelle Vibert de la revue WE DEMAIN nous parle de ces médecins «ambulants» qui vont rejoindre la «flotte de services itinérants» qui sillonnent de nouveau nos régions suite à une annonce d'Elisabeth Borne en juin dernier.
Chroniques
- Comment les morts peuvent-ils augmenter la vie ?
- Et si les morts pouvaient aider les vivants à transformer le monde ?
- Comment les morts peuvent-ils augmenter la vie ? Comment peuvent-ils nous aider à trouver notre place, à transformer nos liens, nous faire voyager, enquêter et pourquoi pas transformer le monde ? C’est la thèse la philosophe Vincianne Despret. Des idées pour un monde nouveau 9 min
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