Façade végétalisée d'un immeuble du quartier du Trapèze, sur l'île Seguin, à Boulogne-Billancourt ©Getty - Raphael GAILLARDE
À l'occasion du salon Batimat, Raphaël Gerson nous explique comment la nature peut nous aider à décarboner nos bâtiments.
Près du quart des émissions de gaz à effet de serre en France provient de nos bâtiments. Le secteur est très polluant, car la production des matériaux de construction traditionnels est très émettrice de CO2. Pour faire du ciment par exemple, il faut produire du clinker : un composant qui s’obtient en chauffant du calcaire et de l’argile à plus de 1400 degrés. C’est un procédé très énergivore.
Les matériaux naturels et le comportement du vivant, sont une grande source d’inspiration, pour décarboner nos bâtiments. Par exemple, la start-up landaise Materrup fabrique du ciment à partir d’argile crue ; une solution qui permet de diviser les émissions de CO2 par deux. On pourrait aussi mentionner Cavac-Biomatériaux, qui produit des isolants en fibres végétales, et du béton à base de chanvre. Et c’est du solide : depuis que le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) a attesté de la performance technique de ces matériaux et de leur assurabilité, la demande explose.
Les matériaux naturels ne sont pas forcément plus chers que les matériaux traditionnels. De nombreux projets ont su maitriser le coût des matériaux biosourcés en optant par exemple pour des architectures plus simples. Les solutions d’optimisation techniques et économiques existent pour maitriser le coût des matériaux biosourcés, y compris à grande échelle, comme pour la mairie de Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, qui a fait choix de la paille et du bois dans tous ses chantiers de construction et de rénovation.
Le biomimétisme
Mais ces solutions ont besoin d’être mieux connues de la profession et des maîtres d’ouvrage : c'est la mission du Réseau Bâtiment Durable dont les 21 associations membres sont présentes dans chaque région.
Les bâtiments peuvent aussi imiter la nature et le vivant : c'est le biomimétisme. En Ile-de-France par exemple, à Boulogne-Billancourt, le bâtiment d’un groupe scolaire ressemble à une falaise pour pouvoir accueillir de la biodiversité au sol, sur les murs et sur le toit. Un autre exemple, le stockage inter-saisonnier : de plus en plus de bâtiments en France stockent la chaleur en été, dans des cuves ou en sous-sol, pour l’utiliser en hiver ; exactement comme l’ours, le crapeau ou le rouge-gorge, le font avec leur réserve de graisse. On a bien raison de s’inspirer de la nature pour notre recherche et développement… car elle a un peu d’avance sur nous : environ 4,6 milliards d’années de R&D.
Lieu : En ligne
Mardi 25 avril 2023 – de 10h30 à 12h
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L’association Compagnons Bâtisseurs Rhône-Alpes accompagne les publics aux faibles ressources dans l’amélioration de l’habitat. Elle intervient notamment auprès des propriétaires occupants en milieu rural pour les accompagner tout au long de leur projet de rénovation de leur logement. Cet accompagnement est déployé dans une démarche d’auto-réhabilitation accompagnée, plaçant l’habitant.e au cœur de son projet de travaux.
L’association Enerterre a été créée en 2013 et a pour objectif de soutenir la réhabilitation et l’amélioration du confort dans le logement, notamment par la mobilisation de techniques durables et adaptées au bâti ancien (ex : terre crue). Elle est spécialisée dans la réalisation de chantiers en auto-réhabilitation accompagnée (ARA) et met aussi en place des chantiers participatifs solidaires mobilisant des bénévoles aux côtés de l’artisan et du bénéficiaire, via un système d’échange local (SEL). Pour répondre à ses propres besoins et apporter une réponse locale aux artisans et habitants restaurant du bâti en terre crue ou partisans d’une transition dans le domaine du bâtiment, Enerterre développe une production locale de matériaux en terre crue.
Intervenants :
- Julie Solenne, Directrice des Compagnons Bâtisseurs Rhône-Alpes
- Laurent Bouyer, Coordinateur de l’association Enerterre
Au programme :
- Présentation générale des associations et de leur historique d’intervention en matière de lutte contre la précarité énergétique
- Les publics concernés et méthodes de repérage
- Les actions et les outils déployés
- Exemples de chantiers réalisés
- 30 minutes de questions/réponses avec les participants est prévu.
L'usine Cycle Terre fabrique des blocs de terre crue. Elle est basée à Sevran, en Seine-Saint-Denis - Schnepp Renou
Si la terre crue a été délaissée peu à peu, au fil des ans, au profit du béton dans la construction, ce matériau ancestral est remis au goût du jour. Il est de plus en plus utilisé. Pourquoi ?
Parce qu’il répond aux enjeux environnementaux. Parce qu’il est 100 % naturel. Écologique, recyclable, durable. En phase avec nouvelle réglementation environnementale, la RE 2020. On voit sortir des sols, de plus en plus de constructions en terre crue. Bâtiments pour des logements, des écoles, des bureaux. C’est vrai que l’utilisation de la terre crue ne date pas d’hier : plutôt depuis des millénaires - muraille de Chine, villes impériales au Maroc, quelques centre villes, des maisons... en France, le béton est passé par là. On a dessiné béton, on a construit béton... Et pourtant, dans la construction, la terre crue a des qualités indéniables. Elodie Wallers, architecte, spécialiste de la terre crue :
« La terre crue apporte un confort d’été. C’est-à-dire qu’elle a la capacité d’avoir un déphasage thermique, donc elle n’est pas isolante. Elle a une inertie thermique, elle vient capturer de la chaleur pour la restituer ensuite. »
Elle régule l’humidité de l’air ambiant, pas de résonance acoustique, une très bonne résistance au feu... et elle est aussi esthétique voire sensuelle, à la vue et au toucher, la terre crue a de nombreux atouts.
La terre crue qui pourrait représenter une solution d’avenir pour la construction. Une initiative récente a été mise en place en région parisienne ?
C’est une première. Une usine fabrique des blocs de terre crue. L’usine s’appelle Cycle terre. Elle est basée à Sevran, en Seine-Saint-Denis. La matière première constituée de gravier, de sable, vient du chantier du futur métro du Grand Paris.
Le développeur urbain Quartus, (qui est impliqué avec de nombreux partenaires dans Cycle Terre) croit fortement au développement – en filière courte - de ce matériau pour bâtir autrement. Géraldine Ajax directrice de la marque Quartus :
« C’est aussi un projet qui répond au désir de trouver des solutions nouvelles aux enjeux climatiques et de bien-être. On est tous conscient qu’il faut construire différemment. Nous, notre rôle c’est d’apporter des solutions et de ne pas être dans le constat des enjeux de réchauffement climatiques. De ce point de vue là, la fabrique Cycle Terre répond à cet enjeu de pouvoir proposer de nouvelles solutions. »
Qu’est-ce qui est produit dans cette usine Cycle Terre ?
Des blocs de terre comprimés de 10 kilos qui ressemblent à de grosses briques. Pour faire des murs dans des logements, des bureaux, des collèges, des équipements publics. On peut mixer avec du bois, du chanvre, de la paille. A l’usine Cycle Terre, l’objectif est de produire 600.000 blocs chaque année. Et recycler jusqu’à 10 000 tonnes de terres par an. Fabriquer du mortier, de l’enduit. Pour bâtir des milliers de logements en Ile-de-France. Il y a aussi des commandes pour la future Arena de Paris (Porte de la Chapelle). Des projets à Rosny-sous-Bois, Montfermeil, Meulan, Tremblay... ce modèle de filière locale pourrait être dupliqué.
Quels sont les freins, les désavantages ?
C’est son coût. Environ 30 % plus cher à produire que le béton. A cause du prix de sa main d’œuvre. Son savoir-faire s’est perdu depuis des dizaines de décennies. Pour relancer la filière, il y a des centres dédiés comme en région lyonnaise qui forme, des artisans, des maçons mais également des architectes à apprendre ces techniques. Il faudrait multiplier ce type de centre. Voir aussi amaco
Il faudrait produire à grande échelle ?
On pourrait déjà transformer en ressources ce qui est considéré comme des déchets. En réemployant des terres de chantiers au lieu de les stocker, on pourrait construire des millions de mètres carrés. Les enjeux sont à la fois politiques, économiques. Reste donc à impulser un dynamique, accélérer le développement de la filière et donc produire ce matériau à grande échelle.
A ce moment, on pourrait envisager, qu’il est possible – aussi - de faire la ville de demain, avec les matériaux d’hier.
Clés : Société Arts – Divertissements Arts visuels Architecture Urbanisme Logement - Habitation
L'équipe Olivier Marin Production et Journaliste