Marie-Cécilia Duvernoy note en effet dans Le Figaro que « comme pour les fongicides déjà existants, de nouveaux pesticides ont le potentiel de rendre les traitements médicaux inefficaces, annonce une étude publiée dans Nature ».
La journaliste explique que « le problème est connu depuis plus de 20 ans pour les antifongiques azolés, la famille de molécules la plus utilisée pour combattre les champignons indésirables. Particulièrement efficaces, ils sont employés comme pesticides dans l’agriculture et le traitement du bois, mais aussi en médecine, où ils sont privilégiés en premier traitement des infections fongiques car ils sont bien supportés par l’organisme et protègent contre la plupart des champignons pathogènes ».
Marie-Cécilia Duvernoy souligne cependant que « cette utilisation massive crée des résistances ». Steffi Rocchi, chercheuse associée au laboratoire Chrono Environnement de Besançon, indique ainsi : « On s’est rendu compte que certains patients avaient des infections pulmonaires à champignon, notamment Aspergillus fumigatus, avec des souches qui étaient résistantes aux traitements médicaux ».
La chercheuse précise : « On connaissait le cas de patients traités avec un antifongique et chez qui le champignon va devenir résistant, comme pour les bactéries avec les antibiotiques. Mais là c’était chez des patients qui n’avaient jamais eu de traitement antifongique auparavant ! C’est comme ça que les recherches se sont tournées vers l’environnement ».
Steffi Rocchi relève en effet : « Il a été montré que les fongicides azolés utilisés en médecine ont des “cousins”, avec les mêmes structures chimiques, qui sont utilisés en agriculture. Les Aspergillus, qui sont naturellement présents dans les sols, sont exposés à ces molécules agricoles et développent des mécanismes de résistance ».
Marie-Cécilia Duvernoy remarque que « le problème de santé publique est réel car ces antifongiques azolés sont le traitement de première intention contre le champignon Aspergillus fumigatus, un pathogène responsable de plus de 600.000 morts chaque année à travers le monde ».
« Dans certaines régions, comme les Pays-Bas, plus de 20% des souches d’Aspergillus sont résistantes aux fongicides azolés. Le phénomène est également documenté en France, mais la statistique est incertaine », poursuit la journaliste.
Marie-Cécilia Duvernoy rappelle qu’« un patient atteint d’une infection résistante a seulement 10% de chance d’y survivre si aucune alternative thérapeutique n’est proposée. Dans un tel contexte, trouver de nouveaux composés est impératif car «il y a très peu de molécules antifongiques», alerte Steffi Rocchi, et toutes ne sont pas aussi efficaces ou bien tolérées que les azolés ».
La journaliste note enfin que « les auteurs de l’étude tirent la sonnette d’alarme ». Ils écrivent dans Nature que « si l’utilisation de produits agrochimiques mène à nouveau à des résistances aux antifongiques cliniques de nouvelle génération, nous limiterons notre capacité future à traiter Aspergillus fumigatus et potentiellement d’autres infections fongiques filamenteuses ».
Steffi Rocchi ajoute : « Il faut qu’on arrive à sortir de cette agriculture avec un usage important des pesticides, mais ça ne va pas se faire du jour au lendemain. Il faut accompagner les agriculteurs et que les choses soient réfléchies ».
Connu / TG le 28/02/24 à 10:09