Société
Natacha Polony Directrice de la rédaction
« Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou. » La phrase de Friedrich Nietzsche résonne étrangement pour qui a entendu ces derniers jours s'exprimer les certitudes et la bonne conscience autour de Vincent Lambert, comme des corbeaux en vol circulaire, pour qui a entendu les cris de liesse et les expressions de supporteurs de foot de ces militants catholiques apprenant la suspension du processus d'arrêt des traitements sur décision d'une énième cour d'appel. Les « on a gagné » hurlés avec rage, la « remontada » revendiquée par l'avocat des parents de Vincent Lambert, donnent une idée non pas seulement de l'indécence mais surtout de la folie à laquelle peuvent conduire des convictions quand elles veulent effacer la complexité du réel. En face, l'évidence est la même. La solution est simple : appliquer en France la loi belge, qui autorise le suicide assisté. Qui autorise aussi l'euthanasie sur des mineurs. Et même sur des personnes dépressives…
L'affaire Vincent Lambert parle à notre humanité commune. La situation tragique de cet homme, les déchirements de sa famille, réveillent en nous des angoisses universelles. C'est précisément pour cette raison que les certitudes des uns et des autres nous agressent. Pour cette raison que les discours politiques nous semblent d'un clientélisme déplacé.
Quiconque s'aventure en ces contrées intimes et incertaines ne peut le faire qu'avec l'humilité de celui qui ne sait pas. Nous ne savons pas ce que vit, ressent ou ne ressent pas Vincent Lambert. Aucun médecin, même, ne le sait véritablement, tant les contours de la conscience nous sont encore flous. Evitons donc de projeter nos fantasmes sur ce visage dans lequel nous ne pouvons lire que l'insondable mystère du vivant. Quelles que soient nos convictions, ce corps nous bouscule, nous déstabilise, nous pousse dans nos retranchements. La plupart d'entre nous, sans doute, y voient l'image même de ce qu'ils ne veulent pas vivre, de sorte que, si cette affaire aune...
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