Isabelle Stengers, philosophe, enseignante à l'Université Libre de Bruxelles et Serge Gutwirth, juriste, professeur à la faculté de droit et à la criminologie de Vrije Universiteit Brussel analysent la situation à Notre-Dame-des-Landes. «Là-bas, on a appris à s’attacher au lieu où l’on habite et à en faire un lieu d’hospitalité pour celles et ceux qui passent – quitte à décider de rester – parce qu’ils aspirent en effet à changer de mode de vie».
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Un spectre hante le monde d’aujourd’hui, celui des «communs» dont l’éradication correspond avec l’impératif sacré de la modernisation, avec l’industrialisation qui absorbe ceux qui ont été séparés de leurs moyens de vivre et la colonisation qui détruit ainsi la culture vive des peuples « à civiliser ». De fait, ce qui nous semble aujourd’hui «normal», l’individu isolable, pour qui la propriété est synonyme de liberté, de droit de faire, sans scrupule mais en toute sécurité juridique, ce que la loi et les juges n’interdisent pas, est une bizarrerie anthropologique au vu de la multiplicité des manières éco-sociales de «faire commun» qu’ont cultivées les peuples partout sur terre. Et un large mouvement se dessine aujourd’hui qui plaide pour une renaissance des communs en tant que manière de répondre au ravage de la terre mais aussi de nos modes de faire société (2). Nous préférons quant à nous parler de «résurgence», de ce qui revient après éradication ou destruction, pour souligner que ce qui tente de faire retour le fait dans un milieu hostile, où prévalent le droit des propriétaires (qu’ils soient individus, entreprises ou États) et les habitudes apprises d’attendre du progrès qu’il répare ce que nous détruisons.
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De respecter ce milieu où s’apprennent des modes de vie que l’on dit «alternatifs», sachant que les nôtres nous condamnent à détruire la majeure partie des vivants terrestres et, lorsque nous devrons reconnaître qu’«il n’y a plus d’autre choix» », à nous résigner à la folie irresponsable qu’on appelle «géoingénierie».