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L’imaginaire du Front populaire a été convoqué par les protagonistes de l’union en train de se bâtir à gauche. L’analogie, qui n’est pas la seule possible, a cependant ses limites. Le rassemblement réalisé est surtout inédit.
Mardi 3 mai, jour anniversaire de la victoire du Front populaire aux élections législatives de 1936, le rassemblement de la gauche et des écologistes en vue du scrutin de 2022 a avancé de manière décisive. Après Génération·s puis Europe Écologie-Les Verts (EELV), le Parti communiste (PCF) a trouvé un accord avec les troupes de Jean-Luc Mélenchon, sous la bannière de la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » (NUPES).
Il aura fallu une nuit supplémentaire d’intenses négociations pour que, le 4 mai au matin, le Parti socialiste (PS) rejoigne lui aussi la coalition.
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l’historienne Marion Fontaine, spécialiste des mouvements ouvriers à l’université d’Avignon ... « En 2011, Mélenchon avait fait une très longue conférence sur la façon dont le Programme commun avait préparé la victoire de Mitterrand, se souvient l’historien Jean-Numa Ducange, professeur à l’université de Rouen ... l’historienne Danielle Tartakowsky ... Front populaire ... Son origine antifasciste, ainsi que ses nombreuses conquêtes sociales, qui ont amélioré le sort matériel et conféré de la dignité et du pouvoir à tant de subalternes, en font « un moment de victoire rare dans notre histoire ». ... Roger Martelli, directeur de publication de Regards ... ajoute Marion Fontaine, « c’est la première fois qu’une alliance large est à ce point structurée par la force considérée comme la plus radicale. Il existe une vraie interrogation sur la dynamique que cela va enclencher ». En attendant, les modalités de négociation ressemblent davantage à la genèse oubliée de la gauche plurielle d’il y a un quart de siècle qu’au Front populaire des années 1930 ou au Programme commun des années 1970.
Autrice d’un ouvrage récent sur le sujet, l’historienne Élisa Steier repère un certain nombre de similitudes : « L’alliance se construit autour d’un parti pivot ... Florent Gougou, maître de conférences à Sciences Po Grenoble
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« Des candidatures uniques ne changeraient pas grand-chose dans les endroits où la gauche était de toute façon assurée d’une présence au second tour, ni dans les fiefs du RN où la gauche n’a aucune chance car Marine Le Pen y a rassemblé 40 % des suffrages, assure Florent Gougou. En revanche, cela peut faire la différence dans toute une série de territoires intermédiaires, où le glissement de Macron vers la droite laisse un espace supplémentaire pour un duel La République en marche/ gauche, au lieu d’un duel La République en marche/extrême droite. »
Ce choix stratégique pourrait être facilité par la faiblesse du nombre de députés sortants à gauche. « Une cinquantaine de sièges seulement sont concernés, contre le triple quand le PS était dans l’opposition face à la droite », rappelle Rémi Lefebvre. Pour le professeur de science politique à l’université de Lille, un autre facteur résiderait dans une forme de « lucidité » des partis quant à leur délitement territorial. Celui-ci ne les inciterait pas forcément à des efforts d’investiture dans la totalité des 577 circonscriptions potentielles.
En somme, dans l’identité de la force structurant l’alliance à gauche, comme dans les modalités de celle-ci, la part de nouveauté est grande. Plutôt qu’à la reproduction de schémas déjà expérimentés, le rassemblement en cours renseigne sur les transformations considérables que traverse encore la vie politique française. « Des choses qui étaient impensables dans l’ordre électoral précédent sont devenues possibles », résume Florent Gougou.
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D’un côté, l’accord législatif à gauche ne semble avoir été possible qu’après la grande explication de la présidentielle
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D’un autre côté, remarque Nicolas Bué, « Jean-Luc Mélenchon est le premier, depuis 2002, à remettre en cause la logique prêtée au quinquennat ». Fût-ce en se mettant en avant comme potentiel premier ministre, ce qui témoigne d’une acceptation évidente de la personnalisation de la vie politique, « il affirme que les législatives sont l’élection la plus importante ». Plus l’accord noué sera large, plus les scrutins des 12 et 19 juin prochains seront en tout cas cruciaux pour déterminer les rapports de force qui structureront le second quinquennat d’Emmanuel Macron.