Qu’est-ce que la laïcité ? - Mise en ligne le 8 nov. 2018 / Campus Lumières d'Islam
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Transcription :
Philippe Gaudin, professeur de philosophie, directeur adjoint de l'IESR.
...définition la plus simple possible et si possible complète en peu de mots. Je définis la laîcité de la manière suivante, plus particulièrement dans le contexte qui est celui de la France, comme étant "La protection et l'encadrement de la liberté de conscience et de culte, par un État non confessionnel. Ou encore par une loi qui est de nature politique et non pas religieuse."
Autrement dit, cette définition générale que je propose, on peut quand même tirer quelques enseignements et quelques conséquences.
Premier enseignement : quand il est question de laïcité, il est question de liberté. Très clairement. Et d'une liberté protégée. D'une liberté à laquelle on attache la plus grande importance.
Et cette liberté s'exprime de deux manières ; liberté de conscience d'abord. Liberté de conscience, historiquement, il faut le dire, il faut le rappeler, la liberté de conscience a d'abord été la liberté de croire autrement. Et d'ailleurs en général, la liberté de croire autrement permet - a permis - la liberté de ne point croire. Et je crois que quand la liberté intra-religieuse, le pluralisme interne aux grandes religions est possible, alors, ceux qui ne croient pas, ceux qui ne veulent pas suivre une religion, trouvent une place égale à celle des autres. Liberté de conscience, donc liberté de croire autrement, liberté de croire ou de ne pas croire. Et l'article 10 de 1789 dit déjà que nul ne peut être inquiété par ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. Pas simplement la liberté de conscience, mais la liberté de culte. Et il est remarquable que, en France, la liberté de culte soit un sous-ensemble de la liberté de conscience. Et plus particulièremenet depuis l'article premier de la loi de 1905, puisque cette loi dit dans l'article premier que la république assure la liberté de conscience et garantie la liberté de culte. Autrement dit, on a un ordre : d'abord la liberté de conscience, ensuite la liberté de culte. Et on a deux verbes différents. Dans le premier cas, la république s'engage. Elle assure. Dans le deuxième cas, elle garantie. Son rôle n'est pas de promouvoir la liberté de culte, mais précisément, de la rendre toujours possible et de la protéger. Donc la liberté de culte, ça renvoie pour le coup à quelque chose qui peut avoir une dimension matérielle. Le culte, s'est pas simplement l'intime, ça suppose la capacité de s'organiser matériellement et la capacité de concrétiser sa foi d'une manière collective.
Et l'autre aspect de la définition de la laïcité - protection de deux libertés fondamentales - mais encadrement de ces deux libertés. il n'y a pas de liberté qui n'ait de limite - tout le monde peut quand même le comprendre me semble-t-il - donc la liberté ce n'est pas faire tout et n'importe quoi. La liberté, c'est ce qui rend possible la liberté d'autrui en face de la mienne, ce qui n'est possible que si on se donne une règle commune.
Et là, c'est un point où il ne faut pas négliger qu'il peut y avoir une difficulté. Notre loi est de nature politique et non pas religieuse. Notre loi est celle de la république. Et la déclaration de 1789 dit déjà que la loi est l'expression de la volonté générale, et non pas le défaut d'une révélation.
Si je lis dans un grand texte religieux "tu ne tueras point", je n'en déduirai pas que c'est un commandement stupide puisqu'il est religieux, bien évidemment. Mais par contre, ce n'est pas parce qu'il est dans un texte réputé et révélé, que ce commandement sera nécessairement adopté. Ne sont adoptés dans notre pays que des lois qui sont votées par des parlementaires représentants du peuple qui sont conformes à notre droit, sous la protection du juge. Et notre droit a lui-même comme fondement ce que l'on pourrait appeler les droits humains fondamentaux. C'est-à-dire des libertés individuelles comme la liberté d'avoir ou de ne pas avoir de religiion. Voila.