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« Je me suis radicalisé après la loi Loppsi 2, qui interdisait de vivre dans un véhicule [la disposition a depuis été invalidée par le Conseil constitutionnel]. J’ai souvent le sentiment que tout ce que je fais est illégal. Vivre en camion, aller faire de la récupération dans les poubelles de supermarché, échanger des graines. J’ai du mal à comprendre ce fonctionnement absurde de notre société. »
Politiquement, leurs convictions sont bien éloignées d’autres composantes de la lutte, notamment de certaines associations comme l’Acipa (les riverains opposés au projet d’aéroport) ou le céDpa (Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport), qu’ils jugent trop « citoyennistes ». « Ils croient encore en la parole de l’État, veulent obéir à leurs règles alors qu’on voit bien que cela ne mène nulle part », poursuit Carlo. Les habitants de La Grée déplorent aussi l’hypocrisie de ces associations, qui les auraient trompés lors de la libération de la route D281, dite « route des chicanes ». En échange du démontage des cabanes, on leur avait promis qu’ils pourraient les reconstruire plus tard. « Mais au dernier moment, ils ont ajouté une condition : la reconstruction en hameau et pas en habitat éparpillé, pour éviter le “mitage” des campagnes. En réalité, ils nous ont instrumentalisés et ne respectent pas vraiment les six points du texte pour l’avenir de la Zad. »
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« Nos modes de vie sont totalement incompatibles avec la loi telle qu’elle existe »
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La Zad représente pour eux un espace de liberté et d’expérimentation, un interstice au sein d’une société dans laquelle ils ne trouvent pas leur place. Où iront-ils si jamais elle disparaît ? « Le gouvernement assure qu’il a écrasé les vilains radicaux et rétabli l’État de droit. Mais ce n’est pas fini, nous sommes toujours là et nous occuperons jusqu’au bout », poursuit Carlo. « On nous demande souvent pourquoi on ne veut pas se légaliser. Ce n’est pas qu’on veut pas, c’est qu’on ne peut pas. Nos modes de vie sont totalement incompatibles avec la loi telle qu’elle existe. Il faudrait que nous changions totalement notre façon de vivre. C’est impossible », enchérit Michelle. Pour illustrer son propos, elle désigne la cuisine collective qui nourrit les gens de la ferme, qui serait immédiatement fermée si un inspecteur d’hygiène venait y mettre son nez. Lorsqu’on lui rétorque que les normes ont été imposées pour éviter la propagation des germes et maladies, elle répond : « Toutes les normes n’ont jamais empêché d’avoir des épidémies de gastro dans les cantines qui les respectent. Dès que les gens vivent en grands collectifs, il y a toujours des risques. »
« On se réapproprie des questions essentielles de notre vie »
Carlo évoque l’autogestion, une philosophie partagée par beaucoup de zadistes et plus particulièrement à La Grée.
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